Blue, elle vient d'un tout autre univers. Alors que le monde déprime, que tout semble aller pour le pire, elle, elle garde le sourire. La fin du monde arriverait un bon matin et elle continuerais de garder ce sourire. C'est comme si elle était né du soleil, comme si rien ne pouvait l'atteindre. Certes, elle a ses défauts, mais ils sont si futiles, si peu importants. Elle est impulsive, plus que quiconque et lorsqu'elle se met à hurler et à faire des mimiques dans tous les sens, j'ai l'impression d'avoir face à moi le feu, aussi étrange que ça peut sembler. Sinon, elle ronfle. D'accord, c'est un truc que je devrais pas dire, que je devrais garder pour moi, mais voilà, c'était plus fort. J'ai dormis quelque fois avec elle et j'avais l'impression d'avoir avec moi, un tracteur, n'empêche que c'est mignon, plus que tout. J'ai peine à trouver ses défauts, à dire des trucs négatifs sur elle et j'ai beau chercher, je ne trouve pas. Elle est si généreuse, si douce, si sincère et même s'il lui arrive parfois d'user de ses charmes pour arriver à ses fins, je suis incapable de la détester. Je suis incapable de haïr le moindre cheveux de ce drôle de spécimen qu'est Blueberry. - Son meilleur ami.

Sensible, naïve, rancunière, amicale, manipulatrice, joueuse, fêtarde, romantique, impatiente, possessive, maladroite, susceptible, peste, extravertie, lunatique, tête en l'air, polie, excentrique, pourrie gâtée, têtue, curieuse, très bavarde, dépensière, pétillante, à l'écoute, flemmarde, colérique, émotive, autoritaire, généreuse, pessimiste, ambitieuse, manipulatrice, rusée, impulsive.

On ne se console pas de ses chagrins, on s'en distrait.
« C'est pas vrai, c'est elle qui a commencé ! » Hurlais-je avant de tirer avec violence la longue chevelure de ma sœur, ce qui m'arracha un énorme cris de guerre par le même fait. Se tenant face à nous, notre mère ne pu s'empêcher de pousser un profond soupire avant de se laisser tomber contre le canapé. Elle semblait si faible, si fatiguée, voir même dépourvue de vie et cette vue de mon héroïne qui s'offrait à moi me déclencha d'horribles frissons au bas du dos. Elle, qui autrefois, respirait la joie de vivre, l'amour et le soleil me faisait désormais penser à un zombie, un mort vivant étant incapable de mettre un pied devant l'autre sans s'affaler sur le sol. Doucement, je relâchai la crinière de ma sœur qui me lança un regard noir avant de détourner la tête face à elle, le regard changeant. Elle aussi voyait bien que son état se dégénérait, elle n'était pas stupide et comprenait tout autant qu'un truc clochait. Seulement, nous étions deux gamines, l’insouciance pure et dans notre petite tête de fillette, elle allait s'en sortir. Ce n'était qu'un truc passager et elle allait continuer à nous raconter des histoires, encore et toujours. Si seulement. « J'en ai mare, je vais dormir. » Son ton froid et glacial me frappa comme un paquet de couteaux, pire encore, comme la mort elle-même. Depuis que j'étais toute petite, elle avait toujours été la douceur incarné. Jamais elle n’élevait la voix, elle avait toujours eu cette manière d'être, qui rendait tout le monde autour, calme et serein. Puis voilà, un bon soir, elle devenait la méchante, ou du moins, c'est ce qu'elle m'inspirait à cette époque, ce soir-là. « Je me barre aussi. » Tournant la tête vers ma droite, je vis Siloë se lever brusquement, ne m'adressant pas le moindre regard, avant de disparaitre dans les escaliers menant à notre chambre. Je me retrouvais seule, à nouveau, luttant contre le mal, luttant contre la douleur. J'aimais ma fille, plus que tout et pourtant, j'avais cette impression qu'un truc clochait, j'avais ce sentiment que je ne savais pas tout, qu'on me cachait un truc. Certes, je n'avais que dix ans, mais je n'étais pas sotte, ô non, je n'étais pas une idiote.

« Siloë ? » Je poussai doucement la porte, sachant très bien ce qui allait me tomber sur le nez, mais peu importait. J'avais besoin de lui parler, j'avais besoin de comprendre. « Tu veux quoi gamine ? » Et voilà. Ma frangine releva la tête de son ordinateur avant de soupirer, comme elle avait l'habitude de faire chaque fois qu'elle me voyait. « C'est à propos de maman. » Je venais de dire les mots qu'il fallait, ou non, mais son corps se raidit et brusquement elle se leva et me tira brusquement le bras avant de refermer avec tout autant de violence la porte. « Quoi maman ? » Elle murmurait désormais, comme si elle s'apprêtait à entendre ou à dire un gros secret, le genre qui valait la peine de mort si quelqu'un venait à l'entendre. « Blue ? » Cette fois, son regard s'était attendrit et elle semblait inquiète, plus qu'autre chose. « Je sais qu'elle a quelque chose. Idris, dis-moi ce qui ne va pas avec maman, je t'en supplie. » Je sentais les larmes monter, j'en avais plus que mare d'être celle à qui on ne disait jamais rien, je ne voulais plus être celle qui restait dans le secret, qui ne savait rien et qui apprenait tout à la dernière minute. Je n'étais plus une enfant, plus désormais. « Elle est malade. » Siloë marqua une pause avant de s'assoir sur son lit, le regard triste comme jamais je ne l'avais vu auparavant. « Siloë .. ? » « Elle est hyper malade Muse. Les médecins disent qu'elle à un cancer, quelque chose dans ce genre. J'étais pas supposé te le dire .. C'était .. C'est papa, il .. il aurait aimé te le dire lui-même. » Passant une main dans ses cheveux, elle soupira. « Il était pas capable tu vois ? Il arrivait pas à te dire ça parce que t'es son petit ange et parce que t'es celle qui est le plus proche de maman. Il voulait pas te détruire. » Je n'avais que neuf, neuf ans et mon monde venait de s'effondrer, partout tout autour de moi. « Muse. » Elle murmura à nouveau avant de me tirer contre elle. À première vue, l'entente que j'avais avec Siloë était des plus mauvaises et pourtant, elle était tout pour moi. Elle était la seule qui arrivait à me comprendre, la seule qui était présente lorsque tout semblait mal aller dans ma petite vie et encore une fois, elle était la seule qui arrivait à apaiser le mal. « Elle va s'en sortir ? » Je ne pouvais plus les contrôler et doucement, tout doucement, les larmes coulaient le long de mes joues. Évidemment, aucuns sons ne sortaient de sa bouche et je compris à cet instant.


Puisqu'on est jeunes et cons, puisqu'ils sont vieux et fous.
« Tu me raconte encore l'histoire de ta rencontre avec papa ? » La tête enfoui dans son coup, je profitais pleinement du moment qui s'offrait à moi. Je savais qu'il s'agissait de l'un des derniers, je savais que je la serrais contre moi pour l'une des dernières fois et je ne voulais plus partir, je ne voulais plus la laisser, la quitter jusqu'à la toute fin. Dans un soupire, un sourire faible accroché aux lèvres, elle posa doucement ses lèvres contre mon front. « Tu adores cette histoires. » Elle se racla la gorge et tout en passant une main dans mes cheveux, débuta. « Je devais avoir environ l'âge de ton frère et ton père, celle de ta sœur. » Elle marqua une pause et je ne pu m'empêcher de sourire. Elle avait raison, cette histoire était ma favorite de tous. Elle était simple et pas des plus romantiques et pourtant, c'était de loin la plus belle qu'il m'avait été donné d'entendre. « J'ai besoin de dormir chérie. » Je relevai brusquement la tête vers elle et derechef, les larmes montèrent. Elle faisait peine à voir, elle était faible, le teint blafard et d'horribles cernes sous les yeux. « Je vais aller voir papa à la cafétéria alors. » Je descendis avec difficulté du lit et quitta la pièce, sans pour autant éviter une dernière son regard. « Je t'aime. » Murmurais-je tout en refermant doucement la porte. La cafétéria se trouvait non-loin et après avoir passé quelques couloirs et un escalier, j'arrivai finalement, trouver ma sœur et mon père, les deux assis devant un café, le regard vide d'expressions. Ils étaient morts, complètement vidés d'énergie et je ne pouvais que les comprendre, même si je ne me sentais pas ainsi. « Elle allait comment maman ? » Ma sœur me lança un de ses regards froids, voir même hautains, comme elle avait souvent habitude de faire, inconsciemment. « Elle avait besoin de dormir, mais je crois qu'elle va mieux. Vous savez, j'ai cru voir que son état s'était amélioré même. » J'étais si naïve. Je pris place à coté de mon père et attrapa la tasse de chocolat chaud qu'il m'avait prit, un sourire rassuré aux lèvres. Elle était forte, elle pouvait s'en sortir, comme elle avait réussi à se sortir de tout. Si seulement. À peine eus-je pris deux gorgés, que je vis le médecin qui se chargeait d'elle traverser la pièce à toutes jambes. Vous savez, il est parfois possible d'arriver sur le visage des gens, de comprendre tout en seul regard ? Et bien voilà. Un regard, un seul regard et j'avais tout compris. Elle avait lâché prise, elle n'était plus d'ici, c'était tout simplement la fin.

L'endroit était morbide, empestait la mort à des milles à l'heure et je n'avais qu'une seule envie, disparaitre, loin, loin de tout. « Blueberry ? » Dans un sursaut, je levai la tête et ne pu m'empêcher de soupirer. Je ne voulais rien avoir à faire avec elle, je ne voulais même plus lui voir l'air. « Tu veux quoi ? » « Papa voulait savoir si tu allais bien. Il s'inquiétait tu sais ! » Sans même s'inviter, elle prit place à mes cotés et passa un bras autour de moi. « Je suis désolé. » Elle tourna le regard vers moi, un sourire triste au visage. « J'ai été une garce avec toi. J'ai été méchante dernièrement, sans doute le stress, la douleur et je sais que rien ne peut me pardonner cette façon d'agir, mais je suis désolée ma chérie. Tu sais que je t'aime plus que tout, t'es ma petite sœur adorée, ne l'oublie pas. » Cette remarque m'arracha un doux sourire et doucement, je laissai tomber ma tête contre son épaule. J'aimais Siloë, comme une meilleure amie, comme une deuxième mère en quelque sorte. Certes elle m'énervait, elle était chiante et pourtant, moi non plus je ne pouvais pas voir ma vie sans elle. Sans ses remarques à la con. Un long silence s'installa et pourtant, ce n'était pas le genre de silence intimidant, gênant ou quoi que ce soit. Rien de tout ça, un silence des plus normaux, tout simplement. « Je pars. » Je relevai la tête, n'étant pas certaine d'avoir bien compris, ou plutôt, ne voulant pas comprendre. « Quoi ? » « Je m'en vais, loin. J'ai reçu une bourse dans une université de Georgie et je vais accepter. J'ai besoin de prendre de l'air, de changer un peu ma vie. Tu peux pas vraiment comprendre Blue, mais j'en ai besoin. » Je savais désormais pourquoi elle avait été aussi gentille, pourquoi elle m'avait serré dans ses bras sans ne rien dire. Elle était hypocrite, une foutue hypocrite. « Ouais, barres-toi. Fais la même chose que maman ! » Lui crachais-je au visage. Elles partaient tous, elle me laissait tous ici, seule contre le monde.