June n'arrivait pas à dormir. Elle ignorait quelle fatalité s'abattait aussi sauvagement sur son pauvre esprit qui ne réclamait qu'une bonne nuit de sommeil, mais cela ne changeait rien à ce qui se déroulait dans sa tête. Elle se tournait, se retournait, empêchait tant bien que mal les larmes de couler. Elle n'en pouvait plus, ses yeux désespérément humides la piquaient, ses membres constamment en mouvement ne lui laissaient pas un instant de répit. Et sa foutue horloge n'indiquait que 4 heures. Sa grande villa était plongée dans un silence dérangeant, l'obscurité l'entourait de toute part. Si elle avait été un peu plus peureuse, nul doute qu'elle aurait vu des monstres sortir de son lit. Au moins, elle n'était pas seule. Voilà peu de temps qu'une 'amie d'enfance' l'avait rejointe, devenant plus encore qu'une amie, jouant le rôle de soeur, d'unique famille, de colocataire. Elle était devenue un tout, une partie inébranlable de June, qui lui semblait nécessaire. Qui l'était. Cela faisait bien un an que cette villa était devenue la propriété de mademoiselle BradFord, elle était depuis peu celle de Casey A. Rosenbach.

June se leva de son lit, consciente que de toute manière, le sommeil ne la prendrait pas. Inutile de rester à se retourner lamentablement tout le reste de la soirée. Un coup d'oeil à sa fenêtre lui laissa tout le loisir de déprimer plus encore, alors qu'elle admirait le magnifique lac d'argent qui reflétait les étoiles et la lune dans le ciel. C'était ici, sur cette plage merveilleuse, qu'Elias les avait surpris, son père et elle, en train de coucher ensembles et de rompre le dernier lien qui rapprochait June et son ex petit ami. Désormais, elle ne l'avait plus, il l'avait bien évidemment laissé tomber après avoir assisté à un tel spectacle, et elle ne pouvait l'en blâmer. Elle savait qu'elle devrait tenter de se faire pardonner, mais après cet esclandre au bal, c'était plus ou moins peine perdue. Malgré la lettre magnifique pleine de bons sentiments qu'Elias lui avait laissé sur le pas de la porte de cette même villa où elle passait sa vie, elle continuait à espérer qu'un jour, il serait capable de lui pardonner. Elle devrait se montrer forte en allant le voir, elle en avait l'obligation, bien qu'un tel acte lui foutait une frousse bleue.

Dans un soupire, June s'éloigna de cette fenêtre qui lui rappelait bien trop de mauvais souvenirs qu'elle préférait voir s'évaporer pour ne jamais réapparaître. Ce n'est certes pas ça qui lui donnerait plus envie de dormir. Un bon livre peut-être ? Pour June, c'était bien étrange de parcourir cette villa gigantesque de nuit, ne s'étant pas encore faite à ce nouvel habitat qu'elle s'était offert comme un véritable cadeau. Il lui avait couté une petite fortune, et la moitié du fric qu'elle s'était faite lors de sa période dans le mannequinat y était passée. Mais elle ne regrettait sacrément pas. La bibliothèque se trouvait dans le bureau, juste à côté de la chambre de Casey, elle s'y rendit donc sur la pointe des pieds, soucieuse de ne pas réveiller cette si charmante colocataire à laquelle elle ne voulait que du bien. Ce n'est qu'une fois installée un bon livre sur les genoux (elle avait finalement choisi Pride & Prejudice, bouquin qu'elle avait adoré à ces seize ans & qu'elle n'avait plus lâché depuis, malgré le romantique à gerbant dont il faisait parfois preuve) qu'elle entendit un bruit suspect dans la chambre à Casey. Elle ne dormait pas ? Parfait !

Un sourire sur son joli visage angélique, elle se releva en reposant le livre dans la bibliothèque. De toute manière, elle n'avait pas envie de bouquiner ce soir, elle n'avait envie de rien et préférait rester dans cet état d'esprit avec son amie, non que dis-je, sa soeur. Elle n'avait plus qu'à prier pour ne pas la déranger dans un sommeil factice. June frappa tout doucement à la porte trois coups maximum, puis pénétra dans cette chambre qu'elle connaissait parfaitement. La parcourir dans l'obscurité la plus complète ne l'aurait pas dérangée le moins du monde, mais elle appréciait le rai de lumière qui filtrait sous la porte. Elle glissa dans le lit, priant pour que Casey ne dorme pas. Elle s'en voudrait sacrément de la réveiller absolument pour rien, après tout, elle n'avait pas grand chose à lui dire. Quoi que, jamais elle n'avait vraiment pris le temps de se caser avec elle et de parler de toute cette histoire avec Elias. Mine de rien, elles avaient beau habiter ensembles, elles ne s'étaient plus vraiment vues ensembles depuis un bon petit moment. De quoi être sacrément déprimant !

June - « Ma Casey ... tu dors ? » murmura-t-elle doucement à son oreille.

Cette position confortable et réchauffante lui rappela avec un sourire les rumeurs qui avaient déjà circulé sur elles. Elle adorait s'amuser avec de telles imaginations chez les gens, rentrant pleinement dans leur jeu. Elles s'étaient déjà embrassées dans l'unique but de faire taire ses mauvaises langues, et elles ne répugnaient devant rien. Enfin, Casey n'était pas totalement ce genre de fille, mais finalement, avec June, elle était prête à presque tout. Toutes les deux se complétaient merveilleusement bien, et leur amitié lui semblait parfaitement incassable. Pourtant, elle était dans une passe où tout ce qui l'entourait lui semblait d'une fragilité dérangeante. Pas Casey. Jamais, Ôh grand jamais elle n'aurait pu douter de Casey. Pas une seule seconde. Elle était cette ultime flamme qui brillait avec certitude dans son coeur. Sa dernière rampe, sa trame de secours.

June était épuisée. Trop de nuits à ne pas dormir, trop de journées à s'ennuyer mortellement, trop de soirées à déprimer alors qu'elle aurait du faire la fête et profiter de sa nouvelle liberté de célibataire enfin retrouvée. Mais en ce moment, elle avait énormément de mal. La tendresse et l'amour d'Elias lui manquaient encore plus qu'elle ne l'aurait voulu, et elle regrettait désormais le moindre de ses faits et gestes. Enfin non, pas de véritables regrets, elle savait qu'elle referait la même chose si elle en avait l'occasion même en revenant en arrière, elle s'était rendue compte de cette triste réalité lors de sa discussion avec Lily sur ce sujet. Disons juste qu'elle aurait aimé que tout cela ne se produise pas, ou d'une manière bien différente. Non, tout de même, elle ne poussait pas le vice jusqu'à songer au fait que tout aurait été parfait si Elias ne les avait même pas surpris, elle n'aurait pu rejeter la faute de son acte sur son copain (ex, ex !) lui même, elle n'en avait pas la méchanceté nécessaire. Mais voilà, tout avait été sombre dans cette histoire du début à la fin, et finalement, June n'avait jamais été pleinement heureuse hormis dans les débuts de sa relation avec Elias. Mais petit à petit, elle s'était endormir dans une monotonie qu'elle ne supportait plus, et en était arrivé à un stade de non retour qui l'avait poussé dans les bras du premier inconnu stupide et idiot qui se trimballait par là. Pas de chance, il avait s'agit de Maël, le père d'Elias, pour bien enfoncer le couteau dans la plaie et pousser l'horreur de la chose à son paroxysme. & dire qu'elle avait été a deux doigts d'accepter la demande en fiançailles de son ex copain ... ! Heureusement qu'elle avait eu la prévenance d'attendre que tout ce cauchemar soit terminé avant d'accepter. Maintenant, elle n'aurait plus cette occasion, mais au moins, voilà un domaine dans lequel elle avait été honnête.

June avait raconté toute l'histoire à Casey en première. Pour soulager son âme et sa conscience sans doute. Finalement, ça n'avait servi à rien. Elle aurait mieux fait de garder ce honteux secret pour elle toute seule, cesser d'embêter les autres avec un malheur qui lui retombait dessus mais qu'elle avait elle même provoqué. Et pourtant, June n'hésitait pas à s'en plaindre, ne craignant pas véritablement les critiques qu'elle aurait pu avoir à essuyer. Elle était bien plus appréciée à Lewis que Maël, et il devait s'en prendre bien plus dans la figure que la jolie blonde. En même temps, coucher avec la petite amie de son fils, c'était pas joli joli, et encore moins aller le provoquer sur son propre terrain et écoper d'un coup de poing l'ayant littéralement défiguré. De plus, après l'esclandre du bal, il ne passerait décemment plus invisible parmi les habitants, déjà qu'il ne l'avait jamais été ... Bref, elle n'avait absolument pas à craindre l'opinion public, elle éprouvait néanmoins une frousse bleue à la simple idée du jugement de ses amis proches. Amis qui pouvaient se compter sur les doigts d'une main certainement, alors qu'elle faisait un véritable tri dans ce qu'elle jugeait des parasites, et des gens vraiment là pour elle. Déjà qu'avoir avoué la vérité à Lily avait été une véritable erreur, un massacre, un carnage, qu'elle lui avait fait la morale comme une mère sur protectrice ... Quant à Ginny, elle l'avait déjà un peu mieux pris, tout en ne pouvant canaliser ce regard déçu qu'elle lui lançait, sans doute inconsciemment. De quoi vexer June infiniment. Mais après tout, elle le méritait, hm ?!

Les caresses de Casey sur sa joue lui firent un bien fou. Rien de tel que la tendresse d'une amie pour se remettre d'une déprime, et cette somptueuse blonde avait un véritable talent pour influencer ainsi les sentiments et émotions de June. Un mot d'elle, et ça pouvait absolument tout changer. Elle avait sur la mannequin(e) un pouvoir de persuasion qu'elle devait heureusement ignorer, car cette dernière n'était qu'une poupée entre ses mains habiles. Une amitié parfaitement aveugle qu'elles entretenaient toutes les deux à merveilles, plus encore maintenant qu'elles partageaient cette splendide villa. Elles avaient pourtant mal commencé, June lui témoignant tout son talent pour être une chieuse de première, mais Casey s'était heureusement accrochée. Petit à petit, elles avaient finis par s'apprécier, s'adorer, s'aimer même. La preuve était là, qui aurait pu imaginer, les voyant quelques années auparavant se haïr a New York, qui une seule seconde aurait pu les voir ainsi, toutes les deux dans un même lit dans un petit village inconnu et paumé comme Lewis ? C'était une situation invraisemblable, qui semblait aujourd'hui vital à June. Elle ne se voyait même plus se passer de Casey, et dans des moments comme ceux-ci, elle se disait qu'elle aurait fini noyée, jetée de son plein grès dans la mer d'à côté. Pensée bien morose qu'elle tâcha d'oublier en offrant un sourire sincère à son amie.

June - « Casey, tu veux bien répondre à une question ? » dit-elle à voix basse comme si elle craignait de réveiller quelqu'un. « Je veux dire ... un truc vraiment sérieux ! » Elle laissa planer quelques secondes le silence environnant comme pour offrir un suspens insoutenable à Casey avant de continuer, sur le ton sans doute le plus sincère qu'elle n'avait jamais emprunté : « T'as pensé quoi de moi, quand je t'ai raconté cette histoire avec Elias et Maël ? Je t'ai déçue ? Je t'ai dégoutée ? » Elle n'avait plus qu'à attendre une réponse qu'elle voulait honnête, mais qu'elle craignait tout particulièrement.

(Tu déconnes ou quoi, c'est génial :DD . Je m'excuse pour l'attente, mais j'ai eu quelques problèmes personnels. Enfin voilà, pardon (: .)

Casey était une femme honnête. La relation entre June et elle avait toujours été basée sur une confiance pour le moins absolue, et la jeune BradFord savait que quoi qu'il advienne, elle pourrait toujours avoir l'amitié de sa colocataire. Elle ne craignait en rien que son jugement soit plus irrévocable que celui des autres, ou ne vienne corrompre son affection pour le moins sincère. En revanche, elle avait peur de l'avoir déçue au plus haut point, et même si ça n'avait aucune répercussion concrète, ça n'en restait pas moins une chose dont June ne serait pas vraiment fière. A vrai dire, durant cette dernière année passée à Lewis, les actes dont elle pouvait se targuer étaient bien peu nombreux, et concernaient tous Elias. Il avait été un homme bon pour elle, le genre lui permettant de rentrer sur un droit chemin qu'il ne lui semblait plus connaître. Et c'était sans doute ce qui avait perdu leur couple ... Aussi, lorsque Casey lui affirma comprendre le point de vue de cet homme, elle tiqua, tâchant d'éviter de le montrer à son amie. Bien sur, il était bien plus facile de s'identifier aux blessures d'un être trompé qu'à celui qui a causé ses souffrances, elle ne pouvait le lui reprocher, surtout pas au nom de leur amitié. Les doigts de Casey descendirent jusqu'à ses cheveux, s'enroulant dans les magnifiques mèches de la demoiselle, et ce simple geste la rassura. Même si son amie était sincère et ne tentait pas de cacher le moindre de ses sentiments sous des artifices édulcorés, elle n'en restait pas moins proche de June, et toujours là pour elle. Cette certitude lui suffisait. Jamais elle ne perdrait Casey.

Elle la fit rire franchement avec son anecdote sur Maël, un rire néanmoins troublé par une petite trace de peur. Casey avait parfaitement raison, l'ex amant de son ami était un sociopate de la pire espèce, un mec capable du meilleur comme du pire (euh ... non, pas le meilleur, tenons nous en au pire). Il n'avait eu aucun remord à coucher avec la copine de son fils après l'avoir abandonné lui et sa mère quand il n'était qu'un gamin, avait frappé June à une reprise dans une gifle mémorable qu'elle n'oublierait pas de ci-tôt, l'avait même menacé avec une arme (bon, certes pas chargée, mais arme tout de même). Et tout cela sans le moindre état d'âme. Sans doute que tous ces actes lui semblaient pour le moins normal avec une de ses maitresses, quoi qu'il en soit il était un sacré numéro qu'elle aurait préféré ne jamais connaitre. Elle n'avait jamais osé imaginer quelle devait être sa vie, car une telle histoire si corsée lui aurait sans doute foutue sacrément la frousse ... De plus, Casey lui avait narré sa seule et unique aventure avec lui, alors que dans son plus grand courage, elle avait voulu bousiller sa voiture. Il l'avait pris d'une manière pour le moins étrange, lui enjoignant gracieusement de poursuivre sa tâche ingrate, lui prêtant même une batte de baseball pour rendre la partie plus sympa. Du Maël dans toute sa splendeur. Le regard qui avait suivi cette incartade, n'empêche, avait terrifiée Casey qui avait immédiatement pris la fuite. Oui, elle avait eu raison, devant un Maël énervé, c'était sans doute la meilleure des solutions possibles. Non, que dis-je, la seule.

June - « Un sociopate, tout à fait. Un taré mégalomane et pervers, voilà comment le décrire plus simplement. » annonça-t-elle en soupirant. « Mais il ne m'a jamais fais peur, va savoir pourquoi. Sans doute parce que c'est le père d'Elias ... Je sais, ça ne veut rien dire, mais je ne peux pas imaginer ... enfin ... Comment le père d'un type aussi doux et aussi gentil peut-il avoir cette noirceur d'âme ? »

Le moins que l'on puisse dire, c'est que Maël n'était en rien le portrait de son fils. On aurait plutôt pu les dire parfait opposé, d'ailleurs. Et pourtant, June avait su se faire apprécier des deux. Aimée de l'un, intéressante selon l'autre, elle avait su devenir femme de prédilection du sexe masculin de la famille Lehman. Certes, ses choix avaient été pour le moins mauvais, et ses regrets avaient été inexistants, mais elle avait parfaitement conscience, désormais, que son amour pour Elias était vrai, et non pas le fruit d'un pur hasard. Elle n'avait plus qu'à tenter de le reconquérir, si une telle chose était faisable. Et elle n'en doutait pas. La lettre qu'il avait glissé sous sa porte le lui insinuait fortement. Néanmoins, elle avait conscience que ce serait difficile, et surtout, que ça voudrait dire ne jamais, oh grand jamais revoir Maël Quinn Lehman. C'était une douleur moindre pour retrouver l'homme qu'elle savait celui qu'elle voulait, dorénavant, mais ce serait toutefois un prix assez conséquent à payer. Elle aimait s'imaginer une parfaite indifférence à l'égard de cet homme trop vieux, trop mauvais, trop désagréable et trop imparfait. Mais malheureusement, elle en était incapable. Il avait su l'attirer du premier regard, en était toujours capable malgré le dégout qu'elle éprouvait pour lui. Il avait brisé sa vie, et ce avec une grande joie enfantine, mais elle ne parvenait pas à oublier ses caresses sur son corps et ses regards sincères et désireux. Lorsque Casey tenta de la réconforter du mieux qu'elle le pouvait, June ne put s'empêcher de lui rendre son sourire.

June - « Une bonne personne ... » dit-elle à son humble égard, en un murmure. « Je n'ai pas peur du jugement des autres. Mais le regard d'Elias et les paroles de Maël ne trompent pas, je ne peux pas y être indifférente. » glissa-t-elle en un soupir.