(c) Kiaya91 & Lisiii

Même si le soleil avait refait surface à Lewis, la température était tout de même assez fraiche. Et le froid, Cassandra le détestait. Alors je ne vous dis pas ce qu'elle pense de la neige lorsqu'il en tombe. Mais là n'était pas la question. Froid ou pas froid, la matinée commençait par un petit footing pour la jeune avocate, qui ne s'attarda pas vraiment ce matin là. Cependant, alors qu'elle allait rentrer dans la vieille maison familiale, elle ne put s'empêcher de s'arrêter devant une maison presque similaire, située à quelques pas de là. La maison en question n'était pas très grande mais avait une belle devanture, pleine de charme. Les yeux de la jeune femme s'assombrirent bientôt. Cette demeure était pleine de souvenirs. Lorsqu'elle était revenue à Lewis, elle avait fait son possible pour ne pas regarder cette maison, détournant sans arrêt la tête pour ne pas croiser du regard ne serait ce qu'une parcelle de gazon de celle-ci. Mais là voilà qui était plantée devant l'allée qui menait droit à la porte d'entrée qui était pourtant la même qu'il y a une dizaine d'année. Des frissons la parcoururent bientôt. Elle avait froid. Du moins, c'est ce qu'elle voulait se faire croire. Non c'était tout autre chose. Elle avait beau avoir froid, les frissons étaient du à autre chose. Du remord, de la tristesse ? Elle ne savait pas vraiment discerner quel sentiment prônait sur les autres. Elle resta quelques minutes devant la maison, n'osant même pas faire un pas dans l'allée, il ne fallait pas. Il était près de 7h30 et elle était comme hypnotiser par la vision qui l'envahissait. Le froid lui engourdissait l'esprit et semblait lui envoyer des flash, des souvenirs comme pour lui rappeler, lui faire mal. Foutu froid ! Elle se revoyait avec quinze ans de moi à gambader sur le gazon un soir d'été avec un petit garçon qui essayait de la chatouiller, elle se rappelait de la fois où ils avaient eu un fou rire sur le perron en revenant d'une soirée bien arrosée mais elle se remémora aussi une dispute violente qui avait éclaté ici même peu avant le départ de Cassy. Le coeur de la jeune femme manqua un battement et brusquement les larmes lui vinrent aux yeux sans qu'elle s'en rende vraiment compte. S'il aurait fait un peu plus froid, l'avocate aurait juré que les larmes suspendues à ses cils, auraient gelé sur place. Mais il n'arriva rien de tel, encore heureux. Alors que de multiples souvenirs se multipliaient dans l'esprit de l'ancienne habitante de Lewis, celle-ci ne remarqua pas que la porte d'entrée s'était ouverte. C'est en entendant un bruit sourd de verre sur une surface dure, qu'elle sortit de ses pensées, presque avec regret. Son sang se glaça très vite. Elle était là devant cette maison et ne s'était pas demandé une seule seconde si l'objet de ses pensées vivait toujours ici. Après quelques secondes de discernement, elle se rendit compte que l'homme qui se trouvait sur le perron n'avait rien à voir avec Josh, celui qu'elle voulait tant voir mais qu'elle ne voulait absolument pas... voir. On dit que les femmes sont difficiles mais c'est faux, ce sont les situations qui le sont. L'homme en question traversa l'allée et rejoignit la jeune femme qui n'avait pas bougé, un peu paralysé par la honte ou le soulagement. Cela faisait dix minutes qu'il la voyait regarder sa maison, il était un peu inquiet mais ne voyait pas en quoi une jolie rousse en survêtement pouvait être dangereuse, enfin on ne sait jamais. Mais ses doutes s'envolèrent lorsqu'il entama la conversation avec celle-ci. Ainsi, Cassandra apprit que la famille Galaway était partie depuis des années mais l'actuel propriétaire n'en savait pas plus. L'avocate était partagée entre le soulagement et le désir d'en savoir plus. Qu'était devenu Josh ? Voilà ce qu'elle se demandait alors qu'elle poussait la porte d'entrée de sa propre maison. Le propriétaire lui avait proposé de prendre un café en compagnie de sa femme mais elle avait gentiment refusé, elle ne voulait pas déranger cette petite famille et puis elle n'était plus tout à fait elle-même maintenant qu'elle a appris que la famille Galaway, sa deuxième famille, n'était plus à Lewis. Mais qu'est ce qu'elle espérait ? Que Josh soit toujours là ? Qu'il te parle, te pardonne ? La jeune femme émit un petit ricanement comme pour se rassurer et fila sous la douche. La journée commençait bien, tiens !
Après avoir pris une longue douche, elle alluma son PC portable pour travailler un peu. Elle avait obtenu quelques semaines de répit dans le fin fond du Texas mais elle devait tout de même travailler. Pour le moment elle avait réussi à faire le travail qu'on attendait d'elle, ses patrons étaient plutôt contents d'elle. Elle reçut cependant un coup de téléphone de son collègue qui lui apprenait qu'il fallait qu'elle étudie le dossier pour une affaire sur le droit familial chose qu'elle n'avait encore pas fait. Il lui fallait donc quelques livres sur le sujet. Le droit familial ce n'était pas vraiment sa tasse de thé mais il fallait qu'elle s'y mette si elle voulait garder son job. Il était donc 10 heures quand elle entreprit de faire un saut en ville pour se procurer des livres de droit.

La jeune femme marchait dans le centre-ville, un sourire un peu nostalgique sur les lèvres. Cela faisait presque dix ans qu'elle n'avait pas vu les rues de cette ville et cela la surprenait presque de les voir différemment. Elle n'était plus cette gamine qui passait son temps avec son meilleur ami à arpenter les rues de Lewis à la recherche d'un petit coin tranquille pour parler ou pour lire : leur passion à tous les deux. Maintenant, elle redécouvrait les lieux et ce fut un plaisir pour ses yeux. A ce jour, elle recherchait une librairie. Elle fut triste lorsqu'elle arriva devant l'une d'elle qui apparemment était fermée depuis quelques années. Elle se souvenait qu'elle et Josh s'y rendaient souvent dans leur jeunesse. Encore un lieu liant les deux jeunes gens, qui n'avait plus lieu d'être. Le coeur serré, elle se mit à la recherche d'une autre librairie qui pourrait cacher bien des trésors. Cassandra se rendait souvent dans des petites boutiques pour trouver des livres sur le droit pour son travail, mais bien souvent, elle ressortait avec des romans, des nouvelles, rien à voir avec son objectif premier. Après dix minutes de balade dans les rues, elle s'arrêta enfin devant une petite librairie qui lui inspira tout de suite confiance. La devanture du magasin lui plaisait beaucoup et l'incitait grandement à entrer. Elle ne perdit pas une seconde et entra. Elle fut ravie d'entendre la petit clochette qui retentit à son entrée, elle aimait ce bruit, cela lui rappelait tellement de nombreuses choses. L'atmosphère de la boutique lui plut tout autant que l'aspect extérieur et très vite elle s'avança dans les rayons à la recherche de ses livres. Mais très vite, elle se rendit compte de tous les trésors que renfermaient l'endroit. Des romans qu'elle n'avait jamais lu ou même ses romans préférés dans une édition recherchée, attiraient son attention. Charmée, la jeune femme s'arrêtait à tous les rayons, émerveillée. Elle poussa un léger cri de surprise lorsqu'elle découvrit, presque caché parmi d'autres livres, un exemplaire ancien des Fleur du Mal de Baudelaire. C'était son recueil préféré et elle savait déjà qu'elle sortirait de cette librairie avec ce livre, cher à ses yeux. Elle tourna sur elle même, telle une gamine, avec des yeux qui semblaient emplis d'étoiles. Cette petite boutique était une mine d'or. Elle recommença à fouiner parmi les ouvrages.

Josh regarda le soleil qui commençait à se lever sur Lewis, baignant la place du centre-ville d'une lueur qu'elle n'avait pas connu depuis quelques jours. Assis sur le canapé de son salon, il prit une autre bouchée de son petit déjeuner et avala une gorgée de café. Aujourd'hui encore, la journée allait être longue. Il avait enfin terminé toutes les démarches administratives liées à l'ouverture de sa librairie mais il lui restait encore énormément de travail à faire pour être fin prêt pour la grande journée d'ouverture qui allait avoir lieu dans trois jours. Hier, l'entreprise d'enseigne avait fini son travail et il était resté pendant quinze longues minutes à contempler son rêve qui prenait vie sous ses yeux. Il avait voulu quelque chose qui lui ressemble, quelque chose qui soit lui et qui aille bien avec l'environnement de Lewis. Il avait donc opté pour une devanture toute en bois avec des écritures dorées : en lettres majuscules était inscrit "BOOKWORM".
Bookworm... Le dévoreur de livres. Un sourire s'installa sur ses lèvres à ce souvenir. Sa mère l'appelait ainsi depuis sa plus tendre enfance et il avait toujours su que si un jour il avait la chance d'avoir sa propre librairie c'est ainsi qu'il l'appellerait, en hommage à sa mère. Mais son sourire s'était dissipé tout à coup lorsque ses pensées se tournèrent vers une autre personne chère à son cœur, une personne qui aurait dû être là, à ses côtés, en ces instants si importants de sa vie. Mais jamais elle ne saurait tout le chemin qu'il avait dû accomplir pour en arriver là, tous les obstacles qu'il avait dû surmonter sans elle. Car elle était sortie de sa vie depuis bien longtemps maintenant, des centaines de kilomètres les séparant. Il se souvint avoir fermé les yeux alors que son visage apparaissait de plus en plus nettement dans son esprit, un sourire, son regard, son rire qui résonne dans sa tête. Il n'arrivait pas à l'oublier et pourtant il savait qu'il le devait, pour son bien. Il ne verrait désormais Cassie que dans sa tête et dans les dizaines de photos qu'il avait d'elle et qu'il cachait précautionneusement dans sa chambre. Oui, il ne verrait plus jamais Cassie et cette pensée - quasi quotidienne - continuait de lui briser le cœur.


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Josh se leva du canapé et contempla son salon. C'était vraiment le bordel dans cet endroit; il était rempli de cartons de livres, anciens et récents, qui n'attendaient qu'une chose : descendre d'un étage et pouvoir enfin trouver leur place sur les étagères en bois de la boutique. Il voyait enfin le bout du tunnel : toute la décoration était finie, il ne lui restait plus qu'à descendre tous ces cartons et ranger tout ça par ordre alphabétique. En prenant un énorme carton dans ses bras, il prit le chemin de l'escalier qui le menait à sa boutique et alluma l'endroit à l'aide de son coude droit. Il ferma les yeux et inspira une énorme bouffée d'air : il était déjà amoureux de cet endroit, son endroit, son chez-lui. Enfin.

Il posa lentement le premier carton sur le sol et remonta en chercher un autre. Il fit des allers-retours pendant plus d'une heure puis décida de s'accorder une petite pause. Un bon café lui ferait du bien. Il ouvrit la porte d'entrée de la boutique, sourit en entendant le bruit de la clochette, clochette qu'il avait récupéré de l'ancienne librairie de Lewis - endroit où il avait passé le plus clair de son temps étant jeune - et prit la direction du café voisin, le Bay Coffee. Après avoir discuté pendant dix minutes avec la serveuse, qu'il soupçonnait de lui faire du gringue étant donné les questions de plus en plus intéressées qu'elle lui posait, il reprit le chemin de la librairie, gobelet de café fumant dans la main et journal du jour dans l'autre. Il était plus de dix heures du matin et il se dit qu'il allait devoir vraiment s'activer s'il voulait avoir fini le classement de ses livres avant ce soir.
Arrivé devant sa librairie, il poussa la porte, inconscient de ce qui l'attendait à l'intérieur. Ou plutôt qui.

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Cassandra était repartie dans sa recherche et avait complètement oubliée ce qui l'entourait. Elle trouvait sans cesse des livres qu'elle voulait acheter. Le salaire d'avocate le lui permettait mais elle ne voulait pas non plus dévaliser cette librairie. Son attention se reporta sur ce qui l'entourait. Ses regard descendit pour finalement buter sur un carton. Un carton à moitié vide qui était posé sur une petite étagère. Elle prit un peu de recul pour faire le point. Un carton presque vide, une décoration des plus soignée, une affiche prévenant d'une ouverture officielle. Mince, elle était dans une librairie pas encore ouverte ! Du moins, ce ne serait pas pour longtemps. Elle regarda la date d'ouverture sur la belle affiche qui était dans trois jours. Mentalement, la jeune femme se donna une gifle. Mais finalement, elle était là, il n'y avait personne, elle pouvait continuer à faire du repérage. Cependant, par respect, elle ne toucha à rien. La décoration et l'installation des livres n'étaient peut-être pas finies, elle ne voulait rien bousculer. Elle continuait son petit tour, découvrant des petites merveilles sans arrêt et elle se demandait qui pouvait bien tenir une telle librairie. A croire que le libraire connaissait ses goûts ! A cette pensée, elle secoua la tête tout en souriant. Arrête de rêver ma pauvre fille ! Mais finalement, ses sourcils se froncèrent. Un détail lui revenait en tête maintenant. Elle releva la tête et croisa de nouveau l'affiche de son regard. Le nom de la boutique lui sauta aux yeux, pour ne pas dire à la figure. « Bookworm ». Quel nom étrange pour un magasin, mais cela lui plaisait, sans vraiment savoir pourquoi. Elle avait le sentiment que ce nom lui était familier, mais allez savoir pourquoi elle ne se rappelait plus du tout où est ce qu'elle aurait pu l'entendre. Elle baissa de nouveau la tête vers les étalages et caressa les ouvrage de ses yeux, tout en serrant l'exemplaire des Fleurs du Mal dans ses bras. Mais par moments, malgré elle, ses yeux se reportèrent sur l'affiche ou plutôt sur ce nom. La jeune avocate détestait avoir quelque chose sur la conscience sans vraiment savoir d'où cela venait.

Le bruit de la clochette retentit et c'est à ce moment précis que la jeune femme se demanda où était le propriétaire. Non mais c'est vrai cela faisait dix minutes qu'elle était là en train de fureter et elle n'avait encore vu personne, un comble ! Elle ne se retourna pas de suite, mais comme la boutique n'était pas très grande, elle se dit qu'il fallait bien qu'elle se montre. Elle inventait déjà des excuses à sortir au propriétaire, elle n'était pas au courant que la librairie n'était pas encore ouverte, et puis elle était ouverte alors elle était entrée. Mais si ce n'était pas le gérant et si c'était un habitant de la ville qui avait eu le même réflexe qu'elle ? Elle n'avait rien à perdre après tout, alors elle se retourna avec un petit sourire timide, comme pour se présenter à d'éventuelles excuses. Et c'est à ce moment précis que Cassandra Lauren Madison s'est dis qu'elle n'aurait jamais du remettre les pieds dans cette ville. Enfin, c'est la toute première chose qui lui vint à l'esprit. Elle avait accepté d'aller à ce bal mais savait que si elle le revoyait, elle allait souffrir mais la voilà sur le fait accompli. La vie était faite de hasards, c'est ce que sa grand-mère lui disait quand elle était petite. Mais avec une journée pareille, on ne peut plus croire au hasard, c'est impossible. Le matin même, elle s'était presque mutilé volontairement en s'arrêtant devant la maison des Galaway et voilà maintenant qu'elle voyait un fantôme. Mais ce fantôme semblait des plus réels. Le coeur de la jeune femme manqua un battement. Elle maudit les films romantiques qu'elle a pu voir quand elle était jeune où on pouvait voir la femme qui rencontrait l'homme de sa vie dans une telle circonstance. Nouvelle gifle mentale. Il était là, en chair et en os, et Cassandra ne voulait pas se mentir en se disant qu'il était toujours aussi beau que dans ses souvenirs. Un café dans une main et un journal dans l'autre, il semblait le plus naturel possible, un homme simple. Le regard de la jeune femme allait et venait sur la silhouette qu'elle ne reconnaissait plus vraiment, cela faisait huit qu'elle ne l'avait pas vu. Mais ses yeux, même ses cheveux, restaient les mêmes ! L'avocate se sentit rougir, en tout cas elle sentit la chaleur s'emparer de ses joues. Le coeur battait à tout rompre. Foutu comédies romantiques ! Ses yeux se détachèrent de Josh non sans regret et chercha quelque chose de plus intéressant à regarder. Enfin de plus intéressant, c'était mentir, mais elle n'osait pas croiser son regard, elle ne le supporterait pas. Mais elle n'avait pas le choix, ils étaient seuls dans cette pièce. De nouveau, ses yeux tombèrent sur la fameuse affiche et là tout lui revint en mémoire. Ce nom, ou plutôt ce surnom, c'était celui de Josh lorsqu'il était enfant. Sa mère le surnommait ainsi car il adorait lire. Seul sa mère l'appelait ainsi, Cassy, elle, avait d'autres surnoms qu'elle avait déjà oublié, qu'elle s'était forcé à oublier. La déduction arriva alors très vite. Lewis ne possédait sûrement pas plus de deux ou trois librairies à tout casser et encore elle n'en était pas sûre. Et elle se rendait dans celle que gérait son ami d'enfance. Il faut croire que Cassandra avait la poisse. Enfin, on va dire de la chance, c'est mieux non ? Elle quitta l'affiche des yeux et cette fois son regard capta celui du jeune homme. Cela faisait quoi, quelques secondes, voire une minute qu'elle s'était retournée, et elle n'avait toujours rien dit. Mais elle se sentait démunie. Elle s'était préparée à le voir au fameux bal, mais surtout pas ici ! Qu'allait-elle dire ? Elle n'en savait rien elle-même, du moins pour le moment. Elle ne savait pas s'il était en colère contre elle ou bien triste. Elle ne savait même pas ce qu'elle ressentait pour lui à ce moment précis. Josh avait toute les raisons pour lui en vouloir, elle l'avait laissé, abandonné et la voilà qui débarquait et qui fouinait dans sa librairie... non Cassy, sur ce coup là tu aurais mieux fait de rester chez toi ! Elle souffla doucement en baissant les yeux pour les relever doucement et en les posant sur le visage de ce jeune homme qui n'avait pas change.

« Jolie boutique... » souffla-t-elle

Ah oui c'est du joli ! La seule chose qu'elle trouvait à dire c'est qu'il possédait une belle boutique, sur ce coup là, elle aurait pu trouver mieux !

Lorsque Josh pénétra dans ce paradis qu'était devenue sa toute nouvelle librairie, il ne sut pas à cet instant précis qu'il allait vite se transformer en enfer. Il venait à peine de refermer la porte d'entrée de la boutique d'un léger coup de pied lorsqu'il vit, debout près d'une des rares étagères qu'il avait terminé de fournir, la silhouette d'une femme. Une femme de dos.
Il s'était apprêté à lui lancer un "La boutique n'ouvre que dans trois jours, vous savez..." mais les mots ne purent pas franchir la barrière de ses lèvres. Car la jeune femme aux longs cheveux roux postée à quatre mètres devant lui venait de se retourner. Ce qu'il vit d'abord fut son sourire, quasi inimitable, laissant apercevoir des fossettes se former sur la joue gauche. Il n'avait pas besoin de remonter ses yeux plus hauts car il savait déjà à qui appartenait ce sourire. Et le sien à lui venait de brutalement disparaître.
Le temps semblait s'être figé ou bien était-il en train de faire un sacré bond en arrière, il ne savait pas trop. C'était comme si plus rien autour de lui n'était palpable, comme si le sol s'était dérobé sous ses pieds, que les murs autour de lui disparaissaient, que le tic-tac de l'horloge n'émettait plus le moindre son. Josh était à ce moment là bien incapable de vous dire quelles pensées traversaient actuellement son esprit. Était-il seulement en train de penser à quelque chose ? Son cerveau ne venait-il pas lui aussi de faire un arrêt sur images ? N'était-ce pas un mauvais tour de son esprit dû à une trop grande accumulation de fatigue ? Car ce qu'il avait devant lui ne pouvait pas être réel. Ce n'était tout simplement pas possible.
Cassandra Madison ne pouvait tout bonnement pas être là devant lui.
Il cligna plusieurs fois des paupières et vit que le sourire de la jeune femme venait de disparaître mais que ses joues venaient de prendre subitement une jolie teinte rosée. C'est à ce moment très précis qu'il se permit de lever les yeux vers elle, vers son regard. Il devait la regarder, être sûr que c'était bien elle. Et ensuite, il aviserait. Il ne savait pas encore comment mais il aviserait.
Ses yeux à elle semblaient regarder ailleurs, il lui sembla qu'elle faisait tout de son côté pour éviter de le regarder dans les yeux. Josh sentit alors le malaise qui l'envahissait. Il ne s'était pas du tout préparé à ça, à ce flot d'émotions qui était en train de le submerger, à son coeur qui semblait battre anormalement vite dans sa poitrine. Même s'il pensait à elle tous les jours, il ne s'était jamais imaginé la revoir ici à Lewis et encore moins dans sa librairie, trois jours avant l'ouverture officielle. Pour lui, Cassie l'avait totalement oublié depuis son départ pour Dallas et ses études de droit. Et là voilà aujourd'hui, huit ans plus tard, qui se trouvait là devant lui, un exemplaire des Fleurs du Mal, son livre préféré il s'en souvenait, qu'elle serrait tout contre son coeur.
Les pensées du jeune homme oscillaient entre joie et colère. Bien sûr qu'il était heureux de la voir autrement que sur du papier glacé. Cassie semblait avoir mûri, elle avait vingt-six ans maintenant, tout comme lui, mais elle resterait toujours pour lui la Cassie qu'il avait connu étant petit, une jolie jeune fille aux cheveux roux, souriante et amoureuse de la vie qui avait toujours été près de lui même dans les pires moments de sa vie.
Parfois il se demandait comment une dispute, une seule dispute, entre eux avait ainsi pu anéantir tout ce qu'ils avaient pu partager et construire ensemble. Leur amitié - mais n'était-ce que de l'amitié, il s'était toujours posé la question - n'avait pas pu résister à la Grande Dispute. Tout était parti en éclats depuis ce jour et Josh avait eu du mal à se reconstruire seul. Et en cette merveilleuse journée du mois de mars, voilà qu'il devait faire face à un fantôme de son passé, juste au moment où les choses commençaient à aller bien pour lui. Pourquoi donc personne dans Lewis n'avait eu l'idée de le tenir informé du retour de Cassie ? Personne dans cette fichue ville ne s'était dit que Josh Galaway risquerait d'avoir une crise cardiaque s'il la revoyait ? Il se dit mentalement qu'il allait devoir botter les fesses de plus d'une personne dans Lewis dès qu'il serait sorti de ce mauvais rêve.
Il contempla Cassie pendant de longues secondes, se demandant si elle allait enfin le regarder dans les yeux. Que devait-il dire ? Devait-il d'ailleurs être le premier à parler ? C'était elle qui était de retour à Lewis, elle avait dû se préparer psychologiquement à le revoir alors que lui, de son côté, n'avait pas pu prévoir tout cela. Oui, c'était à elle de parler, aussi prit-il son mal en patience et continua de la regarder, essayant d'enregistrer mentalement ces quelques secondes, aussi éphémères soient-elles dans son esprit. Car c'était bien là un évènement de la journée qu'il aimerait revoir en boucle ce soir avant de s'endormir. Il vit les yeux de Cassie se baisser légèrement avant de se relever pour croiser enfin son regard. D'une voix aussi légère qu'un murmure il l'entendit lui dire :

"Jolie boutique..."

Il ferma soudainement ses paupières, conscient qu'il n'arrivait pas, lui, à la regarder dans les yeux. Sa voix lui avait manqué et il essaya d'enregistrer aussi mentalement les deux seuls mots qui avait franchi les lèvres de la jeune femme. Jolie boutique.
Bizarrement, il se sentit comme soulagé. Il avait eu peur qu'elle ne prenne la fuite face à leurs retrouvailles, ce qui aurait rendu les choses encore plus compliquées qu'elles ne l'étaient déjà.
Jolie boutique. Ces deux mots sonnaient en lui comme un message de paix, on enterrait la hache et on partait sur de nouvelles bases. Et pour lui, il était très important que Cassie aime l'endroit car "Bookworm" était plus qu'un endroit où il travaillait, cet endroit c'était lui, son passé avec elle.
Les yeux encore clos, il se passa une main sur le visage, et ouvrit ses paupières à nouveau, regardant autour de lui le capharnaüm qui régnait dans les lieux.

"Ce n'est pas encore fini..."

Il avait de nouveau posé ses yeux sur elle, espérant qu'elle comprendrait le double sens de cette phrase. Car de son côté, rien n'était fini entre eux.

(c) Kiaya91 & Lisiii

Cassandra avait été tout d'abord mal à l'aise. Il est vrai qu'entrer dans une libraire par encore ouverte et fouiner un peu partout n'est pas commun. Mais quand cette librairie appartient à celui que vous avez fait souffrir il y a presque dix ans et que vous n'avez jamais contacté depuis, et bien le malaise est encore plus grand. La jeune femme voulait fuir le plus loin possible, rentrer chez elle, à Houston et travailler, s'enfouir sous ses dossiers pour oublier ce regard, cette silhouette, lui. Mais une partie en elle, lui hurlait de rester là, encore quelques secondes pour regarder encore une fois son visage, ses cheveux. Sa tête lui disait de partir, son corps lui hurlait de rester. Que décider quand son propre corps refusait de se mettre d'accord ? Il y a des moments où, lorsqu'on vit les moments les plus simples de la vie, comme se lever tous les matin à une même heure, aller au travail et traiter tant de dossier, et bien on ne se dit pas que des moments comme ceux-ci ne peuvent arriver. Mais la jeune femme avait presque tout quitter, elle travaillait encore, mais de Lewis. Mais même si elle travaillait, elle prenait son temps, elle vivait à son rythme comme si elle voulait provoquer l'inévitable. Elle s'était préparée à croiser Josh au bal. Pendant de longs jours, elle avait passé quelques minutes à s'imaginer ce moment. Elle avait déjà prévu quoi lui dire, quel sourire lui adresser, etc... Ces quelques jours à Lewis, à vivre au ralenti, lui avait permis de réfléchir. Mais n'était ce pas de la provocation ? Ne voulait-elle pas forcer le destin ? La vie était faite de choses que l'on ne comprend pas soi-même. Et heureusement d'un côté, non ? Mais la jeune avocate n'avait pas envie de philosopher à cet instant précis, il était trop tard, ou trop tôt, elle n'en savait rien. Elle était sur le fait accompli. Ce qu'elle avait cherché, elle venait de le trouver. Elle fut presque rassurée de voir que le jeune homme était aussi, voire plus, gêné qu'elle.

Elle avait prononcé seulement deux mots et elle s'en voulu presque aussitôt. La jeune femme était habituellement plus bavarde, mais dans une situation pareille, elle ne trouvait pas les mots. En même temps, elle était fautive. Fautive, voilà ce qu'elle se répétait depuis près de dix ans. Elle avait fait du mal à Josh, elle ne pouvait que s'éloigner pour ne pas le faire souffrir de plus belle. Elle n'avait pas pu rester à Lewis après 'La Dispute', les mots des deux jeunes gens avaient été cruels. Cassandra s'en voulait encore aujourd'hui. Elle s'en voulait d'être partie, de ne pas avoir été auprès du jeune homme. Elle ne savait même pas ce qu'il s'était passé dans sa vie durant ces quelques années. Elle s'en voulait beaucoup pour cela. Mais couper totalement le contact était nécessaire pour la jeune femme. Mais chaque jour, elle ne pouvait s'empêcher de penser à lui. Chaque décision qui aurait un impact important sur sa vie, elle le prenait après avoir pensé à l'avis qu'aurait donné Josh. Par exemple, lorsqu'elle a pris la décision de prendre un chat, elle s'est demandé si Josh aurait été content d'avoir un chat lui. Il est de même pour les décisions professionnels et même sentimentales. Elle s'était surprise une fois à se demander si son petit ami actuel plairait à Josh. Le jeune homme était sorti de sa vie, physiquement parlant, mais dans son coeur, il avait toujours une place prédominante, huit ans après encore.

Cassy vit Josh fermer les yeux juste après sa petite intervention verbale. Elle le regardait faire, elle profitait de ce petit moment. Elle le détailla du regard de longue seconde et ne fut pas surprise de reconnaître chaque trait de son visage, de ses cheveux, de sa stature. Il avait pris huit ans, tout comme elle d'ailleurs, mais il était le même. Leur 'séparation' semblait dater de la veille pour la jeune femme, mais celle-ci semblait dater également d'une centaine d'année. Étrange non ? Leur dispute semblait lointaine car elle n'avait plus aucune raison de rester fâchée avec ce jeune homme qu'elle avait envie de redécouvrir et de serrer dans ses bras. Mais en même temps, cela lui paraissait tellement récent qu'elle semblait voir le jeune garçon qu'elle avait quitté. Son regard s'attarda encore et encore sur son visage, ce visage qu'elle revoyait sans cesse dans ses rêves, lors des insomnies qu'elle passait dans son lit à se tourner dans tous les sens pour trouver le sommeil. Il ouvrit de nouveau les yeux et l'avocate pu remarquer qu'il fuyait son regard et elle en fut presque déçue. Elle voulait le voir, le cerner, c'était presque une obsession.

« Ce n'est pas encore fini... »

Ces quelques mots résonnèrent dans sa tête quelques secondes. Elle connaissait Josh trop bien pour ne pas reconnaître un double sens dans cette phrase. S'il n'y avait jamais eu de dispute entre eux, elle aurait sauté de joie. Mais s'il n'y avait pas eu de dispute, ils ne seraient pas ici à ce moment précis. Cette phrase, quoique anodine, lui redonna de l'espoir. Mais de l'espoir pour quoi ? Pour le moment, elle préférait s'attarder sur le premier sens de la phrase, histoire de mettre de l'ordre dans son esprit et ses émotions. La librairie n'était pas finie d'aménager. Oui, bon d'accord, mais à vrai dire maintenant, Cassandra n'en avait plus rien à faire. Mais Josh voulait jouer avec les double sens ? Cassandra pouvait être bonne à ce jeu là...

« Ah... et je suppose que tu vas mettre de l'ordre dans tout cela ? »

Enfin bonne à ce jeu là, c'était vite dit. Elle savait bien que Josh allait lui demander des comptes, lui poser des questions sur le pourquoi de son départ. A ça aussi elle s'y était préparée, mais elle n'y avait pas vraiment réfléchi. Elle allait lui dire la vérité, tout simplement. La jeune fille qu'elle était avait été blessée, meurtrie par sa famille, par elle-même, un peu par tout le monde en fin de compte. Mais elle ne voulait pas se remettre en colère pour le moment, ce moment était trop beau, magique et naïf. C'était bête mais elle ne voulait pas gâcher ce moment. Elle s'approcha un peu plus du jeune homme comme pour le forcer à capter son regard. Elle avait bien vu son malaise, mais elle avait envie de croiser son regard encore une fois. Jamais elle n'aurait penser voir ses yeux de nouveau, mais même cela faisait mal, cela faisait aussi beaucoup de bien. Peu à peu, elle fit quelques pas vers le jeune homme, son âme soeur. Oui âme soeur il fallait le dire car lorsque l'on ressent une telle chose pour une personne après près d'une décennie, cela ne peut être qu'une âme jumelle. Elle s'approchait mais elle ne savait pas quoi faire, quoi dire. Elle n'osait plus respirer, ni même vivre. Arrivée à un mètre du jeune homme, elle s'arrêta et souffla un coup. Elle connaissait Josh, il savait qu'elle aimait parler franchement, sans langue de bois. Là, maintenant, tout de suite, elle avait envie de lui parler, lui dire ce qu'elle ressentait sur le moment.

« Tu m'as énormément manqué tu sais... il n'y a pas eu un jour où je n'ai pas pensé à toi... mais sache que j'ai énormément souffert même si tu as peut-être pensé le contraire... »

Son coeur battait peut-être moins vite mais plus fort encore. Elle en avait presque mal, mais elle avait dit ce qu'elle pensait sur le moment. Josh le savait sûrement, ou pas. Mais elle avait eu besoin de lui dire. De son côté, Cassandra savait que Josh ne l'avait pas oublié, mais la jeune femme avait un très léger doute, elle ne voulait pas que le jeune libraire pense qu'elle l'avait totalement oublié. Comme elle l'avait dis, jamais elle n'avait cessé de penser à lui. Et tout comme lui, elle savait qu'il y avait quelque chose de non achevé entre eux.

Josh avait attendu patiemment la réponse de Cassie. Allait-elle comprendre le double-sens de sa phrase ? Une petite voix dans sa tête lui disait que oui, Cassie avait toujours compris ses allusions, ses jeux de mots, les sens cachés qu'il pouvait donner à ses phrases. Ces deux là n'étaient pas identiques pour rien.
Alors il attendait patiemment ce qu'elle allait lui répondre à cela, analysant, scrutant même, chaque centimètre carré du visage de la jeune femme. La voir si proche de lui lui faisait mal et il se surprit à penser qu'il était complètement maso de rester dans la même pièce qu'elle. Il avait tellement souffert de son absence pendant huit ans que de la savoir là, à quelques mètres de lui, lui étreignait le coeur. Mais il ne pouvait - voulait ? - pas fuir. Il avait besoin de savoir, d'avoir les réponses à la multitude de questions qui le hantaient depuis des années. Et la réponse à ses questions se trouvait juste là devant lui.
Alors qu'il plongeait son regard dans le sien, il sut que Cassie avait compris. La lueur qui venait de s'allumer dans les yeux de la jeune femme le lui faisait comprendre. Quelques secondes s'écoulèrent lorsqu'elle reprit la parole, Josh était maintenant suspendu à ses lèvres :

"Ah... et je suppose que tu vas mettre de l'ordre dans tout cela ?"

Josh se mit à sourire intérieurement, heureux de voir qu'il la connaissait toujours aussi bien. Et soudain il réalisa à quel point sa vie était plate depuis qu'elle n'en faisait plus partie. Personne d'autre n'arrivait à le comprendre aussi bien, dans chaque relation amoureuse ou amicale qu'il commençait, il manquait toujours ce quelque chose qui faisait qu'il pouvait se sentir en phase avec la personne. Il n'avait jamais réussi à atteindre un tel niveau de communion avec une autre personne que Cassie. Et le réaliser maintenant lui faisait peur car il ne savait même pas pourquoi Cassie était de retour à Lewis. Il avait peur d'espérer, de croire qu'elle était de retour pour lui, qu'il lui avait manqué, qu'elle allait rester. Mettant toutes ces émotions au placard, il essaya d'afficher un air neutre sur son visage, évitant soigneusement le regard de Cassie qui savait lire en lui comme dans un livre ouvert. Il s'apprêtait à lui répondre - quoi, il ne savait pas vraiment - lorsqu'un signal d'alarme retentit en lui.
Cassie, aussi subtilement que possible, était en train de se rapprocher de lui. Les mètres qui les séparaient se transformèrent en centimètres et aussi bizarre que cela puisse paraître, son corps à lui ne fit rien pour reculer. Il resta figé là, café et journal toujours scotchés dans les mains, et les mots qu'il s'était apprêté à lui dire restèrent coincés au fond de sa gorge. Il avala difficilement sa salive lorsqu'il sentit les effluves du parfum de Cassie venir lui chatouiller les narines. Ok, elle avait décidé de revenir à Lewis pour le torturer, il en était désormais certain.

"Tu m'as énormément manqué tu sais... il n'y a pas eu un jour où je n'ai pas pensé à toi... mais sache que j'ai énormément souffert même si tu as peut-être pensé le contraire..."

Les mots de Cassie finirent de le clouer sur place. Il ne s'était pas du tout attendu à ça, à ce qu'elle prononce ces mots aussi facilement. Ces mots auraient pu être les siens à lui car oui, elle lui manquait énormément, oui, il pensait constamment à elle et oui, il avait souffert, trop même. Il releva les yeux et croisa à nouveau le regard de la jeune femme. Elle était sincère, même s'il n'en avait jamais douté. Mais voir les yeux de Cassie lui dire qu'il lui avait manqué avait un impact encore plus important sur lui que les mots qu'elle venait de prononcer.
Il baissa une nouvelle fois les yeux et recula de quelques pas, posant son journal et son café sur le comptoir où se trouvait la vieille caisse enregistreuse. Il ne revint pas vers Cassie, qui l'attendait le livre de Baudelaire toujours fermement serré contre son coeur. Au contraire, il prit la direction de la porte d'entrée et fit faire un quart de tour à la clef qui se trouvait dans la serrure.
La main toujours sur la clef de la porte d'entrée dorénavant fermée, Josh pencha légèrement la tête et croisa à nouveau le regard de la jeune femme.

"Je crois... qu'on a des choses à se dire, non ?" fit-il tout en se dirigeant vers elle.

Cassie ne pouvait pas le fuir. L'heure des explications avait sonné. Et il n'allait pas lui donner de porte de sortie.

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Cassandra avait osé faire quelques pas en avant pour se rapprocher de Josh. Tout de suite, elle vit la panique s'installer chez le jeune homme. Ce n'était pas physique, enfin presque. Mais elle le savait, elle le connaissait. Elle le vit se crisper et rester figer pendant quelques secondes. Cassie n'était pas du genre sadique mais à cet instant précis elle était presque satisfaite de ce qu'il venait de se passer. Elle n'avait pas du tout prévu de se rapprocher du jeune homme auquel elle pensait chaque jour, mais elle l'avait fait, et ça déjà, ça la surprenait déjà beaucoup. Mais ce qui la surprenait aussi c'était voir le libraire, ne rien dire, ne pas bouger, il était comme tétanisé. Et elle lui avait dis ce qu'elle pensait sur le moment, ce qu'elle avait sur le coeur. Elle n'avait aucune intention de faire souffrir son âme soeur, mais elle lui devait la vérité. Mais elle était persuadée que Josh le savait déjà tout cela, du moins elle l'espérait. De son côté, Cassie savait parfaitement que Josh avait souffert peut-être plus qu'elle, elle ne le savait pas en fait. Mais l'intensité de comptait pas ici, le fait de souffrir suffisait à la jeune femme. Elle ne se pardonnait déjà pas d'avoir quitté la ville et d'avoir laissé Josh tout seul. Elle avait pleuré de longs jours dans son petit appartement à Houston. Les premiers mois de sa première année de droit furent un peu chaotiques. Elle n'étudiait pas, elle séchait les cours et n'avait pas de bonnes notes. Mais elle a su remonter la pente à sa manière, sans pour autant oublier Josh. En réalité, c'est en pensant à Josh qu'elle a réussi ses études, sa carrière. Tous les jours, elle se répétait que le jeune homme aurait voulu qu'elle réussisse. Aujourd'hui, elle n'avait pas honte de dire que c'était grâce à Josh Galaway qu'elle était une bonne avocate. Mais ça, elle ne l'avait dit à personne et quand elle y pensait, elle disait parfois qu'elle se faisait du mal pour rien et que si Josh y était pour quelque chose, elle n'aurait pas du le quitter brusquement.

Cassie observait Josh qui était tout près d'elle maintenant et elle fut presque émue de sentir qu'il avait la même odeur. C'est sûrement bête à dire, mais chacun à son odeur. A l'instant où la jeune femme s'était rapprochée de lui, elle s'était rappelé de l'odeur qu'elle avait sentie quand elle était encore enfant chez les Galaway. Les odeurs des souvenirs reviennent souvent lorsque l'on s'y attend pas. Des fois, ces odeurs sont indéfinissables. Elle vous rappellent quelque chose mais vous ne vous souvenez plus quoi, il vous reste un flash. Mais tout était différent aujourd'hui. Cette odeur lui faisait revivre des choses que jamais elle n'avait oublié, des ballades dans un parc, des fous rires, de beaux moments mais aussi des petites disputes qui ne duraient jamais bien longtemps. Les émotions se bousculèrent chez Cassandra lorsqu'elle vit Josh baisser les yeux de nouveau et s'éloigner d'elle. Tout d'abord, elle fut surprise puis très vite déçue. Elle avait parlé sincèrement et cela lui avait fait même très mal de dire cela alors qu'elle aurait du lui dire depuis de nombreuses années maintenant. Déçue qu'il se détourne d'elle alors qu'elle voulait qu'il la regarde dans les yeux. Il la fuyait du regard depuis son arrivée dans la boutique. Les yeux... c'était peut-être bête, mais tout passait dans le regard chez certaines personnes. Josh et Cassy n'étaient pas exclus de cette vérité.

Puis vint la colère lorsqu'elle le vit se diriger vers la porte. En tout premier lieu, elle pensait vraiment qu'il allait lui demander de sortir, mais la surprise revint quand elle le vit verrouiller la porte de la librairie. Alors il pensait vraiment qu'en retenant Cassandra prisonnière, il allait la faire parler. Bien sûr, la jeune texane exagérait souvent les situations, mais la surprise était de taille. Mais elle ne put s'empêcher de sourire. Elle débarquait à Lewis et Josh ne voulait plus la laisser partir, du moins elle l'interprétait comme cela. Mais pour le moment, elle n'avait aucune envie et raison de vouloir quitter cette librairie et Josh confirma.

« Je crois... qu'on a des choses à se dire, non ? »

Leur regard s'était de nouveau croisé. Bien sûr, qu'ils avaient des choses à se dire, mais là subitement, Cassie se sentit prise au dépourvu. Mais apparemment, Josh ne lui laissait pas le choix, ils allaient devoir parler. Instinctivement, elle mordit sa lèvre inférieure, comme une gamine prise en faute. Bon elle ne pouvait pas sortir, elle n'était pas vraiment prête, il fallait qu'elle se lance. Qui commence ? Bon apparemment, Josh attendait des explications, alors elle devait prendre les devants. Elle avait toujours l'ouvrage de Baudelaire dans ses mains. Comme pour se désintéresser quelques secondes, elle examina le livre quelques secondes et sous toutes les coutures. Elle se donnait le temps de trouver comment se lancer dans ses explications. Elle ouvrit le livre et tomba sur le premier vers d'un poème qui la fit sourire mais qui fut suivi aussitôt par une petite grimace. « J'implore ta pitié. Toi, l'unique que l'aime ». Elle referma subitement le livre, se répétant le vers, inlassablement dans sa tête. Tête qu'elle releva, pour fixer le jeune homme du regard.

« Josh... Je ne m'attendais pas à te voir ici, maintenant, comme ça... je... »

Waouh, c'est la première fois qu'elle était à court de mot et en plus de ça, elle n'arrivait pas à aligner plus de deux mots. Bon revoir la personne que vous chérissez le plus après huit ans d'absence, absence que vous avez voulu, non cela n'était pas évident.

« Tu as toutes les raisons de m'en vouloir... tu sais j'ai mis des mois à m'en remettre, mais là on ne parle pas de moi... je sais que je t'ai fais souffrir et j'étais été égoïste de ne pas t'avoir contacté derniers années... mais j'avais tellement mal que le simple fait de penser à toi me rendait malade... »

Elle marqua une pause. Elle était sincère dans ce qu'elle disait mais elle savait que cela ne servirait presque à rien. Josh avait toutes les raisons de lui en vouloir, elle le lui avait dit. Elle avait été lâche, ils s'étaient promis de rester ensemble quoiqu'il arrive. Mais une simple dispute avait fait dégénérer leur malaise à tous les deux. Cassandra avait quitté le lycée public pour le lycée privé à cette époque et avait obéi à ses parents en ne fréquentant plus Josh. Parfois, ils se croisaient et c'était dans ces moments que Cassie s'était sentie le plus mal. Elle aurait voulu lui sourire, lui tendre la main, mais la fierté, cette foutue fierté l'en avait empêché. Et la voilà maintenant, face à sa lâcheté. Jamais elle ne se le pardonnerait, non jamais. Et si elle avait été moins fière, si elle avait demandé pardon plus tôt, si elle était restée ? Avec des si, on referait le monde. Parfois, lorsqu'elle se sentait mal, elle se demandait ce qui se serait passé si elle n'avait jamais quitté Lewis. Et elle pleurait de longues minutes. Elle se torturait, elle le savait, mais c'est tout ce qu'elle méritait. Aujourd'hui, elle avait l'opportunité de se faire pardonner, de se racheter. Mais tout dépendait de Josh.

Josh s'éloigna petit à petit de la porte d'entrée pour se rapprocher de Cassie, stoïque au milieu de la pièce. Il vit, quoi ? la peur, le doute, la gêne, s'installer sur le visage de la jeune femme lorsqu'elle se mit à mordre sa lèvre inférieure. Il connaissait tellement bien Cassie qu'il se doutait de ce qu'elle ressentait en cet instant. Il était en train de la mettre dos au mur, ne lui laissait aucune échappatoire et il se demanda pendant un bref instant s'il n'allait pas faire demi-tour, ouvrir à nouveau la porte de la librairie et lui permettre de fuir.
Alors que Cassie venait de refermer subitement le livre de Baudelaire qu'elle venait d'ouvrir quelques instants plus tôt, il la vit lever la tête vers lui et l'entendit bredouiller :

"Josh... Je ne m'attendais pas à te voir ici, maintenant, comme ça... je..."

C'était tout simplement surréaliste. C'était bien la première fois qu'il entendait Cassie bredouiller, elle, la jeune femme toujours sûre d'elle. Il ne put s'empêcher de faire les yeux ronds devant cette scène, arquant les sourcils en signe de surprise. Etait-ce la situation qui la mettait si mal à l'aise ou bien lui ? Il ne put mener sa réflexion plus loin car Cassie, qui semblait avoir repris contenance, continuait :

"Tu as toutes les raisons de m'en vouloir... tu sais j'ai mis des mois à m'en remettre, mais là on ne parle pas de moi... je sais que je t'ai fait souffrir et j'ai été égoïste de ne pas t'avoir contacté ces dernières années... mais j'avais tellement mal que le simple fait de penser à toi me rendait malade..."

Alors qu'il écoutait la longue tirade de la jeune femme, Josh ne put s'empêcher de penser que ces mots, tous les mots qu'elle venait de prononcer, auraient une nouvelle fois pu être les siens. Ce qui l'étonnait le plus était de voir à quel point Cassie se sentait comme unique responsable de ce qui s'était passé entre eux, à croire qu'elle avait oublié à quel point il avait pu être odieux avec elle lors de leur grande dispute. Oui, il avait des raisons de lui en vouloir mais elle aussi en avait contre lui. Pensait-elle qu'elle avait mérité toutes les paroles qu'il lui avait dites lors de leur confrontation ? Lui s'en voulait encore aujourd'hui des mots qui avaient osé franchir ses lèvres ce jour là, se pourrait-il qu'elle ait oublié ?
Il se passa une main nerveuse sur le visage et avança de quelques pas vers elle, se retrouvant à une cinquantaine de centimètres d'elle. Il avait pensé que le jour où il reverrait Cassie Madison, il serait en colère. Pas contre elle, mais contre lui. il avait toujours pensé que le jour où il la reverrait, elle aurait complètement refait sa vie, peut-être mariée avec des enfants. Et il aurait été en colère contre lui-même de n'avoir rien fait pendant des années pour reprendre contact avec elle, d'avoir laissé cette dispute détruire tout ce qu'il y avait eu entre eux. Et aujourd'hui Cassie se trouvait devant lui et lui disait qu'elle était désolée de l'avoir fait souffrir et qu'elle avait terriblement souffert de son côté. Il n'avait qu'une envie en cet instant, la prendre dans ses bras et la serrer fort contre son coeur, lui dire que tout était fini et que tout irait bien désormais. Mais il avait besoin de comprendre certaines choses, aussi prit-il sur lui pour ne pas se rapprocher encore plus d'elle et la serrer dans ses bras. Non, il avait besoin de prendre de la distance avec elle pour avoir les idées claires. Enfonçant les mains dans les poches de son jean, il prit la parole :

"Il t'a fallu huit ans pour revenir Cassandra." Il marqua une pause. Il ne se souvenait pas une seule fois l'avoir appelée Cassandra dans sa vie. 'Bravo, Josh, pensa-t-il ironiquement, rien de mieux pour mettre de la distance que de l'appeler ainsi...' "Ce n'était pas de l'égoïsme", poursuivit-il. "C'était de la lâcheté." Il vit le regard de la jeune femme en cet instant et sut qu'il venait de lui faire mal. Mais il venait de se faire mal lui même au passage.

"J'ai essayé pendant des mois de te contacter... Tu avais changé de numéro Cassie ! Tu es partie sans laisser d'adresse, sans même un adieu ! Tu sais ce que ça m'a fait de te voir quitter ta maison et partir sans même te retourner Cassie ? Est-ce que tu sais à quel point j'ai souffert ce jour là ? Tu as écouté ton père, tu l'as laissé gagner ! Et nous, Cassie, et nous ? Tu as préféré me perdre et le laisser gagner ! Toi aussi tu as fini par m'abandonner !"

Josh s'arrêta net, la respiration saccadée, conscient qu'il venait peut-être de trop en dire. Et le regard que Cassie posait actuellement sur lui ne l'aidait pas à se sentir mieux.

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Cassandra avait l'impression d'être aveugle à ce moment là. Elle avait dit ce qu'elle avait sur le coeur mais à part les yeux ronds de Josh, elle ne savait pas vraiment ce qu'il pensait exactement. Elle n'avait pas été surprise de le voir hausser les sourcils après ses balbutiements. La jeune femme a toujours été assez à l'aise à l'orale, elle était avocate après tout, un balbutiement n'était pas permis au tribunal. Aujourd'hui, elle avait balbutié, à sa propre surprise et à celle de Josh aussi. Mais elle s'était reprise bien vite et avait observé fixement le jeune homme pour guetter la moindre réaction. Ce qu'elle vit était assez difficile à cerner. Elle le voyait à la fois peiné et compatissant. Elle voulait tant faire table rase du passé à cet instant précis, qu'elle n'avait plus la force de se défendre. Enfin se défendre... c'était dire. Cassie pensait vraiment que c'était en grande partie sa faute. Certes, elle n'avait pas oublié les mots que Josh lui avait balancé il y a huit ans de cela, mais elle les avait mérité non ? Elle n'eut pas vraiment le temps d'y penser que Josh prit enfin la parole.

« Il t'a fallu huit ans pour revenir Cassandra »

Si la jeune femme était surprise, elle ne le montrait pas. Enfin, c'était plus que cela... Elle n'avait pas le souvenir d'avoir entendu Josh l'appeler par son prénom. Toujours il l'avait appelé Cassie ou par un surnom que seul lui avait le droit d'utiliser. L'utilisation de son prénom l'a ramena à la dure réalité. Le ton était donné. Bizarrement, Cassie savait que la conversation allait prendre une pareille tournure mais elle n'y était pas vraiment préparé. Elle s'était inventé de multiples scénarios et à chaque fois, elle se voyait forte, résistante. La seule chose qu'elle voulait faire à ce moment, c'était partir pour aller pleurer dans son coin.

« Ce n'était pas de l'égoïsme... C'était de la lâcheté. »

De toutes les gifles mentales que l'avocate s'était donnée ces dernières années, celle qu'elle venait de recevoir était sûrement la plus douloureuse. Elle ne baissa même pas les yeux, elle ne savait pas vraiment pourquoi, mais elle tenait à regarder Josh dans les yeux, un peu pour lui faire voir combien elle avait mal, subitement. Le regard de la jeune femme se vit plus brillant. Elle était partagée entre la colère et la tristesse. Mais en même temps, il n'avait pas tort. Cassandra, une masochiste ? Peut-être bien oui. En même temps, ce que Josh venait de lui dire, c'est exactement ce qu'elle se reprochait depuis des années, dans le silence. Mais l'entendre de vive voix, et à travers celle du jeune homme en plus de cela... cela eut l'effet d'une bombe chez la texane. Pour le moment, elle se fichait de ce que ressentait son âme soeur, elle se fichait s'il avait souffert d'avoir dit ses mots. Tout ce qu'elle entendait maintenant, c'était ces mots et les paroles blessantes de Josh, il y a huit ans de cela... Elle s'en souvenait distinctement malgré les années qui ont passé. Elle résonnait souvent dans son esprit. Elle aurait voulu hurler qu'il avait raison. Mais sa fierté, sa foutue fierté l'en empêchait.
Elle voulait répliquer mais encore une fois Josh ne lui laissa pas le temps de dire quoique ce soit.

« J'ai essayé pendant des mois de te contacter... Tu avais changé de numéro Cassie ! Tu es partie sans laisser d'adresse, sans même un adieu ! Tu sais ce que ça m'a fait de te voir quitter ta maison et partir sans même te retourner Cassie ? Est-ce que tu sais à quel point j'ai souffert ce jour là ? Tu as écouté ton père, tu l'as laissé gagner ! Et nous, Cassie, et nous ? Tu as préféré me perdre et le laisser gagner ! Toi aussi tu as fini par m'abandonner ! »

L'entendre dire qu'elle avait laissé son père gagner la fit devenir rouge. Rouge de colère. Elle n'avait plus aucun contact avec ses parents depuis des années et ce pour les raisons que le jeune homme venait d'évoquer. Cassandra regarda le jeune homme avec un regard meurtrier. Il était tout près d'elle. Quelques minutes auparavant, elle aurait voulu être plus proche de lui, à cet instant, elle voulait se mettre au plus loin de lui. Son coeur s'était accéléré d'un coup. Elle cherchait les mots, elle luttait contre la colère qui voulait prendre le dessus.

« Okay... »

Ce mot sonna avec une telle froideur que cela étonna la jeune femme. Elle l'avait prononcé comme pour dire à Josh qu'elle avait assimilé ces dires et pour qu'il lui laisse du temps pour trouver les siens. Cassie ferma alors les yeux comme pour reprendre son souffle, pour apaiser le feu qui la consumait. Une petite larme tomba de ses cils et vint rouler sur sa joue. Elle l'essuya du revers de sa main avec agacement. Deuxième fois que cela lui arrivait en une journée. Elle qui pleurait rarement et seule en plus... Super ! Elle ne voulait pas se sentir faible. Elle avait lutté pendant des années, elle s'était endurcie. Et voilà qu'elle craquait ? Non c'était inconcevable !

« J'ai voulu couper le contact c'est pas pour rien que je n'ai laissé ni numéro, ni adresse ! Je me voyais pas partir et reprendre contact quelques mois après... je voulais oublier ! Je me suis détester pendant des mois, je me levais plus, je mangeais plus... je me dégoutais... comme tu me l'as si bien dis quand je t'ai annoncé que je partais ! Je ne me suis pas retournée lors de mon départ... il y a une raison... je ne voulais pas voir ton visage défait, j'aurai craqué et la seule chose que je voulais c'était m'éloigner pour éviter que tu souffres encore et encore ! »

Elle fit une pause, elle n'avait pas fini mais son souffle était saccadé, comme s'il avait couru le marathon. C'était éprouvant de dire des choses pareilles, jamais elle ne l'aurait pensé.

« Oui j'ai laissé mon père gagner, sache que je le regrette encore aujourd'hui et c'est pas par hasard que je n'ai aucun contact avec mes parents depuis cinq ans maintenant... J'ai été lâche oui !! »

Elle était à bout de souffle, les larmes étaient revenues se loger à la base de ses paupières. Elle avait beau se contrôler, elles coulaient toutes seules. Elle ne cherchait même plus à les arrêter. Il lui avait fait mal, elle voulait lui rendre la pareille, non pas parce qu'elle en avait envie, mais ils devaient régler leur compte, c'était inévitable.

« Tu sais, une fois j'ai craqué... j'ai appelé chez toi... je suis tombée sur ta mère et je me suis fais passé pour une amie, je crois que si j'avais dis que c'était moi elle aurait raccroché... et là... elle m'apprend que tu t'étais engagé dans l'armée !!! Comment as-tu pu nous faire ça ? A ta mère et à moi ?? Merde, Josh !! Tu voulais foutre ta vie en l'air ? Et c'est moi la lâche dans l'histoire ? »

Elle avait presque crié. Elle se souvenait de ce jour là où elle avait appelé la mère de Josh et qu'elle lui avait appris qu'il était parti en Afghanistan pour risquer sa vie. Tous les jours, Cassie craignait d'entendre à la télé qu'il y avait eu un mort en Afghanistan. Mais depuis, elle avait été de l'avant et maintenant elle pleurait en silence et essuyait ses larmes petit à petit.

Si Cassie avait pu tuer avec ses yeux, nul doute que Josh aurait été mort en cet instant précis. Il y était peut-être allé un peu trop fort mais il avait ressenti le besoin de lui dire ce qu'il avait vraiment sur le coeur depuis ces huit dernières années. La douleur était tellement grande qu'il avait eu ce besoin de le lui dire en lui hurlant presque dessus. Oui, il avait ressenti le départ de Cassie comme un abandon, un abandon qui allongeait la longue liste des personnes qui l'avaient délaissé : après la mort de son père et le départ de son frère pour l'armée, c'était Cassie qui avait fini par le quitter. Et le sien était celui qui lui avait fait le plus de mal. Il n'avait jamais pu dire à son père à quel point il lui en voulait d'avoir laissé sa famille derrière lui, n'avait jamais pu dire à son frère ses quatre vérités vu qu'ils ne se parlaient même plus mais là, il avait Cassie en face de lui, quelqu'un - la personne la plus importante de sa vie - qui l'avait abandonné et qui était de retour à Lewis. Alors il n'allait pas se gêner pour exprimer toute la douleur qu'il ressentait. Elle devait comprendre à quel point il avait souffert.

"Okay..." fit-elle d'un ton glacial.

Il crut un instant qu'elle allait partir. Est-ce qu'elle méritait une nouvelle fois de subir sa colère ? N'était-il pas préférable qu'elle s'en aille ? Il la vit fermer les yeux, sa poitrine se levant et s'abaissant au gré de sa respiration saccadée. Il venait de lui faire mal et s'en voulut immédiatement. Il ne savait plus trop où il en était. Où est-ce que tout cela allait les amener ? Il ne voulait pourtant qu'une chose : qu'elle revienne dans sa vie, qu'ils reprennent les choses comme elles étaient avant. Alors pourquoi fallait-il qu'ils se fassent autant de mal ? Son coeur se mit subitement à saigner lorsqu'il vit une larme couler le long du visage de sa meilleure amie. S'il y avait bien une chose dont il ne voulait pas, c'était de la faire pleurer. Il était sur le point de sortir sa main de la poche de son jean pour venir effacer cette larme sur la joue de Cassie mais elle fut plus rapide que lui et l'essuya rapidement d'un revers de la main, comme si elle avait voulu qu'il ne la voit pas ainsi, se refusant à pleurer devant lui malgré les paroles blessantes qu'il venait d'avoir à son égard. Josh lui laissa le temps, mal à l'aise, ne sachant pas ce qui allait se passer par la suite. Oui, il connaissait Cassie par coeur mais jamais il ne l'avait poussée dans ses retranchements. Aussi, pour la première fois de sa vie, il ne savait pas comment elle allait réagir. Immobile face à elle, il attendit qu'elle reprenne la parole :

"J'ai voulu couper le contact c'est pas pour rien que je n'ai laissé ni numéro, ni adresse ! Je me voyais pas partir et reprendre contact quelques mois après... je voulais oublier ! Je me suis détester pendant des mois, je me levais plus, je mangeais plus... je me dégoutais... comme tu me l'as si bien dis quand je t'ai annoncé que je partais ! Je ne me suis pas retournée lors de mon départ... il y a une raison... je ne voulais pas voir ton visage défait, j'aurai craqué et la seule chose que je voulais c'était m'éloigner pour éviter que tu souffres encore et encore !"

Josh avala difficilement sa salive, essayant d'assimiler ce qu'elle venait de dire. Alors elle avait fait tout cela pour éviter de le faire souffrir encore plus ? Ne le connaissait-elle pas assez pour savoir que c'était justement ce genre de comportement qui lui faisait le plus de mal ? Elle avait pensé que de ne plus avoir de contact avec lui allait lui permettre de l'oublier plus facilement ?! C'était justement son éloignement, son indifférence qui l'avaient fait souffrir. Si seulement elle lui avait dit à l'époque qu'elle partait mais qu'elle ferait tout pour reprendre contact avec lui dès que les choses se seraient tassées avec son père... Mais elle ne lui avait pas dit tout ça. Tout ce qu'elle lui avait dit était qu'elle partait à Houston sur ordre de ses parents et qu'elle acceptait cette situation sans même se battre. Et ça, plus que tout, l'avait anéanti. il avait alors permis au venin qui coulait dans ses veines de lui dire les plus grandes atrocités possibles. 'Tu me dégoûtes'. Il n'avait jamais pensé un mot de tout cela, c'était même plutôt le contraire. Mais la voir abandonner aussi facilement lui avait fait dire les pires choses. Et dieu qu'il le regrettait amèrement, voyant que maintenant, huit années plus tard, elle lui reprochait d'avoir dit ces mots, mots qui l'ont empêchée de dormir et de manger. Elle lui avait fait mal et il se rendait compte à quel point il lui avait fait mal aussi de son côté.

"Oui j'ai laissé mon père gagner, sache que je le regrette encore aujourd'hui et c'est pas par hasard que je n'ai aucun contact avec mes parents depuis cinq ans maintenant... J'ai été lâche oui !!"

Cette révélation cloua le jeune homme sur place. Cassie n'avait plus de contact avec ses parents... de sa faute ?? Il se traita mentalement d'imbécile de l'avoir poussée si loin dans ses retranchements, n'étaient-ils donc pas capable de parler de ce qui leur faisait si mal calmement ? Il savait que c'était de sa faute si Cassie hurlait maintenant et que les larmes inondaient son si beau visage. Il ne voulait pas la voir pleurer pour lui, il ne le méritait pas, comment pouvait-il faire pleurer cet ange qui avait toujours été là pour lui dans sa vie quand il en avait eu le plus besoin. Lui avait-il été là quand elle avait le plus besoin de lui ? Non, bien sûr que non... Tout ce qu'il avait réussi à lui dire était qu'elle le dégoûtait, et il se prétendait être son meilleur ami ?

"Tu sais, une fois j'ai craqué... j'ai appelé chez toi... je suis tombée sur ta mère et je me suis fais passé pour une amie, je crois que si j'avais dis que c'était moi elle aurait raccroché... et là... elle m'apprend que tu t'étais engagé dans l'armée !!! Comment as-tu pu nous faire ça ? A ta mère et à moi ?? Merde, Josh !! Tu voulais foutre ta vie en l'air ? Et c'est moi la lâche dans l'histoire ?"

Le ton de sa voix était encore monté et Josh était resté impassible face à elle, recevant chaque mot comme un poignard en plein coeur. Ses années dans l'armée n'était pas une période de sa vie qu'il aimait se rappeler. Il avait fui, quitté Lewis, tout comme Cassie l'avait fui. Etait-ce de la lâcheté ? Il n'avait jamais vu ça comme ça avant que Cassie ne lui crache le mot en pleine figure. C'était sûrement de la lâcheté oui, mais aussi de la peur, de la colère, une envie d'oublier. Il ne pouvait pas rester à Lewis alors que chaque coin de rue lui rappelait un moment passé avec elle. Il suffoquait, il avait eu besoin de respirer à nouveau. Partir pour l'armée lui avait semblé la meilleure des choses à faire. C'était comme s'il se rapprochait de son père et de son frère, qu'il tentait de les retrouver. Il essayait de retrouver les deux êtres de sa famille qui l'avaient abandonné pour tenter d'oublier le fait que Cassie l'avait achevé en partant. C'est comme s'il était mort lorsqu'elle est partie. Oui, il était mort à Lewis alors à quoi bon rester ? Quitte à mourir en Afghanistan, qui à part sa mère l'aurait pleuré ?
Mais les paroles de Cassie venaient une nouvelle fois de le toucher en plein coeur. Elle aussi aurait pleuré s'il lui était arrivé quoique ce soit en Afghanistan. Il avait pensé qu'elle s'était complètement désintéressée de lui mais c'était faux. Et le savoir aujourd'hui gonflait son coeur d'un espoir immense. Il n'était peut-être pas trop tard pour sauver les choses entre eux.

Il sortit la main de la poche de son jean et la laissa pantelante, le long de son corps, incapable pour l'instant de trouver le courage. Il devait lui expliquer les choses mais ne savait pas par où commencer. Il prit quelques secondes de réflexion pour trouver les mots, il était hors de question désormais de lui faire du mal. Les larmes qui coulaient le long des joues de Cassie lui étaient vraiment insupportables.

"Oui, j'ai été lâche..." fit-il d'une voix où toute colère s'était dissipée. "Je ne pouvais pas rester ici alors que tu n'étais plus là, alors que tout ce que je voyais me rappelait toi... Je me suis senti abandonné une nouvelle fois et je ne pouvais pas supporter le fait que ce soit toi... Jamais je n'aurais pensé que toi tu..." Il fit une pause et passa nerveusement sa main dans les cheveux. "Je n'avais plus rien à perdre, tu comprends ? Il ne me restait déjà plus rien..."

Cassie pleurait toujours face à lui et il eut enfin le courage de lever la main vers son visage et essuyer les larmes inondant sa joue gauche. Il sentit comme une décharge électrique le traverser de part en part lorsque ses doigts touchèrent la peau de son visage, ou peut-être était-ce dû au sursaut que venait d'avoir Cassie au contact de sa main. Son coeur se mit à battre plus vite dans sa poitrine, sa respiration se coupa et il la regarda intensément dans les yeux. Il n'avait pas envie de se battre contre elle, il avait tellement peur de la voir l'abandonner une nouvelle fois s'ils se disputaient à nouveau.
Le silence les entourait tandis que sa deuxième main vint elle aussi à la rencontre du visage de la jeune texane. Lentement, ses pouces firent des va-et-vient sur les joues de Cassie, effaçant petit à petit les traces des larmes qui n'auraient jamais dû couler.
Conscient du fait qu'ils n'aient jamais été aussi proches, Josh prit une profonde inspiration. Qu'est-ce qui était en train de se jouer en ce moment ? Est-ce qu'ils allaient s'embrasser ? Est-ce qu'il allait oser réduire l'espace entre eux pour venir toucher ses lèvres ? Il en avait toujours rêvé mais était-ce une bonne idée ?
La questionnant du regard, Josh s'avança très lentement d'un pas vers elle, donnant ainsi à la jeune femme le temps nécessaire pour réaliser la situation dans laquelle elle était : Josh allait l'embrasser dans quelques secondes si elle n'y émettait aucune objection.

"Cassie..." murmura-t-il à quelques centimètres à peine de ses lèvres.

"Josh ?" demanda soudain une voix aigüe qui provenait du haut de l'escalier. "Tout va bien ? Je t'entends hurler depuis là haut..."

Josh se détacha soudain de Cassie, reculant d'un grand pas vers l'arrière et baissant la tête. Lorsqu'il la releva, quelques secondes plus tard, il vit la jeune femme blonde, qu'il avait complètement sorti de sa tête il devait bien l'avouer, descendre le grand escalier en bois qui reliait la librairie à son appartement.
Quelques instants plus tard, elle était face à lui, le questionnant du regard sur qui était la personne avec qui il se trouvait.

"Beverly, je te présente Cassie, une amie d'enfance... Cassie, je te présente Beverly". Josh fit les présentations, tête basse, tandis que Beverly se rapprochait de lui, glissant sa main gauche sous le bras du jeune homme, se collant soudainement à lui, et tendant la main droite vers Cassie, signe qu'elle voulait lui serrer la main.

"Sa petite amie..." se permit-elle de rajouter, un sourire faux peint sur son visage. Elle ne savait pas ce qui s'était passé dans cette pièce avant qu'elle n'arrive mais les yeux rougis de cette Cassie et l'embarras de Josh ne lui disait rien qui vaille.

(c) Kiaya91 & Lisiii

L'avocate se sentait mieux maintenant qu'elle avait dit ce qu'elle pensait. Voilà huit ans qu'elle ruminait. Huit ans qu'elle se répétait inlassablement que tout était de sa faute, qu'elle n'aurait jamais du partir, qu'elle avait été lâche. Josh lui avait dit distinctement aujourd'hui, dans cette boutique et c'est seulement à ce moment là que la jeune femme a réagit. Dieu sait qu'elle s'est sentie bête. Tellement bête qu'elle avait laissé ses larmes monter et couler sur ses joues. Elle s'était toujours promis de ne pas pleurer devant Josh. Pendant des mois, des années, elle avait appris à refouler les sentiments. Elle se souvenait d'elle pendant l'été qui avait suivi son départ de Lewis. Si Josh l'avait vu, il ne l'aurait pas reconnu. Elle avait perdu un peu de poids, était très blanche, les traits tirés, des poches sous les yeux, une humeur de chien. Cela n'avait rien à voir avec la Cassie d'origine. Mais elle s'était promis de changer, de s'endurcir. Faire des études de droits c'était faire des sacrifices, travailler énormément. Cassandra avait su se réfugier dans le travail pour oublier, enfin tenter d'oublier sa peine. Malheureusement, cela ne marcha pas. Elle ne put l'oublier mais elle réussit à faire une chose qu'elle n'aurait jamais du faire : faire comme si Josh était toujours là, comme si rien ne s'était passé. Toutes ses décisions ou presque se prenaient par rapport à ce qu'aurait pensé son meilleur ami. Il vivait avec une sorte d'ami imaginaire. Très complexe comme situation mais c'était comme cela qu'elle a réussi à tenir. Pourquoi ne pas retourner à Lewis alors ? Mais la jeune femme était bien trop fière pour reconnaître sa faiblesse. Aujourd'hui, elle avait l'impression que tout pouvait changer. Elle avait retrouver celui qui avait été et est toujours le plus important dans sa vie. Elle se disait comment elle avait pu vivre aussi loin de lui autant d'années.

La colère était descendue maintenant. Josh l'avait traité de lâche, il avait raison mais l'entendre de vive voix avait réveillé sa fierté. Elle lui avait rétorqué la même chose et elle fut surprise d'entendre que Josh l'admettait lui aussi. Au moins, ils étaient quittes non ?

« Oui, j'ai été lâche... Je ne pouvais pas rester ici alors que tu n'étais plus là, alors que tout ce que je voyais me rappelait toi... Je me suis senti abandonné une nouvelle fois et je ne pouvais pas supporter le fait que ce soit toi... Jamais je n'aurais pensé que toi tu...  Je n'avais plus rien à perdre, tu comprends ? Il ne me restait déjà plus rien...»

Pour une fois, Cassandra se mit à sourire ce qui eut un effet bénéfique sur son visage qui se fit plus rayonnant, mais les larmes étaient toujours présentes. La voix de Josh s'était nettement radoucie, elle ne sentait plus de colère mais de la tristesse, de la douceur. Elle le reconnaissait bien là et les traits de son visage se relâchèrent, tellement elle se sentait mieux d'un coup. Puis, plus rien, juste le silence. Les yeux dans les yeux. Le temps était comme inexistant. La jeune femme ne savait même pas depuis combien de temps elle était ici, elle n'arrivait même plus à cerner ce qu'il y avait autour d'elle, autour d'eux. Elle n'avait d'yeux que pour Josh. Elle avait attendu ce moment depuis longtemps déjà et elle était paniquée. Oui, paniquée car dans tous les scénarios qu'elle s'était imaginée, elle pensait se mettre très vite en colère et partir. Mais maintenant que tout était à plat, calme, posé... Elle était totalement déstabilisée.
Et elle le fut encore plus lorsqu'elle vit Josh se rapprocher encore un peu et poser une main sur son visage pour effacer les dernières larmes qui perlaient sur ses joues. La jeune femme était des plus surprises. Jamais elle n'aurait pensé un tel geste de la part de Josh, du moins ici, maintenant. Mais elle ne voulait pas montrer sa surprise, oh que non. Elle le laissait faire et sentie presque bizarre. Par le passé, leurs gestes avaient toujours été tendres et sans arrière pensées. Mais en cet instant, dans cette librairie... tout semblait irréel, interdit ? Ils étaient adultes, s'aimaient passionnément mais ne se l'étaient jamais avoués, était-ce vraiment bon pour eux de s'être revus ? La deuxième main de Josh rejoignit la première et à ce moment là, Cassie sentit ses joues brûler. Le regard de Josh était indéfinissable. La jeune femme se sentit fondre, elle voulait lutter mais ne pouvait pas. Son cerveau était comme paralysé. Et la paralysie fut totale lorsque son meilleur ami -si on pouvait appeler ça meilleur ami- fit un pas en avant, se rapprochant dangereusement d'elle. Mais qu'est ce qu'il cherchait à faire ? A la rendre folle ? Josh... Elle le suppliait en silence. En fait elle ne savait pas si elle le suppliait d'arrêter d'approcher ses lèvres de les siennes ou si elle le suppliait de l'embrasser tout de suite. Un petit sourire s'installa sur ses lèvres lorsqu'elle entendit son nom, du moins son diminutif de la bouche de Josh. C'était la goutte d'eau pour Cassie et ce fut elle qui fut le premier pas. Du moins c'est ce qu'elle crut. Alors que ses lèvres allaient se poser sur celle du jeune homme, une voix stridente retentit. Et tout alla alors très vite. Josh recula et immédiatement, Cassie savait qu'elle n'allait pas aimer ce qui allait suivre. Elle observa son meilleur ami et le sentit gêné, il avait les yeux baissé. Mauvais pressentiment, très mauvais.

C'est alors qu'elle la vit... cette blonde. Cassie n'avait rien contre les blondes, non loin de là, mais elle sut immédiatement qu'elle ne l'aimerait pas, c'était physique. Cassandra n'était du genre sociable. Elle ne se liait pas facilement avec les gens depuis son départ de Lewis et elle savait tout de suite si le courant allait passer avec une personne et là elle savait que ça n'allait pas marcher du tout. Elle la toisa du regard et remarqua qu'elle regardait Josh avec un petit sourire. Cassie, elle, l'avait perdu. Elle ne savait que penser.

« Beverly, je te présente Cassie, une amie d'enfance... Cassie, je te présente Beverly »

Le regard de l'avocate se tourna de nouveau vers Josh qui avait toujours la tête baissée. Elle avait envie de rire à ce moment là, un rire jaune bien entendu. Une amie d'enfance ? Bien sûr qu'elle en était une, mais n'était-elle pas plus ? Ou s'était-elle imaginé qu'elle pouvait être plus ? Elle ne comprenait plus, elle ne voulait plus comprendre. La Beverly en question s'était glissée contre Josh et avait passé son bras dans son dos et lui avait tendu la main, signe de politesse bien sûr.

« Sa petite amie... »

A ces mots, Cassandra eut un haut le coeur qui, heureusement, ne se vit pas, du moins elle le pensait. Elle regarda la jeune femme droit dans les yeux, sans un sourire et ses yeux tombèrent sur la main qu'elle lui tendait. Elle releva la tête et hocha la tête, mais ne se saisit même pas de la main qu'on lui tendait. Elle était mal, très mal. Ecoeurée même. Et dire que Josh était sur le point de l'embrasser, il lui avait fait croire que tout pouvait aller pour le mieux entre eux. Mais il n'était pas libre et seul lui le savait. Les larmes ne vinrent pas cette fois ci, seule la colère montait, comme la moutarde monte au nez. Elle se foutait de ce que pouvait penser la blonde à ce moment là, tout ce qui lui importait c'était Josh. Elle le regarda d'ailleurs et elle savait qu'il était mal. Mais elle ne pouvait pas s'empêcher de lui en vouloir. Elle souffla pour se motiver un peu, ce qui allait suivre ne plairait pas à Josh, mais cela lui plaisait déjà pas à elle de faire ce qu'elle allait faire. Elle regarda Beverly avec un petit sourire, puis Josh avec un air à la fois triste et plein de pitié. Pardonne moi...

« Enchantée d'avoir fait votre connaissance... Beverly, mais je vais y aller je crois que Josh a des choses à vous dire... » elle se tourna vers le jeune homme et prit un air un peu plus sévère, pour se donner du courage.
« Oui Josh... je pense pas que ce soit mon rôle d'apprendre à ta copine que tu étais sur le point d'embrasser celle qui a toujours le plus compter pour toi.... je me trompe ? »

Et à ces mots, elle se vit volteface. Ce n'était pas trop tôt car ses yeux commençaient vraiment à lui piquer. Elle savait que Josh allait avoir des problèmes avec sa blonde mais elle voulait se venger non pas pour le faure souffrir mais... elle ne savait même pas pourquoi elle avait fait ça en fait... Comment avait-elle pu être aussi bête ! Elle était passé du bienêtre à la souffrance en l'espace de trente secondes, chose qu'elle avait du mal à supporter. Elle baissa la tête et son regard tomba sur le livre qu'elle tenait encore dans ses mains. Par respect, elle ne le balança pas à travers la boutique. Mais si ça avait été un autre livre, elle l'aurait fait, et puis elle n'avait plus l'âge de péter un plomb... quoique... Elle posa l'exemplaire des Fleurs du Mal près de la caisse enregistreuse où elle trouva la clé qui verrouillait la porte d'entrée. Elle s'en empara et ouvrit la porte en moins de deux. Elle lui fallu peu de temps pour sortir, sans même se retourner, encore une fois, après avoir jeté la clé derrière elle. Comme quoi, il avait été facile de sortir d'ici, il avait peut-être fallu le faire dès le début non ? Au moment où Cassie franchit le seuil de la porte, les larmes se mirent à couler. Le froid lui permit de se ressaisir un tant soi peu. Elle prit une grande inspiration et prit le chemin de retour vers sa maison. Elle finissait sa semaine ici et elle rentrerait à Dallas, la décision était prise.

Si Josh avait pu se transformer en animal en cet instant, il se serait transformé en souris, une toute petite et minuscule souris pour aller se cacher quelque part. Il avait complètement oublié que Beverly avait passé la nuit ici et l'avait complètement sortie de son esprit ce matin dès qu'il avait quitté le lit. A dire vrai, ces derniers temps il ne pensait pas vraiment à elle du tout, étant donné que sa librairie obnubilait son esprit vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Et dire qu'il ne pensait plus du tout à elle depuis qu'il avait vu Cassie dans sa librairie était un euphémisme.
La gêne s'empara de lui lorsque Beverly vint se coller à lui, marquant ainsi son territoire. Et bon sang, il détestait la situation dans laquelle il se trouvait actuellement : Accroché à une fille qu'il n'aimait même pas face à la fille qu'il aimait vraiment. Dire qu'il avait été sur le point d'embrasser Cassie ! Il n'en voulait pas à Beverly d'avoir débarqué à quelques secondes de l'événement le plus important de sa vie, non, il s'en voulait à lui-même. Il n'avait pas fait les choses comme il fallait avec Cassie et avec elle. Lui et Cassie n'avaient pas encore terminé leur conversation, trop de choses encore n'avaient pas été dites et il ne pouvait décemment pas l'embrasser comme ça après huit années d'absence alors qu'il ne la revoyait que depuis dix petites minutes. Il en mourrait d'envie certes mais ce n'était pas comme cela qu'il s'imaginait embrasser Cassie pour la première fois. Et encore moins lorsque celle-ci avait le visage ravagé par les larmes.
Et il devait mettre les choses au clair avec Beverly. La veille la jeune femme lui avait dit pour la première fois qu'elle était amoureuse de lui. Il s'était, comme d'habitude, brusqué et n'avait rien répondu. Lorsque les choses allaient trop loin pour lui, c'est-à-dire lorsque sa copine actuelle finissait par avoir des sentiments pour lui, il finissait toujours par rompre, incapable de donner ce qu'on attendait de lui : de l'amour en retour. Et en regardant Cassie, les yeux encore rougis par les larmes qu'il venait à peine de sécher, larmes qu'il sentait encore au bout de ses doigts, il comprit pourquoi il n'avait jamais réussi à s'engager réellement dans une relation. Tout l'amour qu'il avait à donner il ne le gardait que pour une seule et même personne et c'était elle.
Alors que Beverly attendait que Cassie daigne lui serrer la main, il vit sa meilleure amie se tourner vers lui, le regard empli de tristesse. Il se gifla mentalement en cet instant. Encore une fois il avait fait du mal à Cassie et son attitude était complètement inexcusable.

"Enchantée d'avoir fait votre connaissance... Beverly, mais je vais y aller je crois que Josh a des choses à vous dire..."
Josh fronça les sourcils à l'entente de ces mots, ne cachant pas ainsi sa surprise, se demandant de quoi Cassie voulait parler, même s'il avait sa petite idée.

"Oui Josh... je pense pas que ce soit mon rôle d'apprendre à ta copine que tu étais sur le point d'embrasser celle qui a toujours le plus compté pour toi.... je me trompe ?"

Okay, celle-là il l'avait amplement méritée, il devait bien l'avouer. La bouche ouverte, ne sachant pas quoi répondre, il regarda Cassie quitter la boutique. Beverly se détacha de lui et le força à lui faire face, le tenant fermement par la manche de sa chemise. Elle avait senti Josh faire un pas vers la porte lorsque cette rousse avait quitté la boutique et elle voulait l'empêcher plus que tout d'aller la rejoindre, pas avant d'avoir eu des explications sur ce que cette femme venait de dire.

"Josh... Qu'est-ce qu'elle a voulu dire là ? C'est quoi cette histoire ?"

Josh détestait ouvrir son coeur, c'était quelque chose qu'il essayait de faire le moins possible depuis sa plus tendre enfance. Son père lui avait appris que les sentiments étaient ce qu'il y avait de plus dangereux chez un homme et il avait toujours fait en sorte de les taire. Cassie n'avait pas échappé à cette règle non plus, il s'était toujours refusé à avoir un geste tendre envers elle malgré tout l'amour qu'il lui portait. Il était son meilleur ami et pendant une grande partie de sa vie, cette situation lui avait convenu. Plus ils grandissaient et plus le coeur de Josh souffrait de ne pas lui dire ce qu'il ressentait vraiment pour elle. Mais la peur de perdre leur amitié lui avait permis de ne jamais lui avouer. Si Cassie n'avait que de l'amitié pour lui, il n'aurait jamais pu supporter de voir son amour rejeté. Alors il s'était tu, c'était préférable ainsi.
Analysant ce qui venait de se passer ces dernières minutes, Josh se dit qu'il avait failli à tous ses principes. Il avait failli embrasser Cassie.
Son coeur se mit à battre plus fort dans sa poitrine au souvenir de cet événement. Car ce qui l'avait marqué le plus était que Cassie semblait ne pas le rejeter. Elle n'avait rien dit lorsqu'il s'était rapproché d'elle, elle l'avait laissé faire alors que c'était la première fois dans toute leur vie qu'ils étaient aussi proches. Et avant de murmurer son prénom, il l'avait vue lui sourire, il en était certain. Qu'est-ce que tout cela voulait dire ? Est-ce qu'il se pourrait que Cassie partage finalement les mêmes sentiments que lui ?
La regardant marcher à grands pas à travers la grande place de Lewis, il essaya malgré tout de reporter son attention sur Beverly qui tirait une nouvelle fois sur la manche de sa chemise.

"Josh, réponds-moi, qu'est-ce qu'elle voulait dire ? C'était qui au fait cette fille ? Une ex ?"

Josh regarda sa petite amie dans les yeux, l'air grave. Il n'avait jamais aimé rompre avec ses copines, il y avait toujours des larmes et ne savait pas comment gérer de telles situations, lui qui ne partageait pas leur peine. Ce qui l'embêtait cette fois-ci était qu'il devait lui parler de Cassie. Il n'avait jamais parler d'elle à ses petites amies mais avec Beverly il allait y être obligé. Prenant une grande inspiration, il se lança :

"Cassie a raison, on a des choses à se dire Beverly."

La panique prit place dans les yeux de Beverly. Cela faisait deux mois qu'ils étaient ensemble, un record quand on connaissait la durée des petites amies de Josh dans sa vie, et malgré le fait qu'il soit un garçon sombre et triste, elle avait fini par tomber amoureuse de lui. Elle savait qu'elle n'aurait pas dû s'attacher ainsi à lui, ses amies l'avaient mise en garde contre ce genre de garçon, rebelle mais attachant.

"Tu me fais peur Josh... Tu me quittes pour elle, c'est ça ?"

"Cassie... n'est pas qu'une amie d'enfance. C'est ma meilleure amie, ma moitié même... Oui, on a failli s'embrasser elle et moi avant que tu n'arrives et elle a raison... Elle est la personne qui compte le plus pour moi... Je suis désolé."

Beverly retira sa main de la manche de Josh et recula d'un pas, un rire ironique s'échappant de ses lèvres.

"Ta moitié hein...? Comment rivaliser avec elle..." Elle marqua une pause puis reprit. "Tu attends quoi alors pour la rattraper hein ? File..." fit-elle en montrant la porte d'entrée de la tête. "Je crois que j'ai quelques affaires à récupérer en haut et un billet de train à réserver..."

Elle avait les larmes aux yeux mais faisait tout pour ne pas qu'elles coulent sur ses joues. Comment pouvait-elle rivaliser avec cette femme qui possède le coeur de son petit-ami, ex petit-ami, depuis si longtemps ? Elle savait qu'elle ne pourrait jamais faire le poids face à elle. Elle le savait car elle voyait l'amour que Josh avait pour cette femme, elle voyait cette lueur dans ses yeux, la douleur qu'il a ressenti lorsqu'elle s'est enfui de la librairie. C'était le genre d'amour dans lequel personne ne pouvait s'immiscer et elle ne voulait que son bien. Le regard triste, elle regarda Josh une dernière fois et embrassa sa joue.

"Ne la fais pas attendre Josh..."

Josh sourit à Beverly, stupéfait par la réaction de la jeune femme. Il n'aurait jamais pensé qu'elle puisse réagir comme ça face à leur rupture, surtout lorsque cette rupture est due à une autre femme. Il l'embrassa tendrement sur le front et prit la direction de la sortie, non sans embarquer avec lui l'exemplaire des Fleurs du Mal que Cassie avait laissé près de la caisse enregistreuse. Au loin, il vit Cassie marcher à vive allure en direction du parc et il se mit à sourire.
Non, il n'allait pas la faire attendre mais il savait que la bataille ne faisait que commencer.


FIN DU TOPIC