Citation :

« Agynese m'a toujours impressionné. D'une part, de son intelligence, mais d'une autre, grâce à ce don qui n'appartient qu'à elle. Une femme de peu de mots, mais beaucoup de sous-entendus. Sous son sourire de première de la classe et sa gueule d'ange, se cache peut-être un petit démon. Elle est torturée. Torturée et paumée. C'est certainement pour cela qu'elle est connue de tous, sans compter la réputation que sa sœur aînée lui a offerte. Si on reparle de ce foutu " don ", il est très difficile pour moi de vous dire en quoi il consiste. Un air détaché; toujours à répondre à côté de la plaque, cette ironie permanente qui vous donne des sueurs froides, son prétendu contrôle de soi lui donne une certaine assurance envers sa petite personne qu'elle n'a pas, qui peut à n'importe quel moment voler en éclats. Très susceptible et émotionnelle; mieux vaut ne pas la faire chier la petite Evans, d'une façon ou d'une autre, vous le regretterez. Pourtant dotée d'une âme sensible et le cœur sur la main, c'est quelqu'un de très généreux et fidèle. Agynese est talentueuse et ça ne se voit rien qu'à son regard quasi-absent et son sourire perdu. Toujours une feuille de papier ou un ordinateur sous la main, son passe-temps favori est l'écriture. Égarée dans son imagination, elle sème souvent le trouble partout où elle va. Une fille incroyable, envoutante, charmante, excentrique mais anormalement distante, froide et je m'en foutiste, impossible d'avoir une conversation directe avec elle. Une fille exceptionnelle. ★ »

Le léger sifflement et le souffle froid d'une porte qui s'ouvre me fit frissonner. Allongée sur mon lit, un livre dans les mains et tournant le dos au visiteur, je soupirais. Quiconque osait me déranger lors de ma lecture était un homme mort. D'un geste las et lent, je me retournais pour faire face au nouvel arrivant qui n'était rien d'autre que mon père. Tu lis quoi ? me fit-il dans un élan de désespoir. Je compatissais. On aurait dit qu'il n'avait rien à faire des journées pour venir à ma porte me demander ce que j'étais en train de lire. Pauvre moi. La Bible. Aucun sourire ne pouvait lui dire qu'il avait été la victime de mon humour légendaire. Qu'il soit protestant, chrétien, juif, musulman ou je ne sais quoi d'autre, je m'en foutais. Grave. Ma sournoiserie ne lui échappera pas. Ah, ... d'accord. marmonna mon paternel avant de refermer la porte d'un coup sec pour me laisser vaquer à mes occupations. Décidément, j'aime ma famille. La suite des événements ne fut pas palpitant. Quand je refermai enfin mon livre, j'avais appris que l'assassin était le policier lui-même. Classique. Fallait vraiment que je fasse une pause, je saturais. Jetant le bouquin à l'autre bout de la pièce, il allait bientôt être placé dans les archives, tandis que j'appuyais sur le bouton ON de mon ordinateur. Allait-il planter dix secondes après, ou allait-il tenir dix secondes de plus ? Que de suspens de ma vie. Là aussi, je saturais, j'en pouvais plus, c'était intenable. Une journée de merde comme on dit si bien, oui, je connais ça. Où était Ginny ? En train de railler des paroles incompréhensibles dans la salle de bains. Dans la cuisine, on pouvait entendre le fracas des casseroles et les hurlements d'une femme excédée par tout ce boucan, Maman. Et des voix agitées et gueulardes que provoquaient le débat politique que mon père était en train de regarder. Drôle de mélange. Bientôt vint s'ajouter le « bip.bip » infernale de mon ordinateur qui venait de planter. Putain d'ordinateur de merde, mon exposé attendra.


Han ! ... Tu savais qu'Abi sortait avec Morgan ? Hohoooo ... Agy, tu m'écoutes ? Ca faisait maintenant quinze minutes que Cassi' me parlait de tout ce qu'elle avait appris ce matin-même. Quinze minutes ? J'aurais plutôt dit deux heures. Ho mon dieu mon dieu mon dieu. Hmmm ... Tu disais ? Non pas que je me foutais complétement de ce qu'elle était en train de me raconter. Non, pas du tout. T'es chiante, Agy'. T'es impardonnable. Impardonnable. Impardonnable ... Je crois que j'avais compris. Quand Cassiopea eut terminer de jouer les perroquets sur mon caractère et ma façon d'être, nous nous étreignîmes longuement. Ah lalala, elle avait le don de m'énerver. Cinq heures plus tard, je fus de retour à la maison. Ouvrant la porte brusquement et découvrant maman, le sourire aux lèvres comme à chaque fois que je rentrais du lycée, elle me prit dans ses bras et me couvrait de bisous. Je la repoussai gentiment en riant aux éclats. Deuxième étape; la salle à manger. J'y aperçus cette fois papa, allongé sur le canapé, qui gueulait toutes les deux minutes des injures incroyables. Encore en train de regarder le rugby, mon dieu mon dieu mon dieu mon dieu. Hey pap's ! lui lançai-je d'une gaieté inhabituelle; l'effet Cassipoea. Coucou ma puce. Je m'allongeai à côté de lui sur le sofa. Deux minutes. Cinq minutes. Dix minutes. Dix minutes agitées des sauts d'humeur de mon père. Un vrai petit singe, il se tortillait dans tous les sens. Troisième étape; la chambre de Ginny. Ma chambre se trouvant juste à côté de la sienne, je jetai mon sac du mercredi matin à l'entrée de mon espace privé avant de lancer deux ou trois bourrades à la porte de celle de ma sœur bien-aimée. Sans attendre une réponse, j'entrais et découvrit ma sieur sur son lit. Sourire. En m'asseyant à côté d'elle, je lui écrasai volontairement la main, avant de me jeter dans ces bras. Environ une demi-journée que je ne l'avais pas vu, et à peine rentré c'était moment câlin. Ginny: t'es ma vie, t'es ma weed, mes armes et ma bible - décidément, j'aime ce mot. Alors, quoi de neuf aujourd'hui ? Décidément, quand y'a plus Cassi, y'en a encore. Tu savais qu'Abi sortait avec Momo ? Joie ! La tronche qu'elle faisait. D'habitude si belles, ses traits se raidirent. Certainement qu'elle ne savait pas de qui je parlais. Mais c'était trop en avouer sur ma sœur; elle ne voyait pas ça de la même façon. genre, je sais de quoi tu parles même si j'en ai rien à foutre, ouais, ouais, je connais ça. Tu sors ça d'où ? Je connais bien, très bien même. Cassiopea. Cassi', quand tu nous tiens ...


Le moment tant attendu était enfin en ma possession. Ce moment tant attendu, j'en rêvais depuis ... depuis toujours. Quitter Lewis, tout quitter pour partir à Londres. Trop beau pour être vrai. Et non, c'était là, devant moi, je pouvais juste tendre le bras et attraper ma chance alors que je la laissais s'enfuir en courant. Mais non. Deux jours. Deux jours ! Deux jours que je suis parti du cocon familial pour vivre indépendance et liberté. Deux jours en trop. Réfugiée entre mes draps dans le petit appartement trouvé dans une banlieue de Londres, j'avais présentement, maintenant, tout de suite, des idées et des envies suicidaires. Partie pour quoi déjà ? Pour les études ? Râââh, putain, c'était bien la première fois et certainement la dernières fois que j'avais envie de tout claquer. De me barrer. Ca me revient ... Partie à Londres pour les études de journalisme qui me tenait tant coeur dans d'autres circonstances, et, bien sûr, ayant auparavant certifié à Ginny que tout se passerai bien, que je prendrais soin de moi et le blabla habituel des aux-revoir. Tu parles, oui. Tout ceci n'était que mensonges et poudre aux yeux. Je ne suis qu'une conne. Je ne peux pas survivre sans ma famille, et particulièrement sans Ginny, c'est impossible, de toutes façons. Carnet à la main, stylo dans l'autre et la lumière allumée, je relisais pour la énième fois le petit article rendre pour le lendemain. Petit article de deux-cents lignes, oui, c'est bie connu. Ho mon dieu mon dieu mon dieu mon dieu. 6h59. Enfin l'heure de me lever. Espérons, prions que cette journée se passe mieux que la nuit d'insomnies que je viens de subir.


D'un pas pressé, je marchais dans les rus de Londres, déjà surpeuplées, le téléphone portable plaqué à mon oreille qui était elle-même plaquée contre mon épaule relevée, sucette au bec, chignon relevé, à tourner dans tous les sens tel une girouette pour trouver une posture convenable pour prendre des photos potables, le tout en continuant de marcher avec des talons aiguilles, à essayer d'équilibrer tout mon attirail sur mes escarpins qui avaient pour moi l'air d'être des tonneaux, cet instant présent, à bafouiller dans le mobile avec la difficulté de parler correctement, bonbon à la bouche. Bref, voyez le tableau, mode anti-tourisme off intégral. Une envie pressante et un besoin certain de jouer les voyageurs, à un mois de la fin de la scolarité, donc, à un mois des grandes vacances, peut-être à un mois de de retourner à la maison, et à un mois d'un repos (grandement) mérité ? On me dit souvent que j'ai un côté "maso", et pourquoi pas le "sado" qui va avec, mais personnellement, je trouverais toujours de quoi les contredire; je ne me qualifierais pas de quelqu'un comme ça. Mais qui ne connaît pas les instants de relaxation qu'on aimerait s'offrir après une journée riche en stress ? Nobody, évidemment. Alors que la nuit commençait à tomber sur la capitale du Royaume-Uni, je jouais encore les touristes, infatigablement et inlassablement depuis dix-sept heures, en gros, deux ou trois heures que je mimais l'oiseau. Certainement pour cela que, pour m'enfoncer encore plus entre mon mal de tête et mon hyperactivité, qu'on me fonçait dessus. Shit, que j'avais envie de le tabasser. Mais non. Son regard, son insolence, son espièglerie, ses airs de moqueries, et tout ça m'empêchait de lui mettre mon poing dans ce joli petit minois. Non pas que j’étais de nature violente, mais il aurait pu inventer n'importe quel prétexte pour arriver à ses fins. Tu peux pas faire attention ? J'aurais pu être plus convaincante dans mes propos. Mais « il » me paralysait. Et comme d'habitude, la faute ne venait pas de lui mais de moi. En retrouvant l'écran de mon téléphone et de mon appareil photo fendu, la sucette défoncée, avec le sucre coloré répand sur le sol, je me disais que j'en avais des raisons pour l'engueuler. Mais « il » me mettait hors de moi. Et ce, pour la première fois.


A une semaine de l'arrêt des cours, j'ouvrais ma boîte aux lettres, le regard vide et le visage fermé. Deux lettres : une facture, et une invitation. Une invitation de quoi, on peut savoir ? Je n'ai plus le souvenir exact de ce qu'il y avait marqué sur cette lettre, mais, il parlait de Lewis, Oh mon dieu, Lewis ! Je n'avais plus penser à cette ville depuis ... bien longtemps, et voilà qu'on me la remémorait par écrit, et tout ces souvenirs et ces bons moments passés dans cette petite ville, atterrissant dans la boîte aux lettres de mon appartement. C'en était à perdre la tête. Oui, à perdre la tête. Tout au long du repas, de la pause télé ou de la pause lecture, le peu de temps que j'ai passé sur mon ordinateur qui fait encore et toujours ces « bips.bips. » infernaux, j'y ai réfléchis, et j'ai trouvé. Juste avant le début, je partirais à Lewis, et tout ce qui va avec; amours, famille, amis, emmerdes. Pendant la soirée, ça ne cessait de me hanter, je n'en ai pas fermé l’œil de la nuit. Vingt minutes après, je dormais.