J'ai souvent un caractère de merde. Je suis froide, distante et j'aime provoquer, ce qui m'a - par le passé - causé des altercations inutiles et que j'aurais très bien pu éviter. Mon caractère est dû au fait que je me sois rebellée à un très jeune âge, refusant de m'aligner à la vie qui allait m'être destinée par mes parents si je décidais de rien faire. Je répondais, j'envoyais paître, puis je me suis calmée quand j'ai rencontré Kyle. Cet enfoiré qui m'a pourri la vie pendant tellement longtemps que j'arrivais à peine à trouver le goût de vivre. Dans ce temps-là, je pensais au suicide, je me disais que ce serait plus simple d'en finir parce que je pouvais pas m'en sortir d'une autre manière, mais je me suis relevée et j'ai réussi à le faire enfermer. Pour toutes les saloperies qu'il m'avait faites, pour toutes les imbécilités qu'il faisait, pensant ne jamais se faire choper. J'me suis endurcie, et c'est là que je me suis dit que plus personne arriverait à me faire sentir inférieure. Mon sourire cache le mal-être profond que je ressens la plupart du temps et aussi les mauvais coups que j'ai fait ces dernières années avec ma moitié. Ayant été actrice porno, je mens particulièrement bien et sournoisement la plupart du temps. Ça fonctionne et je le vis bien. Certains pensent que je suis une garce, d'autres que je suis un ange tombé du ciel. Je ne contredis ni les uns, ni les autres. J'aime que les gens soient confus quant à l'opinion de moi, j'en joue et en profite souvent pour le tourner à mon avantage. Quoi qu'il en soit, je ne suis pas blanche comme neige, mais je me démerde pour mettre un quelconque sens dans ma vie, psychologiquement autant que physiquement.

Ce que je fais est loin d’être un travail de rêve, j’ai jamais vraiment voulu m’y diriger, mais ça rapporte et j’en ai absolument besoin pour mes études. Parce que oui, je me permets de vouloir une vie meilleure que celle qui m’a été offerte jusqu’à présent. Évidemment, personne n’est au courant, je garde ma vie privée extrêmement close à qui que ce soit. Je ne suis pas tellement en âge de faire ce que je veux, mais je considère que je le suis, comme ça je peux facilement me convaincre que c’est mieux que rien. La pornographie m’est devenue habituelle, parce que j’en fais et surtout parce que ça me plait plus ou moins. Dépendamment des films, des courts-métrages et des jours, tout va bien la plupart du temps. Mon manager a réussi à me décrocher un contrat qui va me permettre de me faire du blé facile, et y’a ce mec que j’ai rencontré y’a pas longtemps. Il a l’air sympa, les gens me disent de me méfier un peu parce qu’il a un tempérament, mais j’en ai rien à foutre. S’il arrive à mettre un peu d’action dans cette vie monotone qu’est la mienne, je dirais pas non. « Allez Esfir, c’est à toi ! » Je donne mon second prénom, parce que personne ne l’utilise généralement et que ça me fait garder les pieds sur terre. Irina, l’actrice porno, ça sonne trop faux et je refuse d’associer toute mon identité à cette phase. Je m’avance et me mets en scène. Le rôle de l’étudiante qui se fait déglinguer par son professeur, un classique… « Esfir, tu fais quoi après travail ? » Qu’il me demande, alors que je suis dehors entrain de savourer ma clope de pause. « Rien. » Je sais qu’il a envie de me demander de sortir, ça lui plairait que je dise oui, mais je vais jouer à la difficile et jouer à l’indifférente. Je vais lui montrer que je suis pas une fille facile à cause de ce que je fais. « J’dois retourner en dedans. » Que je dis, le laissant derrière. Kyle est marrant, canon, sexuel à souhait, tout ce qu’il me faudrait. Je sais pas s’il en vaut le risque… On m’a toujours dit que quand on fait ce genre de travail, c’est toujours mieux de pas avoir quelqu’un sur le côté, ça complique souvent les choses et même quand on prétend être capable d’accepter, c’est pas tellement le cas. « Vlad, je peux partir plus tôt ce soir ? » Je suis une cliente modèle, je lui taille des pipes de temps à autre quand je peux pas lui payer tout son dû et je reste sage. Il a jamais eu aucun problème à cause de moi, contrairement à beaucoup d’ex-clients. « Ouais, fais gaffe quand tu rentres hein. » Il doit toujours rester une ou deux heures de plus que moi, histoire que les retouches et les montages soient bien faits, que j’aie pas l’air incompétente et que je puisse avant tout garder ma source de revenus. Je suis émancipée et mon appartement ne va pas se payer tout seul. « Allez, avoue que t’as demandé de finir plus tôt pour que tu puisses venir me rejoindre. » Une autre clope pincée entre les lèvres, je l’allume, en prends quelques taffes et croise les bras sous ma poitrine. « Qu’est-ce qui te fait croire que t’es si intéressant que ça ? » Il me regarde d’un drôle d’air et me serre contre lui, afin de m’embrasser. La soirée s’est terminée chez lui, dans son lit, et la journée d’après chez moi. Les jours, les semaines, les mois se sont empilés et d’un coup, tout s’est effondré.

« Donne-moi ça ! » Qu’il gueule, alors que je tiens fermement l’objet tant désiré par ce connard contre moi. Je ne sais pas trop ce que c’est, je l’ai juste pris par pure curiosité dans le courrier. Je veux voir ce que c’est, parce qu’il me cache des tas de trucs depuis plusieurs mois et que j’en ai marre de me faire prendre pour une écervelée. Ma couleur de cheveux ne définit aucunement qui je suis, ça c’est sûr et s’il n’est pas foutu de comprendre ça, il ne mérite absolument rien venant de ma part. « Non ! Pour toutes les bassesses que tu me fais depuis des mois, j’ai le droit de savoir ! » Sans que j’aie le temps de réagir à quoi que ce soit, il me fout une sacrée baffe. Utilisant son dos de main cette fois-ci, il a décidé de changer de technique apparemment. Je me retrouve rapidement à m’accrocher sur le sofa, qui s’est mis en travers de la route pour me rattraper, clairement. Je me relève rapidement, tentant de trouver un objet à lui lancer, en ayant plus qu’assez de me faire frapper, insulter, rabaisser, humilier. Kyle est le plus grand fils de pute de la Terre, et je trouve dommage de ne pas m’en être rendue compte plus tôt, quand on venait de se rencontrer. Ça m’aurait évité bien des ennuis, des bleus, des cris, des larmes, des remords. Une assiette, ça devrait le faire, quoi que… Je la lui lance, il la reçoit en plein front et s’écroule sur le sol. J’essuie les larmes saillantes aux bords de mes yeux et m’encourage mentalement à faire appel aux autorités. Je veux le faire enfermer, pour toutes les saloperies qu’il m’a faites, pour toutes ses infidélités, pour les coups qu’il faisait aux gens en pensant s’en sortir. J’ai toutes les preuves possibles qui démontrent clairement que ce qu’il fait la plupart du temps est illégal. « Espèce d’enculé, c’était la dernière fois que tu posais les mains sur moi. » Il reste écroulé parterre, osant à peine me regarder. Il se tient le front avec ses deux mains, alors que je compose le 911. Dix longues minutes s’écroulent, dix minutes que j’aurais absolument voulu effacer et surtout ne pas vivre du tout, en fait. Ces dix minutes ont amplement suffit à Kyle pour se relever et faire de moi son punching bag… Je ne vois plus rien, j’ai mal au crâne et je pleure de douleur, allongée sur le sol de la chambre qu’on partageait ce soir pour la dernière putain de fois. Mes côtes brûlent, je me sens infiniment impuissante. Des gens défoncent la porte d’entrée. Deux ou trois hommes se ruent vers moi, je crois qu’ils tentent de voir si je suis toujours en vie. « Mademoiselle, vous nous entendez ? » J’hoche légèrement la tête, mais je sombre rapidement, sûrement dû au fait que mon cœur batte beaucoup trop rapidement…

C'est fou comme j'ai pu me sentir conne, après m'être réveillée dans ce fameux hôpital, quatre jours dans le coma à cause de ce qu'il m'avait fait. C'est vague, c'est flou, et je sais plus trop où je me trouvais quand ça s'est passé, tout ce que je sais, c'est que ça a brisé le peu de confiance qu'il me restait en les hommes. Ce fils de pute m'avait cassé quelques côtes, causé des fractures à la tête et cassé un de mes poignets. Quand je m'en suis sortie, je me suis promis de l'évincer définitivement de ma vie et de ne plus jamais, ô grand jamais, faire confiance à qui que ce soit, sous quelque circonstance que ce soit. « Tu devrais penser à faire tes bagages. » Bianca a raison, c'est ma dernière semaine en Russie et quand je serais partie de ce trou à rats, ce sera à genoux qu'on devra me supplier pour que j'y remette les pieds. « J'ai encore une semaine, donc ça va. » Elle veut que je parte, parce qu'elle croit qu'une vie meilleure m'attend autrepart. Être témoin de ma tumultueuse histoire avec Kyle, c'est en rester traumatisé jusqu'au point de non-retour. J'dois surtout faire les derniers arrangements avant de quitter, histoire que tout soit prêt pour moi quand j'arrive là-bas, en Amérique. J'en ai tellement marre de l'ambiance pourrie et de l'air fade de la Russie, c'est à croire que tout ici me blase et me pousse à aller voir ailleurs. C'est pas comme si j'avais prévu de passer le restant de mes jours ici, mais je peux sincèrement plus continuer comme ça. « J'espère que tu plairais là-bas. Tu m'enverras des cartes. » Ce que j'arrive sincèrement pas à comprendre, c'est pourquoi elle vient pas avec moi, mais bon, tant pis. Je peux pas non plus la forcer à quitter tout ce qu'elle connaît, et son anglais est beaucoup moins travaillé que le mien. Faut croire que les cours pris quand j'étais plus jeune m'auront servis. « Je vais travailler, on se voit plus tard. » Je m'empare de mon sac à main et m'enligne vers la porte d'entrée. Je sais très bien ce qu'elle pense, ça ressemble au fait que je ne devrais pas travailler parce que je sors à peine des soins intensifs, mais si je travaille pas, je reste ici, et si je reste ici, je pense à lui. Sur ma route, je croise des connaissances, je m'arrête pas, je suis pressée et j'ai aucune envie qu'on me demande où je suis passée durant la semaine. J'arrive enfin au travail, une vingtaine de minutes à l'avance, donc je dois m'occuper. Mon café à la main, j'suis assise dans l'espèce de bibliothèque de la place et je parcoure plusieurs dossiers. « Irina, t'es à l'avance. » Demian, le nouveau de quelques semaines. Toutes les tâches emmerdantes lui tombent dessus, du coup il doit venir en avance et faire ce que tout le monde veut qu'il fasse. Ça va encore être comme ça pendant quelques temps, je le sais parce que j'étais à sa place y'a quelques mois. Travailler ici, c'est devenir quelqu'un de grand, ce que j'ose espérer devenir un jour, mais pas dans cette firme, pas dans cet endroit. Je suis soulagée et à peu près heureuse de dégager bientôt. « J'relis mes dossiers, histoire de pas me retrouver à l'ouest. » Il se casse et je suis enfin en paix. J'passe plusieurs minutes là, sans réellement me rendre compte du temps qui passe, puis mon portable vibre et je me reprends. J'ai déjà assez de mal à me faire respecter, je travaille majoritairement avec des mecs et ils croient que parce que je suis toute mignonne, je peux rien faire du tout. Connards de merde. Je me suis arrangée pour bien cacher mes bleus avec mes vêtements et mon maquillage, comme ça c'est bon. Je me dirige vers les grands couloirs de l'édifice - que je connais à force, mais dans lesquels je me perds encore quelques fois - et j'entends des sont bizarres, venant d'une salle d'audience qui cache plusieurs éléments de dossiers différents. Un brun assis visionne la fameuse vidéo compromettante du cas qui inclut plusieurs producteurs de porno et qui mettrait en péril des tas de gens. Je me retiens d'éclater de rire devant le ridicule de la situation. Le brun m'est inconnu, même je dos. Je connais tout le monde, c'est pas lui qui va faire exception. « J'espère que vous savez que vous n'avez absolument aucun droit d'être ici. » Dis-je, en russe. Il se retourne et je remarque les traits de son visage. Américain, évidemment. « Vous avez moins d'une minute pour vous casser avant que j'appelle la sécurité. » Sans rien dire, il s'approche de moi et je fais un pas en arrière. La distance qu'il y allait y avoir entre nous m'aurait traumatisé plus qu'autre chose. « Une minute ? Vous êtes bien généreuse. » Généreuse ? Il se fout de ma gueule, sûrement. Je le regarde, perplexe, me disant que ce serait pas si pire si je le laissais aller, mais en même temps, je risquerais ma carrière, ce qui est très peu désirable, étant donné que j'ai que ça en ce moment. J'ai à peine le temps de réfléchir que Demian se présente dans la salle, le temps que je me retourne, l'inconnu est parti, me laissant une note qui m'indique de le rejoindre à un endroit que je connais bien demain à 20h00.

Un autre coup réussi, qu'est-ce que j'aime ressentir cette émotion exacte qui se rapproche excessivement de la satisfaction personnelle et du bonheur que je peux possiblement toucher du bout des doigts. Je croyais pas me retrouver dans cette situation, mais c'est le cas et je dois dire que je n'en regrette rien. Outre le fait que ce soit pas ce dont toute jeune fille normale rêve, je mène quand même la belle vie et ne me soucie pas des conséquences que ça aura sur les autres. C'est Adam qui m'a appris ça. Un bon escroc ne se soucie plus de ses anciens coups, sauf quand ils foirent et/ou deviennent un problème flagrant et fait en sorte d'avoir de mauvaises répercussions par la suite. Environ 6 mois qu'on est ensemble, dans le sens où je suis sensée lui faire confiance avec ma vie et que j'ai ces drôles de sentiments qui se développent trop vite à mon goût. J'ai peur à chaque seconde quand il s'approche de moi, peur qu'il s'énerve ou perde le contrôle. Après quatre ans de martyr, je suis incapable de dormir avec les deux yeux fermés et l'âme en paix. Je sais bien que je devrais lui donner plus de crédit, mais je fais des efforts et je considère que c'est déjà beaucoup. « À quoi tu penses ? » Dis-je, alors qu’il regarde dehors, un verre de vin rouge à la main. « À rien. » Il me prend par la taille et me rapproche de lui, m’embrassant d’abord dans le cou, puis sur les lèvres. Il a le don de me faire oublier tous mes soucis en me rappelant que mon passé est bien derrière moi et qu’il m’a ouvert l’esprit à une toute nouvelle facette de ma vie. Ses mains se glissent lentement sur mon corps, alors que je lève les bras et qu’il remonte ma camisole. Deux temps, trois mouvements, mon pantalon court rejoindre ma camisole sur le sol. Je lui réserve le même sort en prenant un malin plaisir à frôler son corps de mes doigts. Une main dans mes cheveux et l’autre sur ma taille, il me fait valser jusqu'au lit king size de notre chambre et je me surprends à frissonner violemment quand il passe lentement et avec précision ses lèvres partant du haut de ma poitrine au bas de mon ventre. Mes sous-vêtements – les seuls survivants – décident de se faire la malle, il gagne donc ce combat, mais la guerre n’est pas encore enclenchée, j’ai encore le temps de me reprendre. Je gémis comme une gamine quand il se perd entre mes jambes, moi qui pensais m’en sortir indemne. Il relève la tête, grand sourire aux lèvres, croyant avoir triomphé. C’est à mon tour, le dernier pauvre morceau de tissu qu’il portait s’évapore et je m’amuse à le provoquer, il perd le contrôle et j’aime ça. Quand j’en ai fini avec lui, il en est à se mordre la lèvre. Signe que j’ai remporté la manche. Son rôle de mâle dominant lui revient lentement, alors qu’il se fraie un chemin entre mes jambes et qu’il s’empare de mon corps, de sa poigne ferme. Je me laisse faire, parce qu’il n’y a pas d’autres options plausibles et qu’il s’y prend comme un maître. Je me perds dans tous les gémissements qu'il me cause à répétition et ses coups de bassin contre le mien me font complètement perdre le nord. J'en oublie mon nom, mon visage, tout le reste du monde autour. Je ne regrette en rien du tout le fait d'avoir accepté de le suivre partout où il irait. Adam est le pillier de cette relation éclatante, sordide et explosivement rebondissante. Les heures passent, les gémissements se font annihiler par des jouissements et quand le monde entier se remet en place, je reprends enfin une respiration à rythme normal et me colle à lui, dans un élan de stress. « Où est-ce que tu crois qu'on sera dans 5 ans ? » Que je lui dis, haletante. J'en sais rien, et je parie qu'il n'en sait rien non plus. « On aura le temps d'y penser d'ici là. » Peut-être pour ne pas dire 'si on est encore ensemble'. Je me vois mal détruire ce que j'ai pour aller voir ailleurs, sauf s'il se passait réellement quelque chose de grave et que ça briserait ce que je tente désespérément de rebâtir depuis quelques mois. Bref, un an plus tard, on se retrouve ici, à Lewis. On a vu bien des endroits et on a fait bien des choses, du coup une ville comme Lewis ne se manque pas. On verra bien comment ça tourne...