Je pouvais enfin le dire: les journées passèrent sans se ressembler. A un point: Ismaël qui me surveillait constamment. En ouvrant ma fenêtre, je respirais l'air frais, et par ce beau soleil estival je décida qu'il était temps que je bouge mes fesses. On était vendredi, j'avais envoyé quelques CV attendant patiemment qu'on daigne à m'offrir un emploi. Il me fallait un emploi pour que ça me permette de respirer. Les jours devenaient durs, Ismaël voulait que j'en parle – le fait d'avoir perdu le bébé – et je n'ouvrais pas la bouche. J'avais une sainte horreur des psychologues et personne ne me psychanalyserait. J'enfilai un leggins et un tee-shirt long avant d'enfiler une paire de baskets que je n'avais jamais sorti de ma valise depuis mon arrivée ici il y avait quatre ans et demi. Je n'avais juré que par les chaussures à talons voulant faire légèrement plus vieille que mon âge. Cette grossesse et cette fausse couche m'avait fait comprendre une chose: Il fallait que je retrouve la Lily du passé, celle qui avait dix-huit ans mais en moins naïve. J'étais devenue plus forte et à présent je ne jouerais plus à chercher à dépasser mes limites. Je savourerais chaque jour qui se présente et j'affronterais les étapes une à une. Il était neuf heures. Je sortais de ma chambre en nouant mes cheveux en une queue de cheval et en prenant mon Ipod en main. Passant par la cuisine, je croisa le regard d'Ismaël qui n'allait pas tarder à partir. « Tu vas où? » « Faire un jogging. » Fis-je en prenant une pomme et cette révélation laissa Ismaël bouche bée. Faut dire, je n'étais pas une sportive dans l'âme, j'avais de la chance de manger n'importe quoi sans prendre un gramme. « Sérieusement, il faudrait qu'on en parle... » « A ce soir! » Je l'entendais m'appeler en prenant la poudre d'escampette. Il pouvait toujours courir pour que je parle. Que dire? J'ai perdu un enfant et j'essayais de prendre sur moi pour affronter cette épreuve, je n'avais pas besoin qu'on me remémore ce qui s'était passé, je soufrais déjà assez.

Depuis une demi-heure j'avais pris une allure normale et je parcourais le parc de Lewis en écoutant de la musique. Il n'y avait pas à dire, se défouler faisait un bien fou. Je m'arrêtais par la suite devant une petite épicerie avant d'acheter une petite bouteille d'eau, puis je repartis, cette fois-ci en direction de la forêt, c'était rare que je me balade là-bas mais faire un footing à l'ombre parmi les arbres ne me ferait pas de mal, bien au contraire. Je courrais tranquillement avant de m'arrêter près d'un petit banc au milieu des arbres, reprenant mon souffle. Après tout j'avais peut-être été dur avec Ismaël. Il ne cherchait qu'à m'aider, mais il fallait qu'il comprenne: moins on parlerait, mieux ce serait même pour notre amitié. Je bus quelques gorgées en regardant les rayons de soleil qui perçaient le feuillage des arbres, réfléchissant comment dire à Ismaël qu'il fallait qu'il arrête de penser à cette épisode et qu'il comprenne que j'allais bien. Du moins, j'essayais de paraître bien puisqu'au fond de moi-même j'avais cette affreuse douleur. Je me sentais coupable d'un acte qui n'était qu'un accident. Mais comment ne pas se sentir coupable? En ressassant tout ça, je sentais mes larmes me monter aux yeux. Je respira un grand coup, il était hors de question que je pleure. Reprenant ma position initiale, je faillis m'étrangler avec mon eau, manquant de tout recracher en voyant un visage quelques mètres plus loin. Nooooon, ce n'était pas possible. Lui?! Ici?! Pourquoi?! Comment?! A croire que les ex s'étaient fait passer le mot! Dire que Ismaël m'en voulait de parler avec Zack, voilà qu'Emrys avait débarqué à son tour. « Keynes! »Fis-je en haussant la voix pour attirer son attention. Dire que je l'avais apprécier par le passé car il rendait mon meilleur ami heureux et à présent?! Je le détestais. En pensant ceci je remarquais que ce sentiment était le même que Ismaël ressentait. Il avait peur... peur pour moi, comme j'avais peur pour lui à présent. Quelle conne j'avais été. Pour me pardonner, je lui parlerais le soir même et lui ferait un bon diner comme on avait pas fait depuis longtemps. Pour le moment laissons le diner de côté. J'avançais à pas rapide vers ce petit enflure qui avait jeté Ismaël comme une chaussette. Emrys ne m faisait pas peur. « T'as osé te ramener de Londres?! Laisse Ismaël il a trop souffert de cette rupture! Reprends un avion et casse-toi! » Purée je parlais comme mon meilleur qui quelques jours auparavant avait dit à Zack de dégager. C'était donc ça le sentiment qu'Ismaël ressentait? Ça faisait mal.