On est samedi soir à ce que je sache? Pourquoi il n'y a pas un chat dans les rues de Lewis? Cette ville est complètement morte, s'en est exaspérant. Elle me change tellement de Londres ou tout n'est que fête, désillusion, déflagration, prostitution et autres termes en « ion ». Erf. Je commence un peu à la regretter ma petite ville, non c'est vrai quoi. On se fait d'un chier à Lewis, y'a rien à faire... Et pour avoir des soirées dignes de ce nom il faut se rendre à Brownsville à 30 kilomètres de là alors je vous remercie mais ça va deux minutes. En plus ce con de César il a soit disant un « bon coup » ce soir alors je peux même pas le faire chier. Bordel. Maxxi, lui il est jamais là quand on a besoin de lui. C'est donc comme cela que je me suis retrouvé à errer dans les rues par ce temps humide et dégueulasse, cherchant une activité quelle qu'elle soit pour combler mon ennui. J'ai pas envie de rentrer chez moi, parce que je connais déjà très bien la chanson. Je vais rentrer, m'allumer un pétard et passer ma soirée sur le canapé entrain de comater. J'ai déjà eu ma dose et je veux trouver quelque chose de plus constructif.

Je regarde les bâtiments qui m'entourent et me rends compte que je me trouve dans la rue la plus animée de la ville; oui oui vous avez bien entendu, la plus animée. Il doit genre y avoir un bar, un magasin et un cinéma et on appelle ça une rue animée. Je vais t'en foutre des rues animées moi. Tiens en parlant de cinéma... C'est peut-être pas une mauvaise idée tu me diras. Je jette un œil à l'affiche des programmes. Big Mamma? Non trop perrav. Animaux & Cie. Non, j'ai même pas d'explications à donner. Black Swan? Hé, tiens pourquoi pas; après tout César a été le voir – quel gay - et m'a dit que ça déchirait, je vais l'écouter. Rappelez-moi de le frapper si ce film pue. Je regarde autour de moi, histoire de voir s'il n'y a pas quelqu'un pour me surprendre dans mon petit pêché et entre dans le bâtiment.

Je n'ai jamais vu un cinéma aussi pourri. On dirait qu'il a été fait lors de la guerre 14-18 sans déconner. Le papier peint baille à certains endroit et on peut sentir une légère odeur de renfermer; c'est pas possible, tuez-moi mon Seigneur. Je m'approche près du guichet, une femme d'une vingtaine d'année y est installée. Elle est plutôt pas mal je dois dire... C'te honte et moi qui vais lui dire que je veux aller voir un film de gonzesse. Elle me salue et me demande quel film je désire voir. « Hurm... Black Swan » lui dis-je quelque peu gêné. J'ai mes raisons vous me direz. Et là, cette bougresse esquisse un petit sourire. Nom de Dieu. C'est bon demain César s'en prend plein la gueule. Lui qui m'a laissé tomber pour une nana, non mais je vais le tuer. Elle me tend le ticket et me souhaite une bonne soirée. Ouais ouais c'est ça.

Vous devinerez jamais, y'a même pas de bouffe dans ce cinéma on doit aller comme ça les mains dans les poches. On a plus que se ronger les ongles en imaginant qu'on graille du pop-corn. J'aurais pas été étonné de voir en entrant dans la salle une simple télévision avec une chaise devant; ça aurait été dans la limite du raisonnable. Je m'avance donc et monte les escaliers qui mènent tout en haut de la salle, au moins je reste à l'abri des regards et je me fais discret. Je me jette sur l'un des sièges et attends patiemment que ce film de mes deux commence.

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Ismaël m'avait lâché, il m'avait juste dis qu'il avait un truc à faire. Mouai, le truc à faire ce ne serait pas Emrys? Je ne lui en avais pas encore parlé, mais quand je préparais à manger et qu'il partait super bien sappé je m'étais posée des questions. Résultat? J'avais dîné seule, c'était bien triste, même les sketchs nuls à la télévision ne m'avait pas fait rire. Au menu: pâtes et fruits de mer, paraît qu'il fallait que je mange équilibré, j'avais déjà pris du poids et je n'imaginais même pas comment je serais à neuf mois. J'avais pris mon téléphone portable, personne ne répondait et je n'allais pas appelé Balthazar pour qu'il vienne me tenir compagnie car je m'ennuyais, il avait bien d'autres soucis en tête! Ainsi, je pris le journal qui était posé sur la table, pourquoi pas un petit film au cinéma? Toute seule ça faisait un peu tâche, mais on s'en moquait. Je regardais les grilles de la programmation. Tiens, Black Swan, j'en entendais parler partout mais je n'étais toujours pas allée le voir, c'était peut-être l'occasion d'aller constater si le film en valait si la peine que l'on en parlait! En tout cas j'aimais beaucoup le jeu de Nathalie Portman et je me savais qu'elle me ferait bien des surprises dans ce film. Je me levais, éteignant le poste de télévision au passage avant d'aller mettre mes couverts dans l'évier, la vaisselle cela serait pour plus tard. J'allais mettre mes ballerines noirs ainsi qu'une veste par dessus. A présent, la grossesse ne pouvait plus se cacher. Quatre mois. Quatre mois! Je n'y aurais jamais cru si y'a un an on m'aurait dit qu'à la même période j'allais être maman. Je pris mes clés avant d'envoyer un sms à Ismaël qui avait oublié les siennes, je le prévenais que s'il comptait rentrer ce soir, qu'il attende vers vingt trois heures trente, fin de la séance.

Le cinéma de Lewis je n'y allais pas souvent, tout ce que je savais c'était qu'il était limite à l'ancienne. J'aimais bien ce côté vintage. Après quelques minutes de marche, j'enlevais les écouteurs que j'avais aux oreilles et éteignit mon Ipod avant de demander à la guichetière: « une place pour Black Swan s'il vous plait. » J'étais arrivée dix minutes avant la séance et par chance elle me déclara que c'était la dernière place. Non sans déconner? Pourtant il n'y avait pas foule dans les rues de Lewis. Je la pris avant de me rendre dans le cinéma et de rentrer dans la salle. Mouai, elle s'était un peu plantée la guichetière. Je regardais un peu puis je soupira, avais-je réellement le choix? Non pas tellement, je me dirigeais vers une place libre, manque de chance? Oui, parce que c'était une personne que je ne pouvais pas voir... Némo. Lui et moi ça n'allait pas, il me prenait pour son punching-ball préféré et c'était un bourreau pour moi, mais j'en avais rien à faire, il n'allait surtout pas me gâcher ma soirée! Pourtant je ne peux m'empêcher de faire une remarque: « Némo qui va voir un film pour filles, tu vas pleurer dis-moi? Je voudrais bien prendre une photo... » Je n'allais pas me laisser faire, oh non, manque de chance pour lui j'avais commencé à prendre de l'assurance et il était hors de question qu'il me marche sur les pieds. Je posa mon sac à mes pieds avant d'enlever ma veste. « Oh et avant que tu envisages à me foutre un coup ou je ne sais quoi, je te signale que comme tu peux le voir, je suis enceinte et que frapper une femme enceinte ça peut aller très loin en justice... » Déclarais-je en posant mon regard sur lui avant d'avoir un léger sourire satisfait.

Spoiler:

La salle se remplissait peu à peu, pourquoi diable tout le monde se réunit le samedi soir au cinéma, c’est seulement pour les gens qui se font chier non ? En plus je suis sûr que je vais me faire griller par quelqu’un que je connais comme un et un font deux ; je le vois gros comme une baraque. Les gens entrent dans la salle, on dirait des petits poissons dans un aquarium, c’est dingue. Le pire dans tout ça c’est qu’ils ont prit toute les places sauf une à côté de moi, je dois comprendre quelque chose ? Bon je vais pas dire que je m’en plains, comme ça j’aurais pas à supporter les crises de larmes ou de rire d’un vieux lourdingue ou d’une vielle mégère. C’est assez insupportable, les gens font du bruit, ils parlent, chantent, c’est limite s’ils dansent pas, vraiment ça m’énerve. Et puis au moment où je pensais ne pas tomber plus bas ; devinez qui je vois arriver ? Oui, exactement Lily Breaknow avec son polichinelle dans le tiroir et ses cheveux pas coiffés. De la voir ça a un désavantage comme un avantage, le premier c’est qu’elle va me voir mater un film pour gonzesse, ça c’est con. Mais surtout, je vais pouvoir me distraire en cette soirée monotone. Comme quoi, la seule place libre à côté de moi signifiait bien quelque chose.

Elle s’assoit à côté de moi (bah oui forcément) et commence à se dessaper. « Némo qui va voir un film pour filles, tu vas pleurer dis-moi? Je voudrais bien prendre une photo... » J’ai à peine le temps de répliquer quelque chose de blessant qu’elle ajoute. « Oh et avant que tu envisages à me foutre un coup ou je ne sais quoi, je te signale que comme tu peux le voir, je suis enceinte et que frapper une femme enceinte ça peut aller très loin en justice... » Elle me fait un sourire mesquin et emplit de haine. J’ai justement envie de la frapper, vraiment. En plus qu’est ce qu’elle vient foutre au cinéma vraiment. Le film est genre sortit y’a 120 ans, n’importe qu’elle fille digne de ce nom aurait déjà été le voir, non pas elle. Faut toujours qu’elle fasse dans la dentelle. Je ne prends pas la peine de détourner les yeux de l’écran où défile une pub vantant les mérites d’un produit contre la calvitie. « Tu sais, je frappe pas les femmes, aussi masculine et futile soit-elle. » Elle s’apprête à répliquer quelque chose mais je la coupe en mettant un doigt sur ma bouche tout en montrait l'écran. Le film vient de commencer, c’est pas parce qu’elle est là que ça y est je dois le louper ; ma place a couté cher.

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On pouvait le dire: j'avais la poisse. Pour une fois que je souhaitais voir un film il fallait que je me tape la seule place qui restait à côté de quelqu'un que je ne pouvais pas encadrer. C'était l'ironie du sort sur ce coup là! Némo je le haïssais, il prenait un malin plaisir à me torturer psychologiquement, résultat les blessures du passé se rouvraient et je souffrais... Dès que j'avais l'audace de répliquer à ses pics débiles et puérils, il riait avant de m'embêter encore plus. Ismaël le haïssait, pourtant je n'en parlais pas souvent. J'avais une sale habitude d'intérioriser tout ce que je ressentais depuis près de deux ans, ce qui donnait toujours un peu plus d'inquiétude chez mon meilleur ami dont l'inquiétude montait d'un cran au fil des mois. Bref, pas question de me laisser marcher sur les pieds par un type qui n'en valait pas la peine. Je m'étais donc assis au fond de mon siège dont l'aspect confortable était présent. Par un sourire mesquin je n'avais pu m'empêcher de faire une petite réplique de mon cru... Vous ne voyez pas ce qui était absurde à la situation? Némo se faisait le mérite qu'il était un homme viril et que rien n'atteignait ses sentiments... Or, là il venait voir un film qui parait-il remuait beaucoup psychologiquement, et j'espérais bien qu'il pleure ou qu'il fasse un mouvement, un geste, ou même qu'il ne dise qu'une parole qui briserait ainsi sa coquille d'homme froid et cupide. Oh oui, j'allais garder un œil sur lui pendant toute la soirée et durant tout le film, dommage que je n'avais pas pensé à emmener mon appareil photo avec moi pour prendre des preuves... Némo qui allait voir ce genre de film, c'était un peu comme Ismaël qui arrêterait de me citer des passages de la Torah!

Sa réplique n'était pas tombée dans l'oreille d'un sourd. Cela ne m'avait pas blessé bien au contraire, je ne pus m'empêcher de faire un sourire au coin. Pathétique. « Némo, le petit poisson clown serait-il à court de phrases assassines? Parce que celle-là, elle me fait plus rire que peine.. J'ai à peine senti l'effleurement de la pointe. » Je pris ma veste pour éteindre mon téléphone portable, après tout nous étions dans un cinéma et l'utilisation en était interdite. Les publicités étaient finies et le film commençait juste, il mit son doigt sur la bouche pour faire signe de me taire, oh mais c'était qu'il était très sérieux! Je riais au plus profond de mon être, si Ismaël pouvait être là, il verrait comment j'allais prendre mon pied pour mettre la honte à Némo qui était venu voir un film où les trois-quarts des spectateurs étaient des filles. Je restais dans mon coin pendant plusieurs minutes en ayant les yeux rivés sur l'écran. Pour l'instant rien de bien palpitant et je commençais même à me demander si ce film en valait réellement la peine de se déplacer. Il paraît que Nathalie Portman avait un rôle torturé et qu'elle le jouait à merveille mais en attendant je ne trouvais rien à dire. Ni du bien, ni du mal. Ainsi après un quart d'heure de silence, je me penchai vers le siège de Némo qui lui était particulièrement concentré sur le film. « Tu sais qu'un petit jupon de danse te irais à merveille? Après tout tu as peut-être une âme de filles vu comment ce film semble te captiver. Tu me le diras si tu as besoin d'un mouchoir pour pleurer... » Je ris légèrement avant de reprendre ma position initiale. C'était incroyable comme j'étais de bonne humeur ce soir même à côté de mon bourreau attitré.