Une étrange impression d'être... Chez elle. Sarah regardait la rue de la ville où elle se trouvait et se surprit à sourire bêtement, sentant la joie et la bonne humeur envahir chaque parcelle de son corps. Au revoir le stress de l'avion, l'appréhension du moment où elle poserait le pied sur le sol américain pour le seconde fois. Elle comprit alors à ce moment là u'elle était détaché de sa vieille France. Du moins, pour le moment. Comment pouvait-on s'attacher à une ville en même pas une année complète, et lâcher un pays qu'on connait depuis toujours? Même elle, elle ne saurait vous le dire... Sarah marcha sur le trottoir usé du quartier, faisant un boucan pas possible avec sa petite valise à roulettes. Enfin... Petite pour une fille, car la valise était tout de même assez conséquente. Elle arriva à l'immeuble d'Elias. Bourré de charme, la jeune femme adorait cet endroit. C'était assez ancien, des années 70 environs, et ça donnait un air puritain à la ville. Mais juste l'air. Le petit portail était fermé à clef, alors elle a sonné la gardienne pour qu'elle vienne lui ouvrir. Si elle le voulait bien. Mais avec un peu de chance, ça serait la même que l'année dernière. Et la jeune femme, attendant sous la chaleur de la journée, tourna la tête pour regarder le reste de la rue. La gardienne arriva, affichant un grand sourire en voyant la petite française. Mais Sarah fût légèrement troublé par cette impression de l'avoir vu. Noah, ici... Tout bonnement pas possible. Elle a du confondre avec quelqu'un d'autre. Un passant, qui lui ressemble certainement...

« Mais c'est la petite Frenchyy ! Bonjour Sarah ! Comment ca vaa??* »
« Bonjour madame, ça va et vous? »

Répondit-elle avec un sourire amusé par son accent français très américanisé. La gardienne la laissa entrer, et lui proposa même son aide pour monter sa valise... Pas d'escalier. Déprimant. Mais bon, elle avait l'habitude, à Paris, rares étaient les immeubles avec ascenseur. La jeune femme hissa la valise tout en discutant avec la gardienne, et quand elle arriva sur le palier de son ami, un grand soupir de soulagement sortit de sa bouche. Elle remercia la gardienne de l'immeuble qui redescendit, et la petite française toqua à la porte d'Elias... ... Personne. Du moins, pas de réponse. Une mine dégoutée, la jeune femme s'appuya contre le mur et se laissa glisser, ses genoux touchant son menton. Fallait s'y attendre. Milieu d'après-midi, il devait avoir autre chose à faire qu'être chez lui... Il lui restait plus qu'à attendre, et pour tuer son ennui, la jeune fille commença à chantonner doucement des chansons populaires françaises, tout en s'amusant à compter au bout de combien de seconde la lumière du couloir s'éteignait...

Une semaine auparavant, Elias terminait sa semaine d'examens et clôturait par la même sa dernière année d'études. Il n'y avait là aucun sentiment de soulagement ou de satisfaction. Curieusement, Elias ressemblait plus à un monstre d'indifférence plutôt qu'à un étudiant surexcité à l'idée d'en avoir fini avec l'université. Certes, il avait fêté la fin de ce chapitre comme les autres, consommant plus que de raison et finissant par deux fois dans le lit de charmantes inconnues. Tout cela pour ne ressentir qu'une certaine frustration. Celle de ne toujours pas savoir de quoi serait fait son futur. Elias baignait dans l'océan de l'ignorance avec aucune bouée à laquelle s'attacher.
Depuis, ses journées ne semblaient n'avoir aucun but sinon échapper à l'éventualité d'apercevoir, de près ou de loin, Maël. Ou pire encore, June. Il ne se sentait tout bonnement pas capable de se mesurer à eux une énième fois. Sa patience semblait avoir atteint ses limites, le laissant à la frontière entre indifférence et revanche. Une frontière si mince qu'elle serait franchie tôt ou tard.
Seule la date d'arrivée de Sarah semblait exercer un effet bénéfique sur le jeune homme, lui permettant enfin de sortir la tête de l'eau. Il aurait donné cher pour qu'elle lui propose de la rejoindre à Paris, lui permettant enfin d'échapper à cet enfer Texan. Ce n'était pas le cas, mais cela n'enlevait rien au plaisir qu'il éprouvait à l'idée de la retrouver. Chose qu'il n'avait jamais envisagé depuis son départ un an plus tôt sinon au travers de quelques scénarios fantaisistes. Elias s'était convaincu que le désir de rentrer exprimé par Sarah n'était qu'un moyen efficace de garder le contact, une sorte de fil conducteur fidèle à tous leurs échanges.

A journée ordinaire, actes ordinaires. Tôt le matin, le réveil sur le rebord de la fenêtre s'était enclenché pour signaler le début d'une nouvelle journée. Avec pas plus que quelques trois heures de sommeil au compteur, Elias se leva péniblement et marcha maladroitement vers le réveil afin de l'éteindre d'un geste de la main insistant. C'était ses quelques heures à la librairie Galaway qui lui donnaient une raison de se lever et il aurait facilement tout plaqué si l'argent n'était pas si important. Le pas léger, Elias arriva à la librairie avec un peu moins d'une heure de retard. Un retard sans conséquence puisqu'il était censé ouvrir la boutique. Seule une personne pressée de découvrir le dernier tome d'une série de quatre lui fit la remarque.
C'était une journée comme une autre, monotone et ennuyante à souhait. Un ennui rentable cependant.

Son horaire terminée, Elias erra dans les rues du centre-ville telle une âme en peine, sous une chaleur écrasante. Le milieu d'après-midi approchant et la faim commençant par se faire sentir, il prit à emporter quelques plats chinois dont il était certain de ne pas manger la moitié et emprunta un chemin ombragé pour rentrer chez lui.

L'avantage d'une gardienne d'immeuble est que vous pouvez savoir certaines choses à l'avance. Elias venait de se faire dire qu'une charmante jeune femme l'attendait. Persuadé qu'il s'agissait de June, il hésita un moment avant de poursuivre son chemin mais devant le regard interrogateur et presque désapprobateur de la gardienne, Elias poursuivit à contre coeur. Etablissant un stratagème avant de se défaire d'une présence loin d'être souhaitée et à la fois souhaitée, Elias bouclait celui-ci lorsqu'il eu la surprise d'apercevoir Sarah devant sa porte.
Un sourire depuis longtemps mis au placard vint illuminer son visage, effaçant alors la peine que certains pouvaient y lire. Il aurait du s'en douter. Sarah était une fille surprenante. Pas étonnant qu'elle ait choisit de se jouer de lui en indiquant une fausse date de retour. Il s'était arrêté au milieu du couloir, l'observant avec malice alors qu'elle n'avait pas encore remarqué sa présence. En prime, elle lui laissait le soin d'apprécier ses talents musicaux insoupçonnés. Quelques secondes ou quelques minutes, Elias n'aurait su dire avec exactitude depuis quand il l'observait. Puis, avec entrain, il se lança vers elle avec une fausse pointe de reproche dans la voix.

__ " Dire que je voulais te préparer une fête surprise pour ton retour ! Tu ne pourras t'en prendre qu'à toi-même ma chère ! "

A présent devant elle, Elias eut tôt fait d'abandonner son sachet de nourriture au sol et de prendre son amie dans ses bras sitôt qu'elle fut perchée sur ses deux pieds. Une étreinte longue et agréable. Sarah était la bouffée d'oxygène qu'il espérait depuis un moment maintenant.
Attrapant la valise de la demoiselle, Elias ouvrit la porte non fermée à clé d'un petit coup de pied et avec un sourire moqueur. Visiblement, Sarah n'avait pas testé la poignet et il comptait bien la taquiner à ce sujet.

__ " Tu m'as attendu longtemps ?! "

Sarah était une fille tellement droite, tellement stricte avec elle-même qu’on avait parfois du mal à la suivre. Dans un sens, il fallait que tout soit ordonné, dans ses cours, dans sa vie, qu’elle puisse tout contrôler, mais dans un autre, elle était très bordélique –ouvrez sa valise et vous comprendrez- et elle aimait réserver surprise et compagnie à ses amis. Elle détestait l’inconnu, mais elle aimait le faire subir aux autres. Parfois à ses dépends. Et c’est pour ça qu’elle se retrouva le cul assis sur le sol, avec sa valise qui trônait au milieu du couloir. Pendant un moment, elle hésita à toquer chez le papi qui habitait au bout du couloir, mais la peur de mourir sous l’odeur de la naphtaline et qu’il la séquestre à vie pour finir de lui raconter son histoire de la vie la rebuta. Finalement, le couloir, ce n’était pas plus mal. Elle ne savait pas ce que les prochains jours lui réservaient. L’avenir l’effrayait. Après tout, elle venait comme ça, du jour au lendemain, sans être sûre d’avoir son diplôme, sans avoir de travail, rien. Tout ce qu’elle avait, c’est en entretien pour un stage, rien de plus. Heureusement qu’elle avait réussi à mettre un peu d’argent de côté par les jobs d’été et par l’aide de papa/maman.
La jeune femme avait longuement hésité à revenir. Elle n’était venue qu’un an, elle s’était fait quelques amis, oui, mais qui voudrait réellement la revoir ? Elias, elle espérait. Les nombreux mails échangés lui faisait croire qu’il voulait la revoir, réellement, mais c’était tellement compliqué… Et elle avait fini par se lancer. Parce qu’elle voulait le revoir. Se certifier que pendant un an, elle ne l’avait pas idéalisé mais qu’il était bien celui de ses pensées. Mais aussi, elle voulait revenir sur ce regret d’être parti dans le silence. Murée dans la peur de lui avouer qu’elle ressentait quelque chose pour lui, enviant June qui sortait avec lui, elle était partie, avec le poids de ses sentiments sur le cœur. A l’heure d’aujourd’hui, elle ne pouvait pas s’avancer sur ce qu’elle ressentait. Un an sans le voir, à continuer chacun sa vie, c’était tellement compliqué…
Chantonnant toujours dans son couloir, elle regardait ses mails sur son smartphone, puis elle alla faire un tour sur son facebook, regarder les dernières nouvelles de ses amis français. Elle avait essayé de les convertir à twitter, en vain. Puis elle rangea le téléphone, voyant rien d’intéressant à faire et c’est alors qu’une voix se fit entendre dans le couloir, résonnant dans le petit endroit sombre. Elle sursauta, se redressa avec un grand sourire tout en répondant :

« Ce n’est pas plus mal ! Je n’aime pas les surprises… », elle afficha un sourire en coin avant de répondre à son étreinte. Elle passa ses bras autour de lui, posant son front sur son épaule. Oui, il lui avait manqué. Elle avait souvent imaginé leurs retrouvailles, mais elle n’avait pas réussi à imaginer la sensation de l’avoir de nouveau près d’elle. Et bien c’était bien mieux qu’elle l’espérait ! En voyant qu’il ouvrait la porte, la petite française afficha une moue dégoutée avant de rire avec légèreté : « J’ai l’air complètement stupide là… Hm. Non, à peine une demi-heure, heureusement que je suis patiente comme fille… »

Dit-elle avec un petit sourire. Elle entra dans l’appartement, le remerciant de porter sa valise pas si légère, et constata que pas grand-chose n’avait bougé depuis un an. Quelques éléments en moins, d’autres ajouté, mais rien de bien spécial… L’appartement comme dans ses souvenirs ! Avec la grande table où ils avaient passé des heures à réviser pour les partiels tout en mangeant des pizzas…

« Tu laisses ta porte ouverte… Et tu ne t’es pas imaginé qu’il pouvait y avoir des cinglés qui rentrent chez toi ? Genre des gens plus intelligents que moi, qui essaieraient d’appuyer sur la poignée ? », parce que pour le coup, Sarah n’avait pas été très futée, à rester à la porte alors que c’était ouvert… Mais par respect, elle ne serait pas rentrer chez lui sans qu’il soit là. Elle se tourna vers lui, un sourire accroché aux lèvres avant de dire : « Alors Elias… Comment ça va ? Les mails c’est bien, mais bon… », sous-entendu, les détails, ce n’est pas trop ça. Et puis ils avaient du temps à tuer, et elle était là, autant en profiter non ? « Et en plus que tu me narres ta vie, tu peux même m’offrir quelque chose à boire ! »

Ajouta-t-elle avec un sourire amusé avant de s’installer sur le bout du canapé, les mains posés sur ses jambes tout en le regardant bouger. Welcome miss Frenchy…

Parfois, la jeune femme se disait qu’elle n’aurait jamais du repartir. Cette coupure d’un an l’avait démoralisé, elle avait passé une année en France à se morfondre et à tomber dans les bras des hommes pas intéressant, au point qu’elle ne se livrait jamais à eux. Non, une année de gâché, à étudier, à sortir dans des soirées sans intérêt Le seul bon point fut de se rendre compte que la France, ce n’était pas pour elle. Elle avait envie de voyage, de découvrir, de vivre ailleurs que dans son pays de naissance. Et elle a put dire au revoir à ses amis français, assisté au mariage de sa meilleure amie… C’était les seuls points positifs de son retour en France. Elle avait quitté les Etats-Unis avec une pointe au cœur, comme si c’était la fin d’un chapitre. Et Elias. C’était tellement bizarre de devoir dire au revoir aux gens qu’on adore. Même s’il avait June, la jeune femme n’avait pas réussi à se détacher pendant les mois où il était avec elle. Et à l’heure d’aujourd’hui, elle ne savait même pas où ils en étaient. Mais bon, elle avait tellement peur de la réponse qu’elle hésitait à le demander. Parce qu’elle avait peur de souffrir. Et quand on écrit un mail, il y a à la fois tellement de choses à dire, et tellement peu à demander pour ne pas paraitre indiscret ou même chiant à lire et à répondre. Alors elle était restée sur l’idée qu’ils étaient encore ensemble, sinon, il lui aurait certainement annoncé dans les mails. La petite française lui tira la langue quand il la « traita » de rabat-joie puis elle fit une moue avant de dire :

« Pas du tout… Je suis plutôt du genre chiante. », elle esquissa un petit sourire tout en le regardant. Chiante, ça, on ne pouvait pas le nier… Sarah ne put s’empêcher de rire légèrement en entendant la suite, suite à son court silence qui voulait tout dire. Elle secoua légèrement la tête avec un air amusé avant de rétorquer : « Ouais ouais. J’aurais tenu compagnie à ton voisin du dessous sinon… », dit-elle avec un sourire en coin, d’un air un peu provoquant et amusé avant de continuer : « Oui, je pense… Elle a toujours été un peu commère ta gardienne ! Je crois que c’est le stéréotype à l’embauche : savoir tout ce qui se passe. »

Et ça, ce n’était pas qu’aux U.S.A, parce que dans mon immeuble en France, la gardienne était aussi une véritable femme de commérage, digne des grands inspecteurs de police. Elle savait tout sur tout, la moindre dispute de couple, le moindre bruit dérangeant, tout. Mais bon, Sarah aimait beaucoup la gardienne Elias. Plusieurs fois, elle lui avait confié les clefs de l’entrée, surtout les périodes de partiels, pour que les deux jeunes puissent réviser ensemble jusque tard le soir et qu’elle puisse arrivée tôt le matin. Pointe de nostalgie en repensant à tout ça. Et la porte ouverte. En même temps, déjà à l’époque il la laissait ouverte, elle aurait du se douter que ça n’allait pas changer en un an… Mais le fait de parler de la folie des gens semblait frustrer son ami, et la jeune femme fronça légèrement les sourcils par le ton de la voix d’Elias :

« Oui enfin, si tu pouvais éviter de les ramener chez toi, je pense que c’est mieux… Non ? Et puis de toute manière, il parait que tout homme a un grain, enfin, une pathologie pour parler plus gentiment… », ajouta-t-elle avec un petit sourire. Des souvenirs d’un cours de psychologie qu’elle avait eu en option à la faculté, en première année. Tout Homme est soit pervers, soit névrosé, soit psychopathe. A des degrés plus ou moins élevé. Puis c’est un bref résumé de sa vie que le jeune homme servit à Sarah. Celle-ci démontra bien que sa soif de curiosité n’était pas assouvie en levant un sourcil par le bref récapitulé d’anorexique de la parole : « Wouaah… Soit ta vie n’a rien de passionnante, soit tu n’as pas envie d’en parler… Mais dans les deux cas, je suis triste. », souligna-t-elle avec un peu d’exagération, je vous l’accorde. « Donc tu y bosses toujours ? Tant mieux, ça te paye le loyer au moins… Tu as réussi tes partiels ? Ou bien tu n’as encore les résultats ? »

Les partiels ou la damnation de toute étudiant. La jeune fille était bien contente d’ne avoir fini une bonne fois pour toute avec les études, même si la partie vie active, facture et paperasses l’effrayait un peu. Pas le choix, on grandit tous un jour. Elle le remercia pour le verre de thé glacé, buvant une gorgée sans attendre. Voilà un an qu’elle en avait pas bu… Impossible de réussir à en faire un aussi bon ! Et puis elle avait décrété qu’elle en boirait un qu’en revenant ici. Et un air de gloutonnerie prit place sur son visage ne voyant les plats chinois. Ca risquait d’être bien meilleur que la bouffe de l’avion !

« Le mystère de ? Ta vie ? » , demanda-t-elle avec un petit air d’incompréhension. Elle prit les baguettes chinoises, en tendit deux à Elias et prit les siennes en main avant de mettre un sushi dans sa bouche avec une certaine maladresse, au point qu’un bout de poisson resta sur le bord de sa lèvre. Elle pouffa légèrement de rire, le mit dans sa bouche avec son doigt avant de poser son regard dans celui d’Elias suite à sa question : « Et bien ça va écoute… J’ai déprimé pendant un mois d’être revenue en France, je me suis plongée dans mes études, mes parents m’ont acheté une voiture pour fêter mon retour, mes amies au féminin ont pleuré à l’aéroport en venant me chercher, et… Mon copain ? J’en ai pas, ça risque pas. En parlant de copain… Comment va June ? »