tumblr

Pause du midi. J'avais passé la matinée à faire des photocopies et j'entendais encore le bruit de la photocopieuse dans ma tête en marchant dans la rue. Mes collègues ne m'avaient laissé aucun répis, soit ils me regardaient de biais comme pour découvrir ce que cachait mon teint maladif, soit ils me bombardaient d'ordres pour que je m'active d'avantage: fais-moi des photocopies de ça, va me chercher un café sans sucre, où est passé mon crayon?! Bref, il fallait le dire, je commençais à vivre un enfer permanent. Mes hormones faisaient n'importe quoi, j'étais toujours sur le point de fondre en larmes. On me posait toujours des questions, savoir ce que je cachais réellement. Faut dire, j'avais changé mon style vestimentaire du jour au lendemain à l'aide d'Ismaël, pourquoi? Parce que mon ventre s'arrondissait et les trois mois de grossesse pouvaient facilement se voir si je gardais mes hauts simples ou mes robes serrées au niveau de la taille. Ainsi, j'avais troqué tout ça pour des tuniques, et des leggins avec des chaussures plates. Les talons me manquaient, j'avais l'impression d'avoir rapetissé. Ismaël m'avait fait la moral ce matin en me voyant perché sur mes talons: « tu te moques de moi?! Pas de talons Lily! » J'avais fait une moue boudeuse avant de m'asseoir sur le canapé et de les enlever. Il m'avait alors tendu une paire de ballerines que je n'avais pas mis depuis près d'un an. Démodée. Faudrait vraiment que j'aille acheter d'autres chaussures...

Balthazar m'avait dit que c'était l'heure de ma pause. Sans doute m'avait-il surveillé du coin de l'œil toute la matinée en espérant que je ne craque pas devant tous ces vautours. Je pouvais enfin respirer. Je marchais dans la rue, mes lunettes de soleil sur le visage et mon téléphone portable en main. J'aurais bien voulu déjeuner avec Ismaël ce midi pour une fois dans la semaine, mais non, il ne répondait pas, il devait être en pleine coupe de cheveux ou autres... June peut-être? Non, elle devait travailler, faut dire il était quatorze heures et je n'avais pas pu me libérer plus tôt. Je pris la direction d'un restaurant chinois pour prendre à emporter. Boeuf au curry avec des légumes et beignets de pommes à la fin, j'avais de quoi remplir ma panse. Marchant dans la rue je pris le direction du parc de la ville pour me mettre à l'ombre, sur l'herbe et de déjeuner tranquillement en écoutant le bruit des oiseaux. J'aimais cette période de l'année où la chaleur revenait et où l'on se sentait apaisé par ce soleil qui nous souriait à la vie. En entrant dans le parc, je constata rapidement qu'il n'y avait pas grand monde, on était mardi et tout le petit monde de Lewis était dans les bureaux à travailler avec archanement. C'était peut-être mieux, je pourrais faire corps avec moi-même. Souriante, heureuse par ce temps printanier je marchais en direction d'une place que je convoitais tant.

Mon sourire pourtant s'effaça assez vite. Qu'est ce qui pouvait me faire tomber ma bonne humeur d'un seul coup? Le visage d'une personne que je n'aurais jamais cru voir ici. Il était en face de moi en train de marcher regardant son téléphone et moi je voyais rouge. Merde. Il était venu jusqu'ici? Oh... Je me rappelais d'un coup le visage d'Ismaël les deux derniers jours, il avait l'air pas dans son assiette et même quand je l'avais taquiné, il n'avait pas riposté. Encore pire, lui qui adorait manger, touchait pas spécialement à son assiette et plusieurs fois je lui avais demandé s'il était malade. Rien. C'était.... ça la cause?! Mon sang ne fit qu'un tour, mes mâchoires se crispèrent, et même si j'aurais préféré le contourner et faire comme s'il n'existait pas c'était carrément impossible. Il était là devant moi à profiter du soleil. Je pris dix secondes pour calmer mes pulsions meurtrières à son égard. Je ne pouvais m'empêcher de revoir les larmes de Ismaël quand je lui avais demandé le lendemain de sa rupture où était Emrys – je n'étais en aucun au courant de ce qui s'était produit - . C'était simple: on ne touchait pas à mon doudou. Je m'approchais rapidement, c'était pratique les ballerines en fin de compte! « ARCHIBALD! » J'avais gueulé son nom dans tout le parc. Une chance pour lui qu'il n'y avait pas grand monde à cette heure. Je fus à sa hauteur et j'enlevais mes lunettes de soleil que je posais sur le haut de ma tête pour qu'il voit la colère que j'avais dans mes yeux à cet instant précis. Une autre chance pour lui que des couteaux ne pouvaient pas sortir de mes pupilles sinon il aurait été poignardé à mort. « Comment tu oses ramener tes fesses ici?! Ça te suffit pas de l'avoir fait souffrir?! Tu veux l'achever?! » Je tenais mon sac dans ma main droite, heureusement, sinon j'aurais été capable de le frapper en plus.

Flash, puis encore un. Lève un peu plus la tête. Maintenant tourne-la un peu vers la gauche. Non, pas comme ça. Voilà, c'est parfait bouge plus. Tel un automate, j'obéissais à toutes ces voix me dictant mes moindres gestes. Finalement le boulot ici n'était pas bien différent de là-bas, la seule chose qui différait de Londres était l'accent américain des voix. Ça y'est, c'est fini pour la journée, je retournai dans les vestiaires pour quitter à regrets ces magnifiques tissus qui m'enveloppaient pour remettre mon jean délavé et mon T-Shirt noir assez près du corps. Un peu plus tard, je ressortis de l'agence, comme il était pas loin de midi et que je ne me sentais vraiment pas d'attaque pour cuisiner j'entrais dans le Starbucks en face de l'endroit où je me trouvais pour y déguster un cappuccino bien chaud et une sorte de sandwich que je n'arrivais même pas à finir. J'aurais peut-être pas du le prendre mais bon Tony m'avait assez répéter que j'étais maigre à faire peur, que j'allais finir par devenir anorexique ce qui apparemment était également possible chez un mec. Je crois que je dépend trop sur lui, c'est aussi une des raisons qu'il fallait que je m'éloigne, j'imagine.

Lorsque je sors le soleil me fait mal aux yeux et je regrette amèrement d'avoir mes lunettes de soleil chez moi. Puis je me rendis à l'arrêt de bus par lequel je suis venu. A cet heure-ci, il est rempli à ras bord et tout le monde se bousculait, je hais de plus en plus les transports en commun, je devrais vraiment me trouver un autre moyen pour venir ici. Je n'avais pas vraiment envie de rentrer directement chez moi, de toute façon il n'y avait rien à y faire. Je décidais alors d'explorer les environs, fallait bien que je m'y mette un jour ou l'autre, je flânais donc dans la rue l'air de rien profitant du soleil éclatant de la journée. Mes pas me menèrent dans un endroit riche en faune et en flore dont je déduisais être le parc de la ville. Je sentis alors mon portable vibrer dans ma poche. C'était l'agence qui m'informait que la séance du lendemain avait été repoussé une heure plus tard. J'esquissais alors un sourire, car le nouvel horaire m'évitait les heures de pointe du bus.

« ARCHIBALD ! » hurla soudainement une voix féminine.

Je levais alors machinalement la tête, persuadé qu'elle s'adressait à quelqu'un d'autre, car je me doutais que je n'étais pas le seul à porter ce nom. C'est alors que je reconnus la voix et sa propriétaire, Lily, la meilleure amie d'Ismaël. Merde. Je ne m'y attendais pas à celle-là. Elle fut à ma hauteur en très peu de temps mettant ses lunettes de soleil sur sa tête pour mieux me fusiller du regard, limite si elle me frappait pas, elle devait peut-être tenir à son sac.

« Comment tu oses ramener tes fesses ici ?! Ça te suffit pas de l'avoir fait souffrir ?! Tu veux l'achever ?! »

Mais c'est une très bonne question, ça... A ce moment-là, j'aurais du en toute logique m'excuser ou faire quelque chose du même genre, mais non ses accusations m'avait énervé. Comment pouvait-elle pensé que je voudrais lui faire du mal ? Elle ne connaissait ni les circonstances ni les conséquences de ma décision, je fronçais les sourcils.

« Sûr, je traverse 8000 km pour m'installer ici, pour le seul plaisir de torturer puis tuer le mec que j'aime, tellement logique. » ironisai-je.

Paroles que je regrettais si tôt les avoir dites, je venais encore d'aggraver mon cas. Si on réfléchissais un tant soi peu à la situation Lily n'aurait pas pu être au courant puisque je m'étais quasiment enfui après avoir rompu, ce qui avait été très lâche de ma part, mais à l'époque cela m'était apparu comme une bonne décision parce que je savais que si j'étais rester ma volonté aurait flancher, je n'aurais pas tenu le coup. Je baissais les yeux, j'avais l'air d'un enfant pris en faute.

« Si tu veux me frapper, vas-y, défoule-toi de toute façon je le mérite, je peux même tenir ton sac pour te laisser les mains libres si tu veux. » offrais-je.

Je ne vous le cachais pas que j'avais envie de me mettre une baffe. C'était simple, je pensais que j'étais en train d'avoir une insolation et que ce que je voyais devant moi était un simple mirage et donc un sujet inconscient de mon esprit. Or, ce n'était pas le cas, il était bien réel. Je n'arrivais pas à le croire qu'il avait osé ramené ses fesses dans cette ville, qu'il avait traversé l'Atlantique et qu'il se baladait ici comme si de rien n'était. Tout s'expliquait dans ma tête: l'air de Ismaël qui trahissait qu'il s'était passé quelque chose et le fait qu'il ne voulait absolument pas en parler. Il croyait quoi? Que j'allais me mettre en colère? Bien sur que oui! Emrys avait brisé le cœur de mon choupinet et il était hors de question qu'il remette le couvert à Lewis. J'étais bien décidé à protéger Ismaël même si ça allait me mettre en prison. Non je ne commettrais pas de meurtre, de toute façon dans la Torah ou dans la Bible c'est pareil non? Tu ne tueras point ton prochain. Ismaël répétait tellement les serments que sans le vouloir, ils étaient incrustés dans mon subconscient. Pourtant, là, de suite, j'avais une envie de meurtre. J'avais surtout envie de le frapper, mais je ne voulais pas céder à ses pulsions. Déjà j'étais enceinte, et même si je voulais le cacher à travers mes vêtements je ne voulais pas faire une fausse couche à cause d'un manque de sang-froid et perdre le bébé que je souhaitais au plus profond de mon être. Puis aussi, je ne voulais pas abîmer mon sac à main, après tout il était ravissant non? Moi et mes habitudes de filles.

Je détestais ce ton sur lequel il me parlait, non en fait je le détestais tout court. Dire, que par le passé je l'avais remercié de prendre soin de Ismaël et qu'il le protège du mieux qu'il peut d'une quelconque souffrance. Ah celle la! La souffrance je ne l'avais pas vu venir! Surtout du censé être protecteur. J'avais toujours les mâchoires crispées. En plus j'avais faim, rien à avoir certes, mais quand j'ai faim je suis particulièrement méchante, ça choupinet pouvait facilement vous le dire: ne jamais déranger Lily Breaknow quand son estomac criait famine. « Tu te fous de moi là?! Je suis à deux doigts de te péter les dents donc sérieusement ne prends pas ce ton là! » Fis-je les dents serrés, alors que mes mains se crispèrent sur mon sac, le frapper ou non? C'était une question existentielle que mon cerveau était en train de réfléchir en ce moment même. « Il est hors de question que tu le vois. Tu m'entends?! HORS DE QUESTION! » J'avais plissé les yeux, mais je voyais rapidement le visage de Ismaël limite cadavérique pendant un diner, il avait à peine toucher à son assiette et pourtant, j'étais bonne cuisinière, je croyais même qu'il était tombé malade. Il n'avait même pas regardé la télévision avec moi le soir même prétextant qu'il était épuisé et qu'il voulait juste dormir. C'était le monde à l'envers, quand il regardait pas la télévision, il sortait draguer je ne sais qui, et maintenant il se couchait super tôt. Ça commençait à me terrifier de le voir flancher. « Tu... Tu l'as vu n'est-ce pas?! C'est à cause de toi! J'en étais sûr, il n'y a pas pire personne pour mettre Ismaël dans cet état! Tu n'es qu'un sale égoïste, c'est toi qui le jette et tu reviens comme si de rien n'était?! Connard! »

J'étais loin d'être vulgaire d'habitude, mais quand il s'agissait de faire du mal à Ismaël, je sortais rapidement les crocs et les griffes pour le protéger. Ismaël c'était tout pour moi, on pleurait souvent dans les bras de l'un et de l'autre et je ne savais pas comment il faisait, mais il pouvait facilement me rendre le sourire quand j'allais mal. Alors ce n'était pas Emrys qui allait le faire souffrir. C'était quoi cet air de chien battu? Avec moi ça ne marchait pas, il regardait le sol comme s'il avait honte. Oh oui ai honte de ton comportement! Me tenir mon sac? Trop gentil de sa part... « Non merci. Je n'ai pas envie de perdre mon bébé pour quelqu'un qui n'en vaille pas la peine. » Soudain, une idée me vain à l'esprit, j'avais envie de rire un peu, sans doute me croirait-il pas, mais on pouvait toujours essayé, après tout, sans nouvelles depuis quatre ans, il pouvait se passer énormément de choses. « Ismaël et moi on va avoir un bébé, ça te bouche un coin hein? » Connerie, si Is' m'entendait, il dirait que je suis folle, déjà que je lui avais demandé qu'on se mari, je pense que là, il m'emmènerait à l'asile psychiatrique faire des tests...