Je suis hermétique. Deviner mes sentiments profonds et ou mes intentions réfléchies n’est appréciable qu’à de rares élus. Seuls mes actes peuvent me trahir. J’ai ces tiques et ces manies typiques à ma jeunesse : des yeux brillants de malice pour chacun de mes coups fourrés, des lèvres pincées pour mon embarras, les poings serrés pour exprimer ma colère. Mais je n’exprime que rarement, très rarement ce que j’ai sur le cœur. En réalité, j’ai, pour ainsi dire, un goût prononcé pour le secret. C’est mon péché mignon. Le mystère est mon alliée pour me protéger des autres. Je me nourris de l’illusion de contrôler mon entourage en utilisant, sans scrupule, mon physique angélique pour demeurer aux yeux de tous, la petite fille modèle de mon enfance. Aujourd’hui, les choses sont pourtant bien différentes. Quiconque lira en moi comme dans un livre ouvert récoltera toute mon admiration car je suis sensible aux beaux compliments, aux mots doux, aux flatteries malignes…Bref, aux caresses de l’oreille pour redorer mon blason à mes yeux déçus par la médiocrité de certain.

Je suis émotionnellement fragile. Malgré l’épaisseur contestable de ma carapace, mes peurs les plus intenses et mes angoisses handicapantes encouragent mon inconscient à l’auto-destruction. Il se manifeste par les questions fondamentales de tout homme tel que : « Qui suis-je ? », « Ou vais-je ? ». Il me plonge dans le doute et le trouble. Et pour faire taire ces régulières remises en question, j’use ma santé dans la drogue. La roue tourne toujours. Un jour, je me brûlerai les ailes. Je sais. Sans doute suis-je un peu irresponsable. Encore un peu ado malgré mes vingt et un ans.

Passionnée, mes amours sont clairement fatigantes. Et je dis bien MES amours . Je suis une séductrice. Une vraie. Pour combler mon manque d’assurances, j’ai besoin de sentir que je plais. Aussi, celui qui tombe dans mes griffes s’expose à des jeux subtils de bourreaux à victime. Pour m’épanouir, j’ai besoin de posséder entièrement l’être convoité. Ma jalousie est donc exacerbée, entière et presque sadique pour combler la difficulté de vivre uniquement des amours entiers, sincères donc tourmentés et complexes. Pour me séduire, il faut oublier les stratégies habituelles. Pour espérer une chance de m’attirer dans un lit, il faut me surprendre, me lancer des défis à relever après avoir résolu les miens .Pour m’attirer mon attention, ne perdez pas votre temps en discours ou manœuvres éhontées. Je suis une femme-enfant loin d’être prude mais, quand j’offre mes charmes, je vous offre également l’assurance du partage. Je me montrerai alors naturellement douce et attention. En fait, je me révèlerai telle que je suis vraiment : Gentille et agréable. En conclusion, on peut très facilement trouver en moi une femme et une amie sûre, fidèle, loyale, dévouée, serviable et affable. Quand j’aime, jJ’aime voir les gens qui gravitent autour de moi baignés dans le bonheur.

« Cher Journal,

Cet après-midi, c’est l’anniversaire d’Anna Price. A l’école tout le monde en parle, tout le monde est pressé de rire aux farces de clowns, de sauter dans le trampoline, de nager dans sa piscine et mieux encore, de goûter aux fondants chocolats que sa mère prépare et aux autres bombecs et sucreries. Moi, je n’irai pas. Maman veut pas et je ne sais pas vraiment pourquoi. Elle dit que je ne peux pas rater un cours de danse mais qu’est ce qu’un cours ? Si c’était l’un de ses cours particuliers qu’elle paie une fortune, je pourrais comprendre mais un cours collectif ? Quel intérêt ? Les exercices à la barre, je les connais par cœur et je les répète, sous l’œil inquisiteur de ma mère, chaque soir après mes devoirs. Que représente donc cette leçon ?

Souvent, lorsque vient le soir et que je suis seule dans mon lit, je pleure. Je n’aime pas danser. Du moins, je n’aime plus. Je me souviens, il y a longtemps, je me rendais à l’académie le cœur battant d’excitation. J’adorais ça et, malgré la rigidité et la rigueur de cet art, j’étais toujours enthousiaste à l’idée d’enfiler maillot et demi-point. A présent, les choses sont bien différentes. La passion de ma mère me dévore et c’est la peur au ventre que je m’endors chaque soir. Mes entraînements sont intensifs. Je danse plus que je n’étudie et je suis lassée. J’en ai marre d’être un clone en chignon au milieu de cette ribambelle d’enfants réunis dans ce studio. Je ne veux plus être la ballerine d’une boîte à musique. Je n’ai plus envie d’être la marionnette de cette femme vivant ses propres rêves à travers moi. Elle tire les ficelles de ma vie et je n’en peux plus. J’approche les dix printemps et les plaisirs d’enfants me sont interdits. J’ignore le sel des chips, le goût de la viande, la saveur du chocolat ou l’acidité des bonbons.

Parfois, quand je suis à l’école, il m’arrive d’envisager le troc mais, quel enfant échangerait un Snicker contre un radis ? Un mars contre une carotte ? Un bounty contre une tomate ? D’autre fois encore, j’économise mon argent de poche pour offrir à mon palais, la douceur et le moelleux d’un gâteau ou d’une gaufre mais, je n’ose pas. L’ombre de l’impératrice plane sur moi et je culpabilise. Qu’arriverait-il si, le jour de la pesée, j’avais pris cinq cent grammes ? Me priverait-elle d’argent de poche ? Viendrait-elle me chercher pendant midi pour surveiller mon alimentation, me privant ainsi de ma maigre vie sociale ? C’est un risque que je ne souhaite pas courir, profitant pleinement du peu de liberté qu’elle m’accorde. Car je n’ai pas dit mon dernier mot.

Quoiqu’elle en dise ou qu’elle en pense. Je ne serai jamais un petit rat de l’opéra. Au mieux, je serai rat de palais de justice. Je serai avocate ou magistrate. J’ai toute la vie pour me rebeller et j’aspire à mes dix-huit ans. J’arrêterai la danse, quitterai mon foyer et plus jamais je ne me coucherai en craignant le lendemain. Plus jamais on ne se moquera de moi. Plus jamais je ne serai la risée de mes camarades car j’aurai raté, pour la troisième année consécutive, l’anniversaire d’Anna Price. »


« Cher Journal,

Je suis sur un nuage. Un nuage douillet et confortable d’où je découvre avec délectation, mes premiers émois amoureux. Cette fois j’en sûr, c’est le grand amour. XxX a tout du Prince Charmant. Ses cheveux sont blonds comme les blés, ses yeux bleus comme l’océan, sa bouche rose comme une glace à la fraise et ses lèvres sucrées comme les cerises. Il est tout bonnement parfait et à l’aube de mes quinze ans, il m’a embrassée. Je crois que j’en suis amoureuse. Lorsqu’il m’approche, mon cœur s’agite, mes genoux sont mous comme de la guimauve et dans mon ventre, s’envole des papillons. Je me sens tout drôle, toute chose. Je crois qu’il est l’homme de ma vie. Si tu savais comme je suis heureuse. Même les espoirs tyranniques de ma mère me sont plus doux et chaque cours de danse est un régal depuis ce jour où, pour me surprendre, il vint me chercher en lieu et place de mes parents. Je crois. Non, j’en suis sûr. Je l’aime.»


« Cher Journal,

Je hais ma vie d’adolescente. Je crois même que je me déteste. Mon frère est toujours le plus beau, le plus fort et le plus fabuleux des fils pour mes parents. C’est frustrant. Aujourd’hui, j’ai même cru que je serais capable de le détester jusqu’à la fin des temps. Il a beau me cajoler constamment. Le cocon dans lequel il m’enferme me rendait malade (et m’agacera toujours à mon avis). Toutefois, je dois admettre qu’à défaut de soigner mon chagrin d’avoir été si lâchement larguée par mon copain (Mon ex m’a envoyé un texto pour s’afficher, trois minutes plus tard, avec sa nouvelle conquête : Ma cousine) aura au minimum eu le mérite d’apaiser ma colère.
XxX, j’en suis véritablement amoureuse et le voir batifoler avec un membre de ma famille ne m’était pas supportable. Alors, j’ai séché les cours et j’ai fumé mon premier joint pour finalement rentrer chez moi. C’est la que Lloyd, attentif, remarqua la rougeur de mes pupilles. Je lui racontai donc toute ma mésaventure ainsi que ma dispute avec Trudy. Je lui hurlai à la figure que je la détestais, qu’elle n’était qu’une teigne qui n’avait d’autres buts dans la vie que me pourrir l’existence. Elle me poussa contre un casier juste pour m’effrayer car elle ne répliqua pas. Du moins, pas verbalement. Son sourire mauvais au coin des lèvres était une véritable insulte....Bref. Je n’avais jamais vu mon frère aussi en colère. Jamais. Il prit sa voiture et s’éclipsa plus de deux heures durant lesquelles je pleurai tout mon saoul. »


« Cher journal,

Mon frère, toujours si gentil avec moi, vient de rentrer de son escapade avec une boîte pleine de chocolat et un œil au beurre noir. Il a refusé de me donner les détails mais je me doute de ce qui a bien pu se passer ce soir. C’est vrai. J’aurais volontiers posé plus de questions. J’aurais voulu en apprendre plus mais, Lloyd ne m’en laissa pas le temps.
« Ca va mieux ? » m’a-t-il demandé tandis que je me contente d’hocher la tête. « Tu sais, l’amour ça fait souvent mal. » Je n’ajoutai rien. Il avait tellement raison. « Je...enfin, j’aimerais te parler de quelque chose d’important. Je ne sais pas exactement ce qu’il s’est passé entre toi et XxX mais j’ose espérer que vous n’êtes pas allé jusqu’au bout. Je serais déçu tu sais. C’est le roi des connards ce mec. »
Je me souviens parfaitement l’avoir dévisagé avec des yeux ronds. Des yeux où se mêla très vite de la colère. Ma vie sexuelle ne le regardait absolument pas, j’avais envie de lui hurler au visage mais, je me retins. Je ne pouvais prendre le risque qu’il apprenne que je n’ai rien de cette image qu’il a de moi. Cette d’une fille si pure et si innocente qu’elle ne connait la couleur de l’herbe, le goût de l’alcool et le plaisir du sexe. J’ai donc réprimé mes envies de crier au scandale pour lui mentir. Lui mentir en prétendant que je suis toujours une jeune vierge. Bien sûr, j’ai honte. J’ai honte mais, j’ai tellement peur de le décevoir. Je ne le supporterais pas. Le mépris de ma mère quand j’arrêtai la danse me suffit largement. »


Cher Journal,

C’est fou comme te relire peut réveiller en moi des sentiments divers. Tantôt agréable et tantôt dérangeant, je songe sérieusement à te jeter ou pire, à te jeter dans le lac. Au moins, la, je suis sûre de ne jamais venir te rechercher même si j’en avais envie. Tout ces récits sont la preuve de ma fragilité. Quiconque te trouverait pourrait me détruire en deux mots: Mensonges et débauches. C’est désolant. Désolant et effrayant. Et le plus désolant, c’est que je suis incapable de me séparer de toi. Te faire disparaître serait comme tirer un trait sur mon passé et sur ce que je suis. Cela me ferait presque le même effet que renoncer à Edwin, comme le voudrait mon frère. Impossible. Au moins, devrais-je songer à te trouver une autre cachette. Sous le matelas, c’est narguer le sort tu te trouves pas ?

Enfin, ne te vexe pas, mais je regrette de vous avoir feuilleté, toi et tes jeunes. Cela ne me donne qu’une envie : Me rouler un joint, sortir toute la nuit, me bourrer la gueule, me trouver de quoi agrémenter ma soirée et rendre visite à mon Edwin pour le faire enfin succombé. Car tu vois, revivre mon premier baiser, ma première fois et tous mes chagrins d’amour à travers tes pages, ranime ma frustration. Parce que j’en ai marre. J’en ai marre qu’il me repousse toujours, marre qu’il me voit à peine, marre d’user de mes sourires les plus charmeurs pour n’accuser que des refus. A partir de maintenant, c’est terminé. Il est temps de passer à la vitesse supérieure. Je ne sais pas encore comment m’y prendre mais, je l’aurais. Ce n’est pas qu’un espoir, c’est une promesse. »