❝ Je ne saurais trop vous dire ce que je suis du moins, en restant objective. Peut-être aurais-je tendance à mettre en avant mes qualités ou bien mes défauts, en exagérant l'un ou l'autre par manque ou excès de confiance en moi. Non, excès certainement pas mais déjà davantage que durant l'adolescence. De la petite enfance à mes années de lycée, j'étais une fille très timide qui avait du mal à aller vers les autres et qui avait même cette tendance à ne pas marcher en me tenant droite. D'ailleurs, je faisais aussi en sorte de ne jamais à devoir faire de phrases trop longues ni d'être interrogée en classe car je souffrais d'une forme assez sévère de bégaiement du moins, principalement lorsque j'étais nerveuse, ce qui était souvent le cas. Bien heureusement, tout cela à changer mais ce ne fut pas sans mal. Aujourd'hui, je suis plus assurée et bien plus sociable, n'hésitant pas à me mêler à autrui mais vous ne me verrez pas pour autant apte à engager la conversation avec un parfait inconnu. Pourtant, Dieu sait que je peux être très bavarde lorsque je suis à l'aise avec quelqu'un mais dans le cas contraire, je peux être muette comme une tombe. En revanche, dans un cas comme dans l'autre, je suis très directe et manque cruellement de tact bien que cela ne soit pas volontaire. Je vous dirais bien que je fais en sorte d'y remédier mais ce serait vous mentir. Aussi, je suis une personne plutôt lunatique et suis sujette à de fréquent changements d'humeur qui, en plus de cela, sont assez radicaux. Je peux donc être un véritable bout-en-train mais la minute suivante être glaciale, si quelqu'un dit ou fait quelque chose qui me contrarie. Néanmoins, je ne m'emporte que très peu et n'attaque pas verbalement (et encore moins physiquement), je me contente plutôt de me plonger dans un certain mutisme dont je ne sors qu'une fois mes nerfs calmés. Cela peut parfois agacer mais je préfère cela à tenir des propos qui dépasseront ma pensée, qui blesseront et que je regretterai par la suite. Autrement je ne suis pas bien dévergondée, cela venant certainement de l'éducation catholique que j'ai reçu mais n'allez pas croire pour autant que je suis coincée. J'ose croire que je me trouve à un juste milieux entre les deux, n'ayant ni l'air d'une sainte-nitouche ni même d'une dépravée. J'aime faire la fête avec d'autres jeunes de mon âge et sais m'amuser mais ne termine pas pour autant totalement ivre ni même à danser à moitié nue prise en sandwich entre deux jeunes hommes. J'ai une certaine fierté qui m'empêchera d'arriver un jour à un tel point (du moins je l'espère) et cette même fierté me vaut d'être assez réservée sur mes sentiments. Je sais parfaitement les exprimer mais pour cela, il me faut du temps et une entière confiance envers l'autre, chose qui ne peut justement être totale et aveugle. J'en fais mieux part à travers la danse ou plutôt, j'ose le croire. À propos de danse, je suis quelqu'un de très énergique qui a beaucoup de mal à rester inactive, assise dans un coin à ne rien faire ou allongée en ayant les doigts de pieds en éventail. La danse, en plus d'être une passion, est donc un moyen de canaliser et faire sortir toute cette énergie qui m'habite. Que dire de plus à mon sujet... Ah oui, je suis aussi empathique et loyale en plus d'assez possessive mais cette même possessivité n'est que preuve de mon attachement pour les autres. Cependant, je reste indépendante bien que je sois d'une loyauté sans égal. Aussi je pense m'arrêter là, s'il y a plus à savoir, vous finirez bien par le découvrir de votre propre chef. ❞

⊹ miss ‘no way, it's all good’.

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Assise sur le banc dans le couloir qui menait au bureau de la directrice de son école primaire, Salvana laissa balancer ses jambes tout en tentant de toucher le sol avec ses petites chaussures mais c'était à peine si elle parvenait à le frôler. Néanmoins elle n'en démordait pas, continuant ses tentatives en restant adossée au mur. Tel était le défi de la journée pour cette petite fille de presque sept ans qui tâchait de s'y appliquer au mieux. « Sallie ! Mme. Whealer m'a dit que je devais venir ici. Qu'est-ce qu... Oh mais qu'est-ce que tu as sur le visage ! » La tête relevée malgré elle, Salvana fit une légère grimace lorsque sa soeur aînée, Rozanne, toucha le contour de son oeil déjà rougi, la zone étant assez sensible même si sa vision n'avait subi aucune conséquence. « C-C-C'est M-Max-xim-m-milian. Il m-m'a d-donné un c-coup de p-p-poing. » Rozanne fronça aussitôt les sourcils et fit une petite moue pour marquer son mécontentement, digne d'une enfant de douze ans. Évidemment, la nouvelle ne lui plaisait pas, elle qui était très protectrice envers sa cadette ainsi que leur aînée Quinn, âgée de quinze ans. D'ailleurs, si celle-ci avait appris une telle chose, elle aurait très certainement refait le portrait à ce Maximilian sans même se poser de question, qu'importe si elle avait presque dix ans de plus que lui. « Quel c... » « T-Tu p-peux pas d-d-dire c-ce mot ! I-Il est int-t-terd-dit ! » En effet, les grossièretés étaient interdites chez les Costigan et la mère en particulier était très à cheval sur certaines règles dont celle-ci. Pour être honnête, Letty Costigan mettait un point d'honneur à ce que la famille donne une image des plus parfaites au monde extérieur et mieux valait ne pas la décevoir. Le fait que sa soeur la reprenne fit sourire Rozanne qui était souvent attendrie face à la docilité et l'innocence de Salvana, elle qui cherchait à tout prix à entrer dans les critères de sa mère. Comme ses soeurs à vrai dire bien que Quinn passait par cette phase appelée la crise d'adolescence, se rebellant contre les valeurs inculquées par la maîtresse de maison. « Tu as raison, pardon. Pourquoi est-ce que Maximilian t'a frappé ? » Salvana baissa légèrement la tête et fit une légère grimace, montrant sa réticence à lui donner réponse même si elle savait que sa grande soeur ne lâcherait pas le morceau. « I-Il... » Mais elle ne put poursuivre, la porte du bureau de la directrice s'ouvrant pour y laisser apparaître celle qui dirigeait l'établissement ainsi que la mère de Salvana et Rozanne qui se levèrent aussitôt du banc. « Mme. Costigan, calmez-vous. Ce n'est pas dramatique et puis votre fille n'y est pour rien dans toute cette histoire. Les enfants ont tendance à être cruels et... » « Et quoi Mme. Mendoza ? » La directrice se tue, intimidée par la femme qui lui faisait face. « Ce n'est pas un problème n'est-ce pas ? J'ai une gamine qui n'est pas capable d'aligner deux mots sans bégayer mais ce n'est pas de sa faute, hein ? C'est de ma faute à moi d'avoir mis au monde une véritable attardée bonne à se faire taper dessus ! » Si les mots choquèrent autant Mme. Mendoza que la petite Rozanne, concernant Salvana ce fut tout autre chose. Elle culpabilisait. Après tout, n'était-ce pas à cause d'elle que sa mère se mettait à crier de la sorte ? N'était-ce pas à cause d'elle que la directrice l'avait appelé ? N'était-ce pas à cause d'elle, encore une fois, que Maximilian l'avait frappé ? Si, tout était de sa faute. Si elle ne bégayait pas, il ne l'aurait pas embêté alors elle n'aurait pas cherché à se défendre. En ne se défendant pas, il ne lui aurait pas donné de coup et alors, il n'y aurait pas eu d'incident. La directrice n'aurait pas appelé sa mère et celle-ci ne serait pas en colère. S'approchant de sa génitrice, Salvana attrapa sa manche pour tirer dessus et attirer son attention. « M-M-Mam-man... » Mais elle n'eut le temps de dire quoi que ce soit de plus, une main venant s'écraser violemment sur sa joue. Manquant de trébucher, la petite fille récupéra tant bien que mal l'équilibre et se tint au banc juste derrière elle. Le regard n'osant affronter celui de sa mère et sa lèvre inférieure tremblant de plus en plus rapidement, sa vision devenait de plus en plus floue à cause des larmes qui lui montaient au bord des yeux. Ce n'était pas la première fois qu'elle se prenait une gifle mais les fois précédentes, elle savait plus ou moins pourquoi alors que là non, son esprit d'enfant ne comprenait pas ce geste douloureux et qui était certainement gratuit. « Tais-toi ! Rien que d'entendre ta voix m'irrite ! » Connaissant l'influence et le pouvoir dont pouvait faire preuve Letty Costigan, la directrice n'osa s'interposer au risque d'en subir les retombées, préférant alors s'éclipser dans son bureau et fermer les yeux sur ce qu'elle venait de voir, saluant juste une ultime fois celle qu'elle venait de recevoir. Letty ne lui fit qu'un signe de tête en guise de réponse avant de retourner à sa fille. « Te rends-tu compte du cauchemar que tu me fais vivre ? Imagines-tu seulement le fardeau que tu es ? Un véritable boulet accroché à mon pied que je traîne malgré moi. Un handicap, un faix. N'as-tu pas honte de ce que tu me fais subir ? N'as-tu pas honte de ce que tu es ? Moi en tout cas j'ai honte. J'ai honte que tu sois là. » Laissant planer le silence dans le couloir, Letty le brisa en faisant claquer ses talons sur le sol tandis qu'elle se dirigeait vers la sortie de l'école primaire. Les larmes roulant sur ses joues, Salvana tâcha de ne laisser échapper aucun son de sa bouche et se pencha pour attraper son sac qui se trouvait à ses pieds après avoir enfilé son manteau. Sa joue lui faisait mal mais la douleur était encore plus intense à l'intérieur même si elle n'arrivait à bien saisir pourquoi. Pour son jeune âge, la situation ne lui était pas clair mais le poids des mots se faisaient malgré tout sentir. Et cela faisait mal, bien plus qu'une simple claque. Reniflant un bon coup et passant sa main sur son nez coulant, elle s'apprêtait à suivre sa mère lorsque sa route fut barrée par Rozanne qui sorti un mouchoir de sa poche pour envelopper son nez. « Vas-y, souffle fort, comme les éléphants. » Le visage mouillé, Salvana s'exécuta sans broncher et vida ses narines de leur contenu dans le mouchoir, répétant son geste une seconde fois avant de renifler. Suivant du regard sa soeur qui jeta le papier dans la poubelle la plus proche, cette dernière revint aussitôt et attrapa la main de sa petite soeur. « Il faut pas l'écouter, elle est fâchée mais ce n'est pas de ta faute. Elle a peut-être ses règles tu sais. » Ces quelques mots réussirent à faire rire la petite fille dont le son cristallin résonnait dans les locaux. Cela était bien plaisant à entendre et le visage de Rozanne pouvait en témoigner, serrant aussi un peu plus la main de sa cadette qu'elle n'aimait voir dans un tel état. « Moi je ne suis pas d'accord avec maman, tu ne dois pas avoir honte. Même Quinn le dit ! » Elle s'approcha davantage et la petite fille de douze ans posa ses lèvres sur la joue endolorie de sa soeur, mouillée par les larmes qui coulaient toujours malgré son éclat de rire, délicatement pour ne pas lui faire mal mais juste assez pour lui faire comprendre à quel point elle l'aimait. « Tu es parfaite Sallie. Ne l'oublie jamais. » À travers les larmes, Salvana esquissa un petit sourire qui s'étira de plus en plus avant de renifler une ultime fois sans aucune grâce, ce qui fit rire Rozanne de plus belle avant qu'elle ne se mette à avancer, entraînant sa soeur avec elle. Non, jamais la brunette n'oublierait les mots de son aînée. Jamais.



⊰ ignorance is bliss.

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« Je peux savoir où tu vas comme ça, jeune fille ? » S'arrêtant dans son élan, Salvana lâcha la veste qu'elle venait d'attraper et se mordit la lèvre inférieure, fermant les yeux et fronçant le nez pour avoir été intercepté avant qu'elle n'ait pu passer la porte. Elle aurait préféré que sa mère ne se rende compte de son départ qu'une fois partie mais bien évidemment, impossible d'échapper au radar de Letty Costigan. Se demandant comment elle allait pouvoir lui faire face tout en montant une histoire, Salvana espérait au plus profond d'elle que sa mère mordrait à l'hameçon. Piètre menteuse, il y avait toujours un signe, un petit quelque chose qui venait indiquer qu'elle mentait. Rouvrant les yeux en inspirant un bon coup bien qu'en tâchant d'être discrète, la jeune fille pivota afin de faire face à sa génitrice. « Chez Rachel pour réviser, je t'avais dit que je devais me rendre chez elle pour préparer notre contrôle. » Rachel, une fille qui se trouvait dans sa classe mais à qui Salvana n'avait parlé que quelques fois et le plus souvent par contrainte. Elle n'était pas très sociable mais non pas parce qu'elle ne le voulait pas mais parce qu'on la voyait toujours comme la fille qui bégayait, ce qui était le cas jusqu'à il n'y a pas si longtemps que ça encore. Un véritable handicap qui avait beaucoup affecté sa vie sociale même si aujourd'hui cela allait déjà mieux bien que pas au point d'avoir une foulée d'amis. « Tu vas souvent chez cette Rachel dernièrement, il faudrait peut-être qu'elle vienne à la maison un de ces jours. C'est... Intéressant de voir que tu te fais enfin tes propres amis. » Le sous-entendu était clair, sa mère parlant bien évidemment des amis de Quinn et Rozanne. Salvana tenta tant bien que mal de garder son calme et ses lèvres s'étirèrent en un léger sourire accompagné d'un haussement d'épaules. « J'essaie de me mêler un peu plus aux autres maintenant. Sans perdre de vue nos révisions, bien sûr. Cette semaine c'est biologie mais promis, je tâcherai de ne pas rentrer trop tard. » Fayotte. Seulement il le fallait bien si elle voulait s'en sortir indemne de cet interrogatoire. L'air suspicieux, Letty continua de fixer sa fille qui fit tout pour y rester indifférente bien qu'elle sentait ses mains devenir moites. Si sa nervosité continuait son ascension alors bientôt elle se mettrait à bégayer, elle le savait. Tâchant alors de se calmer intérieurement, son sourire se fit plus large et Salvana reprit alors sa veste qu'elle enfila. « Ton père pourrait t'y emmener puis aller te chercher puisqu'il est à la maison ces jours-ci, cela ne le déran... » « Non ! » L'adolescente avait été trop brusque et elle le savait. Se mettant à rire comme pour faire oublier sa réponse précipitée, elle leva les yeux au ciel en prenant un air mi-exaspéré mi-amusé. « Je suis une grande fille maman, ça va aller. » Toujours l'air suspicieux, Letty hocha la tête et observa sa fille récupérer toutes ses affaires et se diriger vers la porte d'entrée, l'ouvrir mais son regard fut attiré par le livre qui se trouvait sur la table basse du salon. « Salvana... » À l'entente de son prénom, le coeur de la jeune fille ne fit qu'un bon dans sa poitrine. Elle savait. Sa mère savait qu'elle mentait. Elle savait tout et allait lui faire passer un sale quart d'heure, lui crier dessus en lui disant que le mensonge était un péché. De fil en aiguille, elle lui tirerait les vers du nez et saurait tout, absolument tout. Cela devrait alors prendre fin et toute la ville en parlerait. Ses parents ne lui pardonneraient jamais une telle chose et tout le monde ferait des messes basses sur son passage. Ce serait... « Tu allais partir sans ton livre de biologie. Je me demande vraiment où tu as la tête parfois. » Très certainement loin, en pleine paranoïa, comme il se doit. Salvana alla prendre son livre, le rangea dans son sac puis embrassa sa mère avant d'enfin passer le pas de la porte, s'autorisant à soupirer de soulagement comme il n'était pas permis de le faire. Elle l'avait échappé belle, sa mère ne semblait se douter de rien. Certainement était-elle elle-même ailleurs, trop préoccupée avec les moments critiques qu'elle vivait dans son couple suite à des commérages de la paroisse. Il en fallait tellement peu à Letty pour douter de son mari bien que devant tous, elle faisait la fière, l'intouchable. Peu importe les rumeurs, Salvana osait ne se préoccuper que de son sort et pour ce soir, elle veillerait à ce que personne ne sache rien des véritables raisons de sa sortie.
Arrivée devant la porte de l'appartement, Salvana avait veillé à rester discrète et de ne croiser personne qui pourrait reporter l'avait vu. Parcours sans encombre, elle se permit de décompresser un peu quand elle frappa à la porte. Entendant ses pas arriver, elle recula légèrement et se tint droite, le sourire aux lèvres en le voyant apparaître sur le seuil. « Surprise. J'espère que je ne te dérange pas. » Surpris, il l'était et contrairement aux autres fois où elle était venue, il ne se décala pas afin qu'elle puisse entrer. Au contraire, il sorti de l'appartement et referma la porte derrière lui, parlant à voix basse. « Qu'est-ce que tu fais là ? » Apparemment, sa visite n'était pas pour le ravir au plus haut point et elle ne tarda pas à le comprendre. Soudainement gênée, elle se mit à battre rapidement des cils en se demandant quoi lui répondre alors que c'était pourtant une évidence. « Je... Je voulais qu'on se voit, qu'on soit un peu ensemble. J'ai raconté une histoire de révisions chez une amie, mes parents pensent que je suis chez elle donc... » « On ne devait pas se voir ce soir, ce n'était pas prévu. » Encore un peu et il lui disait clairement qu'il ne voulait pas qu'elle soit là même s'il le faisait déjà bien comprendre. Pourquoi ne voulait-il pas la voir ? Avait-elle fait ou dit quelque chose qui lui avait déplu ? Avait-elle manqué de discrétion et des personnes extérieurs se doutaient qu'ils entretenaient une relation ? Était-elle trop collante avec lui ? Était-il simple lassé d'elle ? D'être avec une gamine comme elle ? Envisageant aussitôt le pire, Salvana balaya toutes ses possibilités pour se dire qu'il devait simplement avoir du travail. « Je suis désolée, j'aurais dû t'appeler avant de venir. Je pensais que ça te ferait plaisir... » Il la coupa dans sa réplique en posant ses lèvres sur les siennes, ce qui fit accélérer les battements du coeur de la jeune fille. Elle s'inquiétait certainement pour rien, comme toujours. « Ça me fait toujours plaisir de te voir, n'en doute surtout pas. C'est juste que ce n'est pas le bon soir. » Il ne lui laissa le temps de répondre quoi que ce soit de plus qu'il l'embrassa de nouveau, langoureusement et toutes les idées noires de l'adolescente s'envolèrent. Oui, elle se montait la tête pour rien et elle culpabilisait même d'avoir pu douter de lui, ne serait-ce qu'un peu. Ils étaient bien tous les deux, leur relation était bien. Nullement de quoi s'inquiéter. « Bon, puisque tu sembles être occupé ce soir, je vais te laisser. Je repasserai demain après les cours, comme conv... » « Alors, qu'est-ce que tu fais ? J'en ai marre de t'attendre, mon lapin ! » La porte de l'appartement s'ouvrant juste derrière eux, Salvana n'eut aucun mal à reconnaître Cori, l'une des cheerleaders du lycée. Contrairement à d'habitude, elle ne portait pas son uniforme mais au contraire, se trouvait en tenue légère. Très légère. La regardant de haut en bas, Salvana fronça légèrement les sourcils et regarda de nouveau l'homme qu'elle avait face à elle. À mieux le contempler, elle remarqua sa chemise boutonnée de travers, que ses cheveux étaient un peu ébouriffés et qu'il n'y avait déjà plus de ceinture à son pantalon. Aussi naïve pouvait-elle être, Salvana n'était pas stupide pour autant, en particulier quand elle avait tout sous les yeux. « Tiens la Bègue, qu'est-ce que tu fais là ? » Apparemment, Cori se souciait peu d'être vue quasiment nue dans cet appartement mais en même temps, elle savait parfaitement manipuler son monde et savait aussi faire pression. Elle était donc sûre que Salvana ne parlerait pas. « Je... J'étais venue demander quelque chose pour le cours de demain. Mais j'allais partir justement, je sais tout ce que j'ai à savoir maintenant. » Et c'était peu de le dire. S'efforçant de sourire à Cori, elle croisa ensuite une dernière fois le regard de celui qui avait été son petit-ami pendant plus d'un an et qui pourtant ne semblait pas faire dans l'exclusivité. À cet instant-même, elle se maudissait de s'être lancée dans une relation avec lui, d'avoir été à l'encontre de ses principes, d'avoir couché avec lui mais surtout de l'avoir aimé. Oui, elle se maudissait d'avoir eu des sentiments pour un homme pour qui ce n'était rien de plus que du vent. Cet homme-là était son seul et unique amour, le seul pour qui son coeur battait mais surtout, il était aussi son professeur de littérature.



♈ a thousand little wars.

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Le grand jour était enfin arrivé et c'était à peine si la jeune femme parvenait à y croire. Faisant de son mieux pour ne pas se mettre à faire les cent pas, elle sentait néanmoins ses mains devenir moites. Ce qu'elle pouvait détester d'être nerveuse à ce point même si là, il y avait de quoi l'être. « Arrête de te mordre la lèvre et décompresse ! Tout va bien se passer ! » Salvana regarda Rozanne et tâcha de s'exécuter du moins, concernant la lèvre car pour son stress, elle ne pouvait pas y faire grand chose. Elle était tellement préoccupée qu'elle ne s'était même pas rendue compte qu'elle s'était attaquée à sa lèvre inférieure. À vrai dire, elle ne remarquait absolument rien au point qu'elle sursauta lorsque Quinn passa ses bras autour de ses épaules. « Tu connais bien notre petite Sallie, elle ne décompressera pas avant d'être passée devant le jury. » Et c'était parfaitement vrai. Seulement rien que le fait de voir son numéro collé sur sa poitrine augmentait son stress. 379. Elle était la 379ème à passer et elle ne serait pas la dernière. Avait-elle ses chances d'obtenir une place dans cette prestigieuse école ? Oui, mais à force de regarder ses concurrentes passer, elle en doutait bien sérieusement. « Je ne sais pas si je vais y arriver... » Ses deux aînées se tournèrent vers elle en même temps et si elles ne s'étaient pas passées le mot alors leurs mouvements étaient tout simplement synchronisés. Leurs expressions faciales aussi d'ailleurs puisqu'elles froncèrent les sourcils et plissèrent les yeux, à la fois mécontentes et en attente de plus d'informations. « J'ai les jambes qui tremblent, je sens que je vais rater ma chorégraphie, que je vais m'étaler sur le sol puis... Regardez toutes ses filles. Elles sont géniales et encore, grand nombre ne sont pas passées ! » Quinn et Rozanne échangèrent un regard que Salvana connaissait bien. Elles étaient à la fois amusées et prêtes à secouer leur cadette comme un véritable pommier. « Tout d'abord, tu ne rateras pas ta chorégraphie. Tu l'as travaillé, encore et encore avec acharnement alors non, tu la réussiras avec brio. » « Puis aussi géniales soient ces filles, tu as aussi un talent monstre ! Sûrement plus impressionnant que le leur ! Et on ne te dit pas ça parce qu'on est tes soeurs. » Cette dernière partie fit sourire Salvana qui leva les yeux au ciel. Aussi franches soient ses deux soeurs, elle se disait que quelque part, c'était bien parce qu'elles avaient le même sang dans leurs veines en plus de leur grande proximité qui leur faisait dire de telles choses. Néanmoins, cela lui permettait d'acquérir un peu plus en confiance enfin... Jusqu'à ce qu'elle entende cette simple phrase qui lui fit remonter tout le stress et elle sentit presque ses jambes la lâcher. « N°379, vous pouvez entrer, c'est à votre tour. » Si l'adolescente de dix-huit ne se permettait pas de jurer tout haut et fort, son mental le faisait déjà bien sans broncher : putain de merde. Ses soeurs l'enlacèrent aussitôt pour un dernier câlin collectif avant qu'elle n'entre dans la salle, suivi de d'une bise de la part de chacune. Ses soeurs croyaient en elle. D'ailleurs, Quinn avait fait le déplacement exprès depuis Chicago pour pouvoir la soutenir tandis que Rozanne séchait ses cours du jour. Si avec ses parents cela n'avait jamais été des relations réellement bonnes, avec ses soeurs c'était une toute autre chose. Elles étaient tout pour elle. Avant d'entrer dans la pièce, Salvana leur adressa un dernier sourire puis disparu pour faire face au jury, composé des professeurs de l'école en plus d'importantes personnalités dans le monde de la danse. « Bonjour mademoiselle Costigan. Si vous le voulez bien, nous allons commencer. » La salle était immense, elle serait beaucoup plus libre de ses mouvements que dans sa chambre, où elle s'était entraînée. Prenant place au milieu de la pièce, elle fit un signe de tête pour qu'on lance la musique qui ne tarda pas à retentir. Musique choisie par ses soins, tout comme la chorégraphie montée par elle et l'aide de son ancien professeur de danse, pour quelques pas. Laissant la mélodie envahir son esprit, elle fit le vide et n'écoutait que la musique. Ayant soudainement l'impression d'être seule au monde, elle fit un premier pas puis un second, sans la moindre hésitation. Ses jambes ne tremblaient plus, son rythme cardiaque était redevenu régulier. Elle gagnait peu à peu en assurance, un assurance qu'elle n'avait que lorsqu'elle dansait. Elle était totalement différente. Poursuivant son numéro avec grâce et agilité, Salvana ne semblait faire aucun effort et quelque part, c'était le cas. Pour elle, danser n'était pas douloureux, ne lui demandait pas une forte concentration ou quoi que ce soit. C'était naturel. Son audition touchant à sa fin, quand la musique se tue elle se figea. Le buste courbé en arrière, les pieds en troisième position, son visage était tourné vers le sol, donnant davantage de fluidité à sa posture mais aussi un air relâché pour marquer une vraie fin. Salvana tenta de réguler sa respiration afin de ne montrer aucun signe d'éventuelle fatigue, attendant quelques secondes avant de se tenir comme quelconque individu, se maintenant droite. Son regard passa sur le visage de chacun des juges, cherchant un signe de satisfaction ou n'importe quell réaction mais rien, ils étaient tous impassibles, très certainement volontairement. « Merci Salvana, nous vous rappellerons sur vous êtes retenue. » Tirant une révérence, la jeune fille leur sourit avant de quitter la pièce, le coeur battant de nouveau à la chamade et la panique l'envahissant aussitôt. Ses deux soeurs la rejoignirent pour la rassurer. C'était terminé. Elle ne pouvait qu'attendre maintenant. Oui, attendre.

« Toujours aucune réponse de cette école ? » Salvana quitta un instant le téléphone des yeux pour regarder sa mère. Encore et toujours cette même question qu'elle lui posait chaque jour depuis qu'elle s'y était rendue. « Non toujours aucune réponse... Mais ils ont eu des centaines de candidatures, il leur faut certainement du temps avant de choisir quelles seront ceux et celles qu'ils accueilleront l'an prochain. » Letty regarda un instant sa fille sans rien dire, le visage dépourvu de quelques émotions avant de se mettre à rire. La jeune fille fronça légèrement les sourcils, ne comprenant pas une telle réaction. Avait-elle dit quoi que ce soit qui puisse être drôle ? Pas à sa connaissance mais elle n'allait pas tarder à savoir ce qui provoquait l'hilarité de celle qui l'avait mis au monde. « Ce que tu peux être naïve ma pauvre fille. Ne crois-tu pas que s'ils étaient réellement intéressés, ils t'auraient déjà appelé ? Cela fait déjà trois semaines. Trois bonnes et longues semaines. » Letty Costigan ou comment réduire à néant tous les espoirs de sa fille bien qu'elle devait avoir raison. Si l'école la voulait, ils auraient certainement déjà appelé et non pas laissé autant de temps s'écouler depuis les auditions. Peut-être était-elle effectivement trop naïve et que les encouragements de ses soeurs ne faisaient que l'enfermer un peu plus dans son délire d'avoir une chance pour être intégrée dans l'école pour laquelle elle avait postulé. « Si tu veux un petit conseil Salvana, prépare déjà ton dossier pour aller en médecine. L'institut catholique n'attendra pas après toi. » Médecine... Salvana n'avait pas la moindre envie de faire médecine mais c'était le deal passé avec ses parents : si elle n'avait pas sa place dans l'école de danse de Brownsville alors elle ferait médecine et ce, à l'institut catholique. La brunette ne savait même pas si elle croyait réellement en Dieu ou non. Elle ne se posait pas vraiment la question non plus, ne portant pas un très grand intérêt à la religion dernièrement même si elle était obligée d'en suivre les principes sous le toit de ses parents. Mais le marché convenu était le marché convenu. Elle avait promis de faire ce qu'on lui demandait sans broncher alors c'est ce qu'elle ferait. Ouvrant la bouche pour répondre à sa mère, elle fit interrompue par la sonnerie du téléphone. Tournant la tête exactement en même temps que Letty, Salvana ne laissa pas le temps à un seconde sonnerie de retentir, se jetant sur le téléphone pour décrocher le combiné. « A-Allo ?! » Calme-toi Sallie, calme-toi... « Allo bonjour, mademoiselle Costigan ? Ici madame Ackerman de l'école de danse, comment allez-vous ? » Même une simple réplique semblait être une véritable épreuve pour la jeune fille. « B-B-Bien, je vous rem-mercie. » Bégaiements. Elle était beaucoup trop nerveuse et ses vieux démons refaisaient aussitôt surface. Une véritable horreur. Croisant le regard noir de sa mère, Salvana se leva du canapé et commença à déambuler dans la maison bien qu'elle savait qu'elle était suivie de près. Aucune intimité tolérée ici. « Ravie de l'entendre. Je vous appelle pour vous annoncer que vous avez réussi votre entretien et que l'école sera ravie de vous accueillir dès la rentrée prochaine. » Aucun son ne pu se résoudre à sortir de la bouche de l'adolescente, totalement sous le choc. « Mademoiselle Costigan, vous êtes toujours là ? » À nouveau elle resta silencieuse bien que sa respiration devenue plus bruyante devait certainement répondre à la question de son interlocutrice. Que devait-elle dire ? Avait-elle bien entendu ? N'hallucinait-elle pas ? Cela ne pouvait pas être le fruit de son imagination, n'est-ce pas ? « J-je... Je... » Puis elle entendit rire à l'autre bout du fil et elle ne savait comment le prendre. Moquerie ? À première vue non, cela sonnait comme sincère. « Tentez de reprendre votre calme Salvana, c'est une bonne nouvelle que je vous annonce, non ? » Au son de sa voie et à son intonation, Salvana pouvait presque dire qu'elle savait que madame Ackerman était en train de sourire. « V-Vous n'imag-ginez pas à qu-quel point... Merci b-beaucoup, v-vraiment. » Dit-elle, enjouée bien qu'en bégayant toujours, sous le coup de l'émotion. Après un échange de polies salutations, la jeune fille raccrocha et tint le combiné de téléphone contre sa poitrine, le serrant fort entre ses mains. Elle pivota ensuite pour faire face à sa mère, un grand sourire aux lèvres bien qu'elle peinait à réaliser pleinement ce qui venait de se passer. « J'ai été accep-ptée... » Salvana prit une profonde inspiration pour retrouver un peu son calme, sachant pertinemment que ses bégaiements irritaient profondément sa mère qui se mettrait certainement en colère si elle ne cessait pas dès maintenant. « Je suis prise, l'école veut de moi parmi ses élèves. » Et si elle osait espérer une réaction réjouie de sa mère, elle se mettait le doigt dans l'oeil et bien. Au contraire, Letty resta de marbre face à l'annonce de sa fille mais hocha tout de même la tête, pour faire comprendre qu'elle avait bien assimilé l'information. « Bien. Ne viens pas te morfondre parce que tu n'auras pas fait le poids face aux autres, surtout dans un domaine aussi futile. » Évidemment, elle n'était pas étonnée d'entendre une telle chose et manqua d'être insolente en levant les yeux au ciel. Au lieu de cela elle resta stoïque, regardant sa mère tourner les talons et quitter la pièce. Une fois sûre qu'elle n'était plus dans les parages, elle sautilla sur place, ne pouvant contenir plus longtemps son excitation. Sa mère ne se réjouissait pas et ne partageait pas son bonheur ? Tant pis, Quinn et Rozanne en feraient bien assez pour elle car rien, absolument rien ne pouvait gâcher un tel moment.