Jax, c'est le genre d'homme qu'on aime ou qu'on aime pas. Parallèlement, il aime autant qu'il déteste et ne perd pas son temps à supporter. Il embrasse le blanc et écrase le noir sans jamais s'intéresser au gris. Doté d'une franchise vraiment dérangeante, il ne laisse jamais vraiment de place au doute. L'avantage, c'est que vous saurez toujours s'il vous apprécie ou pas. L'inconvénient, c'est qu'il ne se donne que rarement le temps d'apprendre à vous connaître et préfère de loin se fier à la première impression qu'il aura de la personne en face de lui. Honnêtement, je pense être l'exception dans tout ça. Mon frère, je l'aime sans l'aimer ; j'aimerais à la fois l'enlacer et l'écraser ; il ne m'a jamais balancé à la gueule ce qu'il pensait de moi. Jax, c'est mon frère et je l'idolâtre et le méprise depuis toujours. Lupin, son frère cadet.

Ce mec est un putain de coureur, je crois que tout le monde s'accordera là-dessus. Ce qui m'a attiré chez lui, son physique mis à part, c'est le mystère qu'il cultive sur son passé et même son présent. Je l'avoue sans honte, je ne sais presque rien de cet homme, si ce n'est que c'est un très bon coup ! Je me suis bien risquée à poser quelques questions, mais il m'a gentiment remis à ma place. C'est une qualité que j'apprécie beaucoup chez lui... Les coups d'un soir, il les enchaîne et pourtant... Il rappelle le lendemain ! Si c'est pas un homme un or ça ? Dommage qu'il soit si peu disposé à se caser. D'accord, je ne le connais pas, mais un homme qui n'oublie pas ses plans cul immédiatement après avoir tiré son coup, cela ne court pas les rues, il faut bien l'admettre. Ce garçon est un gentleman et, pour une fois, je ne regrette pas la goutte de trop qui provoqua cette nuit de folie. Blue, coup d'un soir.

Freeman (c'est ainsi sous ce nom que ses collègues le connaissent) est un homme que j'ai toujours beaucoup apprécié. On a longtemps bossé ensemble et j'ai rapidement appris à lui faire confiance. Il a pas un caractère facile. Il est impulsif, terre à terre, pessimiste, exigeant et sacrément borné. Il a bien failli tout plaquer à plusieurs reprises, mais sous ses airs de badboy, je crois qu'il a pas mal de principes qu'il essaie de respecter à la lettre. Il a toujours mené ses missions à terme et ça, peu d'agents peuvent s'en vanter. Après, je pense que sans ma présence, il aurait rapidement péter les plombs et tout fait foirer. Il aurait été capable de se faire sauter la cervelle sous la pression... Earl, collègue et ami.

Everett est un con. Un con qui m'a aimé, je crois. Pas moyen d'en être certaine... J'ai vécu ses sautes d'humeur et ses débordements d'affection. J'ai succombé à son franc parlé et son verbe facile. Il m'a séduite, comme beaucoup d'autres... La seule différence entre moi et toutes les minettes qu'il a mis dans son lit, c'est qu'il m'a épousé. Le beau parleur si prévenant auprès de la gent féminine a semblé vouloir se poser. Et c'est à moi qu'il a fait cet honneur. Enfin "honneur", je n'en suis plus très sûre. Personne, à part lui et moi, ne sait nos épousailles. Cela, je le comprends, mais je sais que c'est une erreur. Non, jamais je n'aurais dû m'attacher à cet homme. Charlize, la femme qu'il a épousé en secret.

Ma vie est un putain de film. Un film en deux parties. La première sera passionnante. La seconde sera mortelle. Je vous épargnerai les détails pitoyables de mon enfance. Entre une mère absente, un père brillant, mais légérement porté sur la bouteille et un frère détesté, ma jeunesse ressemble à celle du commun des mortels. D'ailleurs, je ressemble au commun des mortels... La grande différence c'est ce que j'ai fais de ma vie dès que j'en ai eu l'occasion, offrant un magnifique bras d'honneur au parcours tout tracé que mon paternel avait imaginé pour moi. La médecine, c'était son rêve et - généreux que je suis - je le lui ai très gracieusement laissé. Il ne l'a jamais compris, mais les projets professionnels qu'il me destinait n'étaient pas vraiment à la hauteur de mes ambitions. Loin de la vie bien rangée du petit médecin de famille dont la seule aspiration se résume à ramener de quoi bouffer à sa progéniture, loin des petits soucis psycho-somatiques de patients exigeants en quête de compassion, j'ai préféré voler plus haut et jouer dans le cour des grands. A quoi bon soigner le citoyen américain de base alors que le vrai problème se situe bien plus en profondeur ?

CA c'était ce à quoi ressemblaient mes convictions en sortant de trois années de fac. Maintenant, avec le recul, je dois bien avouer que c'est assez foireux comme raisonnement.

Finalement, intégrer le FBI est certainement la chose la plus audacieuse et la plus stupide que j'ai jamais faite. Ma putain d'ambition a détruit ma vie dans sa totalité. Comme agent, j'ai été brillant. Trop brillant en fait. J'ai trop bien fais les choses, paraît-il. Je me suis trop investi dans ma mission. Je me suis attaché à des pourris que je devais faire tomber. Moi qui me pensait plutôt détaché sur le plan émotionnel, je me suis bien planté. Et voilà où cette erreur m'a mené : me voilà à vingt-sept ans, après cinq ans de bons et loyaux services au sein du Bureau fédéral d'enquête, avec un contrat de 800 000$ sur la tête. Ceux que j'ai côtoyé pendant un peu plus de deux ans veulent ma peau et, si je ne disparais pas, ils l'auront. Ma mission, mon nom, mes amis, ma vie toute entière... Tout ça, je dois l'oublier. Ça, c'est ce qu'on vous dit pas quand vous intégrez l'académie du FBI. Ça, c'est ce que vous obtenez en échange d'un putain de chèque et d'une médaille. Plutôt cher payé, non ? Enfin, j'aurai au moins pu choisir mon nouveau nom...

C'est à cet instant précis que s'achève la première partie du film. Fini les mafioso, le trafic de drogue, les flingues, les règlements de compte entre Familles. Fini New-York, l'argent sale destinée à la blanchisserie, les rapports quotidiens que le bureau fédéral exigeait de ma personne. Tout ça, c'est terminé. Un entracte de quelques heures et je serai de nouveau sacré acteur principal d'un film interminable dont l'intérêt se trouvera tout à coup compromis. Tragique n'est-ce pas ? Et le pire dans tout ça... Je n'ai jamais été autant en danger que depuis que je ne combats plus le crime fédéral. Ce doit être ce qu'on appelle l'Ironie...

Une mafia italo-américaine sur les sentiers de la guerre, un métier que je déteste autant que j'affectionne et une femme dont personne ne connait l'existence. Voilà ce que je laisse derrière moi tandis que, ma valise à la main, je débarque dans le village perdu au fin fond du Texas que le FBI a choisi pour accueillir ma nouvelle vie. Village dans lequel je suis sensé rester jusqu'à ce que les négociations entre la mafia et le bureau fédéral arrivent à terme. Si toutefois cet instant arrive un jour...