« On ne guérit pas d'une mère qui ne vous aime pas. Ça creuse un grand trou dans le cœur et il en faut de l'amour et de l'amour pour le remplir ! On n'en a jamais assez, on doute toujours de soi, on se dit qu'on n'est pas aimable, qu'on ne vaut tripette.»

Il était une fois … non sérieusement, vous avez vraiment cru que ma vie commençait comme un conte de fée ? Il n'en est rien. C'est bien simple, jamais je n'aurais du naitre. Madelynn Sullivan, c'est le nom de la femme qui m'a engendré, pas de bol, elle se trouvait juste au mauvais endroit au mauvais moment. Elle me l'a assez répété, l'histoire de ma naissance. Cette histoire glauque à souhait, d'un gros lard riche à ne plus en pouvoir qui l'avait entrainé dans une ruelle glauque à souhait et l'avait baisée juste là, sans demander, sans bonjour, ni merci, ni au revoir. Madelynn aurait peut être pu se voiler la face sur ce qu'il s'était passé si cet enfoiré n'avait pas eu des spermatozoïde aussi fertiles. Neuf mois plus tard, j'étais là, je n'avais rien demandé moi, mais elle me détestait déjà, je pense qu'au fond de moi je l'ai toujours su. En même temps que pouvait elle voir en moi ? J'étais la bâtarde de service, le boulet qu'elle serait obligée de trainer derrière elle, le truc qui l'empêcherait de vivre son conte de fée, elle qui rêvait du prince charmant qui viendrait la sauvée de cette vie minable et bien pour le coup elle se retrouvait avec un sacré handicap sur les bras. Autant dire que grandir dans ce genre d'ambiance n'était pas une partie de plaisir tous les jours. Ma génitrice ne m'aimait pas et je lui rendais sacrément bien. Bon bien sur, pas au début, j'étais une petite fille innocente, je rêvais du jour où ma mère me prendrait dans ses bras pour se transformer en vraie maman … que j'étais naïve. J'ai vu une tripoté de beau père défiler, tous plus cons les uns que les autres. En même temps, il fallait avoir un grain pour s'intéresser à Madelynn.

Nous vivions dans une belle maison, sauf que ce n'était pas la notre, c'était celle des Dashwood et la pièce que nous occupions n'avait rien à voir avec le reste de la maison... Une pièce austère, poussiéreuse, je n'aimais pas y rester, il y avait une odeur qui planait dans cette pièce, une odeur qui me soulevait le cœur, qui me rappelait que je n'étais pas à ma place ici, l'odeur du tabac froid mélangé à l'odeur du mépris que ma mère et moi nous portions. Aucun gestes tendres, jamais. Toujours en train de mal se parler quand nous daignions nous adresser la parole. Je l'entends toujours dans mes oreilles « Hey gamine fais ci ». « La gosse fais ça ». « Bouge de là la môme ». J'avais envie de lui hurler que j'avais un putain de prénom qu'elle m'avait donné. Rien de plus impersonnel que de m'appeler par les mots qu'elle employait, une autre preuve du lien qui n'existait pas entre nous, et je lui rendais bien. Jamais, je dis bien jamais, je ne l'ai appelée 'maman'. Elle ne le méritait pas. Si je l'avais fait, alors je lui aurait accordé bien trop d'importance, elle n'avait rien d'une maman, elle n'était rien pour moi, elle m'avait juste pondu dans ce monde. Franchement, comment vouliez vous que je devienne quelqu'un d'équilibrer ? C'était perdu d'avance, je n'y connais rien en psychologie infantile mais je pense que si il devait y avoir une origine à ce que je suis devenue aujourd'hui, on doit pouvoir la retrouver dans mon enfance. Passer sa vie à imaginer qu'on est qu'un accident, une erreur de la nature, ça a de quoi troubler quelques peu... Je suis devenue une handicapée des sentiments... Au fil des années je suis devenue plus méfiante, me protégeant derrière une carapace. Je me suis peut être un peu trop protégée de la réalité des sentiments, parce que maintenant je n'arrive plus à ressentir quoi que ce soit, c'est d'un minable.

« C’est drôle, cette amitié qui consiste à ne pas ménager la personne que l’on aime, à débusquer l’endroit où ça fait mal pour enfoncer le pieu fatal. »

Lui. J'ai l'impression qu'il a toujours fait parti de ma vie. C'est étrange mais je me souviens parfaitement du jour de notre rencontre 'officielle'. On s'était surement croisé avant dans la maison des Dashwood mais je devais être encore en couche culotte et donc bien trop jeune pour m'en souvenir. J'étais une petite fille, une petite blondinette avec deux petites couettes et une robe blanche avec des cerises dessus. J'étais dans le jardin des Dashwood, j'avais juste envie de jouer un peu dehors et je suis tombé sur lui, ce petit garçon, les cheveux en bataille, concentré sur ce qu'il faisait. Intriguée je m'étais approchée, j'avais posé mes yeux bleus sur lui, mes yeux qui avaient déjà une lueur désabusée, bien trop désabusée pour mon jeune age. « Tu fais quoi ? », lui avais je demandé. Il avait haussé des épaules « Bah je joue ça se voit pas ? ».. Frustrée de ne pas avoir eu une réponse claire, une moue boudeuse s'afficha sur mon visage, la même moue qui apparaît toujours aujourd'hui lorsque je suis contrariée. En quête de quelqu'un à qui me raccrocher, j'osai lui poser une nouvelle question, « Je peux jouer avec toi ? », et la réponse avait fusé comme un éclair « Nan t'es trop petite ! ». Ça commençait bien non ? Au final, notre relation était comme ça depuis toujours, toujours à se prendre le bec pour rien, à trouver les points faibles de l'autre et d'appuyer dessus. Et si ce jour là, j'étais restée à ma place ? Et si je n'étais pas allée voir le fils des patrons ? Parce que, il ne fallait pas se leurrer, papa et maman Dashwood n'étaient pas super ravi que leur fils joue avec la bâtarde de la cuisinière. Si je ne m'étais pas approchée de toi ce jour là, aurions nous foncé dans le mur quand même ? Serais je quand même tombée amoureuse de toi ? On ne le saura jamais. Ce que je sais maintenant ais que j'ignorais à l'époque, innocente que j'étais, c'était que cette rencontre allait définitivement me flinguer au long terme. Mais à cette époque là, nous étions juste deux enfants jouant dans un jardin, sans se douter que le jeu prendrait une drôle de tournure au fil des années.

« Désillusionnée avant l'age je dégueule sur la facilité des sentiments. »

« Ça fait quoi d'être la fille de la cuisinière des Dashwood ? » . Cette question avait été posée par Eileen, elle était ce qui se rapprochait le plus d'une meilleure amie pour moi, elle était, de loin, la seule fille que je supportais. La considérais je vraiment comme une amie ou était elle juste là pour tromper mon ennui ? Je ne le savais pas. Ce que je savais c'était qu'elle était la seule que j'appréciais réellement, à part Marlon, bien sur, mais Marlon est un cas particulier. Nous étions adolescente, 16 ans, l'âge con. J'étais en train de me vernir les ongles de pied, assise sur son lit. Je ne pris même pas la peine de relever les yeux vers elle, « Ça fait chier... ». Je relevai enfin les yeux en faisant semblant de réfléchir, « Tu verrais la bande de ploucs qui passent dans cette baraque, c'est impressionnant ». Et là, elle me tua d'une simple phrase, « Ouais mais leur fils Marlon, il est pas mal... ». Je ne répondis pas, je me contentai de me reconcentrer sur mes ongles. « Avoue … tu craques pour lui ! » « Plutôt crever chérie ! », je n'avais même pas réfléchi à la réponse, elle était sortie d'elle même. Je passais mon temps à me protéger des sentiments que Marlon déclenchaient en moi. « Pff t'es pas drôle Olive... ». Elle avait l'air un peu contrarié, et je pouvais le comprendre, elle était la seule fille avec qui je trainais et je ne me confiais pas à elle alors que moi je savais pratiquement tout d'elle, il y avait de quoi être frustrée. Je regardai autour de moi la chambre parfaitement en ordre de Leen, je me rappelais que la première fois que j'étais venue ici je l'avais enviée, elle et sa petite famille bien rangée, elle et toute sa capacité au bonheur, entourée de parents aimants, d'un frère protecteur. Au final, elle s'ennuyait elle aussi dans sa vie, ou alors c'est moi qui ai déteint sur elle à force, je ne sais pas trop. Et pour se provoquer des décharges d'adrénaline, rien de tel que de faire le mur et d'aller faire la fête. Malgré notre jeune âge, nous connaissions déjà les excès de l'alcool, du flirt poussé. J'abusais déjà de tout ce qui pouvait me faire sentir un peu vivante. Toute ma vie on m'avait collé l'étiquette de la mauvaise graine, la fille qui n'avait aucun avenir parce que non désirée, non éduquée, il fallait bien que je leur donne un peu raison... Et ce soir là, nous nous rendîmes dans une fête organisée dans un entrepôt, le plan glauque à souhait... La fète battait de son plein lorsque mon téléphone sonna. Je regardai qui m'appelait. Marlon. En levant les yeux au ciel, je décrochai, « Qu'est ce que tu veux Dashwood ? » « Je m'ennuie » « C'est dommage parce que je ne suis pas à ta disposition. ». Silence. « Putain tu fais chier …Ok j'arrive... ». Et aussitôt dit, aussitôt fait, j'abandonnais la pauvre Leen et rentrai à la maison. Je me glissai dans la demeure sur la pointe des pieds et me faufilai jusqu'à la chambre de Marlon. Je retirai mes chaussures et, sans un mot, j'allai me coucher à ses cotés, je regardai le plafond, « Tu pues la cigarette et la vodka. ». Je tournai la tête vers lui, « C'est possible oui... ». Il n'ajouta rien et, tout comme lui je repris ma contemplation du plafond. Un léger sourire se dessina sur mes lèvres en pensant que d'un seul coup de fil il avait réussi à me faire rentrer illico presto à la maison, qu'il m'avait fait abandonner mon amie au milieu d'une bande d'inconnu, dans un endroit glauque à souhait, tout ça pour regarder le plafond de sa chambre avec lui, c'est pour ça, à cause du raisonnement qui venait de se faire dans ma tête je soupirai avant de dire, « T'es chiant, Marlon... »

« Je crois bien que c'est ça le vrai amour : avoir l'impression d'être dans sa vie, pas à côté. Au bon endroit. Ne pas avoir besoin de se forcer, de se tortiller pour plaire à l'autre, rester comme on est. »

« Olive ? » « Hmm ? » « Tu dois, quand même, être assez proche du fils Dashwood vu que tu vis là bas avec ta mère non ? C'est vrai qu'il est parti pour se marier ? » « Tu sais je m'en fous de sa vie. Je te l'ai dit un million de fois Leen, c'est que le fils des patrons de Madelynn » Tu parles, non ce n'était pas que le fils des patrons de Madelynn, c'était un enfoiré de première ! C'était le type qui m'avait foutu en l'air avec une promesse débile. La promesse qu'un jour nous nous marierons . C'est qu'en y réfléchissant bien, comment j'avais pu me raccrocher à une promesse faites par un gamin de 7 ans ? C'était de sa faute aussi, il avait continué de cultiver l'espoir en moi et maintenant je le détestais pour ça. Nous avions vécu nos vies côtes à côtes, lui fuyant toutes les responsabilités que pouvaient entrainer son statut de fils de et moi fuyant … et bien fuyant ma vie en général. Elle partait de la notre relation, et ce qui s'était construit entre nous était pour moi quelque chose de nécessaire, de vital. Vous me trouvez pitoyable ? Et bien vous n'avez encore rien vu, parce que je peux clamer haut et fort que Marlon Dashwood est la seule personne au monde à réussir à me faire sentir vivante, sans lui je ne suis rien d'autres qu'une coquille vide, un zombie qui se traine à faire les taches quotidienne, bien trop lâche pour s'ouvrir les veines dans la baignoire. Et à contrario, j'avais cette fierté qui m'empêchait de lui dire tout ce qu'il pouvait représenter à mes yeux. Marlon était certainement la meilleure (ou la pire je ne sais pas trop) de toutes les drogues, encore plus addictif que la cocaïne. C'était la meilleure, moi qui aimait me dire si indépendante, que clamait que je n'avais besoin de personne, que je m'auto suffisais, je me sentais comme enchainée à lui, comme un pantin entre ses doigts. Je ne pouvais pas me résoudre à lui dire que je l'aimais d'une façon totalement déraisonnable, d'une façon qui dépassait l'entendement, une relation bien plus passionnelle et bien plus passionnante, rythmée par nos nombreux coups de gueules. J'avais déjà du mal à me l'avouer à moi même, alors lui avouer à lui... Et maintenant, il m'annonçait qu'il était fiancé à je ne sais quelle greluche. Et moi alors ? J'avais juste servi à lui passer le temps toutes ces années ? J'étais bonne à jeter à la poubelle ? J'avais cette impression de n'avoir été que son jouet, et je détestais cette impression d'avoir été manipulée de la sorte et d'un autre coté j'avais du mal à y croire. J'étais perdue c'était ça la vérité. Perdue et complétement névrosée. J'aurais pu le tuer de mes mains pour tout le mal qu'il me faisait. On avait l'habitude de se faire souffrir, toute notre vie nous n'avions fait que ça, mais là il avait dépassé les bornes. Tout ça mélangé au fait que ma jalousie ne pouvait pas s'empêcher de s'en mêler. Je refusais tout net qu'une autre partage sa vie, je le voulais pour moi toute seule, et c'était un point de vue égoïstement égoïste mais je m'en fichais, j'avais toujours vécu dans l'excès et ça même dans mes sentiments alors ce n'était pas aujourd'hui que cela allait changer, surtout pas quand on m'arrachait la chose la plus importante de ma vie. Malgré la dispute qui avait précédé sa fuite, j'étais prête à le poursuivre et à le confronté, je ne pouvais en rester là. Il me restait quoi à moi si il n'était plus là ? Merde, je détestais l'emprise qu'il pouvait avoir sur moi. Il était à la fois le rêve que je chérissais précieusement et mon pire cauchemar. Notre relation était vraie, entière, nous vivions à fond les hauts comme les bas. Mais, après tout, je me sentais tellement vivante quand il me hurlait dessus... Alors si il était à Lewis, et bien, j'irais aussi.

« Je n'arrive pas à l'oublier. C'est terrible. J'ai décidé de ne plus le voir, mon cœur ne veut plus, ma tête refuse, mais chaque pore de ma peau hurle au manque. Tu sais quoi? L'amour ça nait dans le cœur mais ça vit sous la peau. Et lui, il est tapi sous ma peau. »





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