Travailler n'était en rien l'une des priorités de la chère demoiselle BradFord. Autrefois mannequin à succès dans la grande ville de New York, elle avait tout abandonné en arrivant ici, consciente que sa petite fortune acquit à la sueur de son front lui suffirait à vivre bien convenablement au moins une paire d'années. Pourquoi donc s'abandonner dans une hypocrisie la plus totale, et rechercher vainement un job qui ne lui offrirait aucune autre satisfaction que celle de se juger supérieure ? Elle n'avait pas besoin de travailler pour ça. Aussi, elle flânait. Chaque jour, elle parcourait tranquillement la ville de Lewis, s'endormant petit à petit dans une torpeur qui s'emparait d'elle, et dans une lassitude bien trop étouffante. Peu importe, elle n'avait pour l'instant aucune envie de passer à autre chose. Oui, cette vie là lui convenait parfaitement, contrastant avec la dure foule médiatique qui traquaient autrefois le moindre de ses faits et gestes. Elle avait beau s'ennuyer littéralement chaque minutes passantes, elle pouvait au moins se dire libre. L'affranchissement, voilà enfin une notion qu'elle goûtait avec une délectation non feinte. Émancipation singulière d'une femme autrefois aliénée.

Les pas de June la menèrent au café. Elle n'aurait su donner d'interprétation à cette course folle, elle en fut toutefois bien heureuse lorsqu'elle reçu en plein visage la chaleur de l'antre. Bondée comme d'habitude, la pièce était néanmoins d'un calme reposant, d'une douceur et d'une beauté sans nom. En bref, c'était plus un lieu de tranquillité qu'un endroit où les alcooliques se rejoignaient pour boire du whisky, regardant un bon vieux match de foot. Loin des clichés, on pouvait y croiser des personnes de toutes tranches d'âge, oscillant entre jeunes adolescents sortant du collège / lycée, fonctionnaires en pleine fleur de l'âge, ou grands-parents venus ici pour siroter tranquillement un bon thé, dans la chaleur apaisante d'un tel lieu. June, quant à elle, ne mettait que rarement les pieds ici, préférant recevoir ou être reçue dans des endroits d'autres prestiges. Là, elle n'avait aucun souvenir, autre que son entrevue avec la belle Cassandra, ce qui n'était donc pas très reluisant ... Oui, elle même ne comprenait donc pas sa simple présence ici, pas plus que celle de ... Ah vraiment, Garett ? Un mince sourire s'empara de ses lèvres, alors qu'elle avançait vers le bar, s'accoudant bien volontairement à ses côtés, alors qu'il la saluait discrètement, sans doute plus par obligation de la courtoisie que réelle envie.

Garett était de ces hommes que la simple présence rendait insupportables. June, en tout cas, n'éprouvait rien d'autre pour lui qu'une rancœur inhumaine. Se fondant dans la masse des idiots croyant aux rumeurs imbéciles, il se montrait particulièrement injuste envers la demoiselle BradFord. Bien que leur grief n'ai jamais été véritablement exposés, l'un comme l'autre avait pleinement conscience de l'animosité qui régnait entre eux. Et pourtant, chacun se voyait obligé de saluer l'autre dès qu'ils se croisaient, comme pour raviver cette flamme de haine qui menaçait de s'éteindre entre eux. Un ennemi dans une petite ville aussi inintéressante que Lewis ne pouvait que leur offrir une distraction supplémentaire, ce sur quoi June ne risquait pas de cracher. Lancer des piques venimeuses à un homme aussi insupportable que Garett ne lui ferait sans doute aucun mal. La demoiselle commanda une simple bière, jetant un œil dédaigneux aux activités peu professionnelles de ce cher homme, que l'on ne pouvait taxer de jeune. N'avait-il pas d'autres plaisirs dans la vie que celui boire en regardant un match. Décidément, il n'était qu'un cliché de l'homme viril, celui-là même que June haïssait.

June - « Bonjour, Garett. » lui lança-t-elle avec le même détachement. Puis, alors que son regard accrochait celui de cet homme face à elle, elle reprit, d'un ton non dénué d'ironie. « Très occupé, à ce que je vois. »