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 Un air de déjà vu

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Maxwell Hutchinson
Bienvenue à Lewis
Maxwell Hutchinson


Célébrité : James Franco
Âge : 27 ans
Citation favorite : Le problème avec la vie, c'est qu'elle continue. Même quand on ne la supporte plus, elle ne s'arrête pas quand on veut. Même quand on la déteste, elle continue à nous enchaîner à elle. Comment faire quand on est enchaîné à son opposé, quand on a passé un pacte secret avec le diable, qu'on aime deux morts à mourir ?
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MessageSujet: Un air de déjà vu   Un air de déjà vu Icon_minitimeDim 11 Sep - 4:57






Un air de déjà vu



« Non, je suis navré monsieur, mais votre carte ne passe vraiment pas. » Le type accompagne ses paroles d'un sourire hypocrite, hautain, agaçant, paradoxal à l'air lisse et courtois qu'il affiche en me tendant le rectangle de plastique en retour. Je le jauge longuement d'un regard glacial, le fait qu'il le soutienne avec autant d'assurance ne fait qu'un peu plus encore monter mon énervement, tordre mes entrailles. J'ai envie d'aller lui rendre la pareille à l'aide d'un poing bien placé, mes doigts ne font pourtant que de se refermer brusquement sur la carte bancaire qu'il agite sous mon nez, pour venir ensuite la glisser à sa place dans mon portefeuilles. Je reste silencieux, une émotion froide et dure se peint sur mes traits, tandis que je décroche mon regard du type assis derrière la caisse pour le glisser sur les articles posés sur le tapis roulant. Je n'ai pas besoin de le vérifier dans le morceau de cuir que je serre sans ménagement entre mes mains - en contrepartie du fait que je ne pouvais pas le faire autour du cou du gaillard qui lâche un soupir las à l'instant, sans discrétion aucune -, je sais que je n'y trouverai que quelques billets, des petites coupures qui me permettraient de payer seulement le quart des produits posés sur le tapis, et encore. Je hais les placards qui finissent inévitablement par se vider de provisions, je hais avoir à faire les courses, je hais les caissiers et leurs sourires niais ou exaspérants, je hais ma banque qui a fini par mettre ses menaces de geler mon compte si celui-ci n'était pas réapprovisionner au plus vite à exécution, je hais la vieille derrière moi qui fait des messes basses avec son amie en me fixant d'un regard inquisiteur, je hais simplement cette journée. Je m'apprête à m'en aller sans plus me soucier des protestations que cela aurait engendré autant chez le caissier qui se retrouverait avec ce tas de produits à ranger en rayons que chez la grand-mère qui patiente depuis de longues minutes déjà ; un vague râle de mon estomac me rappelle qu'il est midi passé et que je crève de faim. Je pioche au hasard quelque chose pour la satisfaire parmi tous les articles, ma main se pose sur un des plats de salade toute prête que je viens poser devant le caissier, dont l’air un peu narquois s’est effacé au profit de l’incompréhension. Je reste toujours muet, sous le poids de mon regard il finit par scanner le code barre du produit et je glisse un billet de cinq dollars dans sa main avant qu’il n’ait eu le temps de me donner le prix ou m’interroger concernant le reste des articles. L’agacement m’empêche de réclamer les quelques centimes qu’il me doit, je reprends mon achat et je tourne les talons, sous le regard soudainement outré de cette tête à claque de blondinet post-pubère qui m'a servi.

Une heure moins le quart, je suis assis au bout du coffre du pickup, garé non loin du petit supermarché. J’avale le dernier morceau de salade sans un enthousiasme palpable, ma carrure dit d’elle-même que j’étais plus carnivore qu’herbivore mais j’avais trop faim pour faire mon difficile, et l’idée d’avoir à chauffer un steak sur le capot brûlant de ma voiture m’avait un peu découragé. J’aurais pu rentrer chez moi pour utiliser une casserole et une plaque chauffante comme toute personne normalement constituée, c’est vrai, seulement, j’avais fui la propriété quelques heures plus tôt lorsque Roxanne m’avait annoncé entre deux banalités que son amie Lydia allait débarquer dans les minutes qui allaient suivre. Lydia, la fameuse Lydia qui, d’après ce que j’avais compris, en savait plus sur moi que moi-même je pensais en savoir, Lydia, le stéréotype de la fille qui m’agace en fourrant son nez partout avec un sourire incroyablement social. Je jette un coup d’œil à l’heure sur mon portable, j’estime à deux ou trois heures encore mon exil si je ne voulais pas risquer de croiser sa route, que j’avais si bien évitée depuis que la jolie Roxanne et moi étions en couple. J’avais donné comme prétexte à cette dernière une visite à la librairie pour charger un peu plus encore l’imposante bibliothèque du salon, l’incident à la caisse un moment plus tôt et mon compte en banque cette fois-ci décidément à sec me laisse à présent bien désemparé. Songeur, mon regard s’égare sur les alentours, alors que je jette l’emballage en plastique en direction de la poubelle non loin de là avec toute l’adresse du fabuleux basketteur que j’étais – il termine par terre, à bien deux mètres de ma cible.

Habituellement, je n’avais aucun souci à tuer le temps, depuis l’accident qui m’avait séparé de ma femme et ma fille les secondes avaient pris une durée bien au-dessus de la normale, alors, ce n’était pas une heure de plus, une heure de moins à errer sans but qui allait me déranger. Pourtant, aujourd’hui, la chaleur étouffante de cette fin d’été au Texas me détournait considérablement de l’idée de flâner dans les quelques endroits que je préférais à Lewis, comme le parc ou les rives du lac. J’aurais pu rouler sans réelle destination comme je le faisais souvent, l’idée d’avoir à supporter la température de l’habitacle de la vieille carrosserie ne m’enchantait guère plus que celle du prix de l’essence qu’il faudrait payer. J’aurais également pu me rendre dans ce bar où j’avais mes habitudes, même si l’heure était encore précoce pour fréquenter un établissement peu connu pour servir sodas et minérales à ses clients, finalement, ce ne serait pas la première fois que la beuverie commence avant même que l’après-midi ne le fasse, mais… Non. Mon regard s’est posé dans le vague, au loin, lorsqu’un klaxon me tire avec un léger sursaut de mes pensées. Je cherche l’abruti qui m’a surpris sourcils froncés, je constate qu’il s’agit d’un gros gaillard qui accoste un de ses amis sur le trottoir. Je soupire vaguement en détournant mon regard vers le bâtiment que je regardais sans le voir un instant plus tôt, et, un peu plus éveillé, je suis soudainement surpris de voir l’enseigne de la bibliothèque surplomber la grosse porte de bois. J’étais assis face à elle depuis bientôt vingt minutes, à une trentaine de mètres de cette vieille bâtisse sans m’en être aperçu alors que j’y avais passé des dizaines, des centaines d’heures tout au long de ma jeunesse. Un petit sourire se glisse au coin de mes lèvres, un sourire qui n’a rien de joyeux, transpirant une sorte de nostalgie cynique, presque répudiée. Je ne peux néanmoins pas ignorer la vague idée, l’envie qui traverse mon esprit et qui dicte à mes jambes de traverser la rue, sans que je m’en rende vraiment compte.

La lourde porte se referme derrière moi dans un grincement discret, le contraste de l’atmosphère lourde et chaude de l’extérieur et la fraîcheur tranquille de la bibliothèque m’arrache un petit souffle de soulagement. Je fais quelques pas hésitants, comme si j’avais peur qu’un flot de souvenirs m’envahisse alors que je m’avançais un peu plus dans cet endroit que je n’avais plus revu depuis bien longtemps. Je ne me sens néanmoins pas tendu, comme je l’étais d’habitude dans chaque coin de Lewis où je pouvais me trouver et que j’avais déjà fréquenté avant. Au contraire, l’odeur de papier, de cuir ambiante, la couleur délavée du papier peint, les allées trop étroites chargées de livres par centaines ont sur moi l’effet inverse, c’est une sorte de sérénité qui parcourt mon âme pourtant si meurtrie à l’accoutumée. Ce sentiment ne fait que s’accroître lorsque je me rends compte que l’endroit est désert, le siège derrière le comptoir où se tenait toujours la vieille bibliothécaire – était-elle seulement encore en vie aujourd’hui ? – est vide, probablement a-t-elle du s’absenter quelques minutes. C’est donc bien plus à l’aise que je ne l’ai plus été depuis des lustres que je m’élance dans les rayons que j’ai l’impression d’avoir parcouru hier encore, un sourire se frayant même un chemin, timide toutefois, sur mes lèvres.

Sourire qui disparaît aussi vite qu’il n’est apparu lorsque je percute quelqu’un de plein fouet au tournant d’un des rayons, elle s’avançait à pas de loup et j’avais le nez plongé sur le quatrième de couverture d’un bouquin pris hasard. Ce dernier m’échappe des mains, vient percuter une pile de quelques-uns de ses comparses posés là qui le suivent dans sa chute, tout comme ceux de la jeune femme – puisqu’à moins d’être une minuscule mauviette sans le moindre gramme de muscles, la force limitée du choc m’indique qu’il s’agit d’une personne féminine. Peu importe, homme, femme ou yéti, mes traits reprennent toute leur dureté lorsque mon regard s’attarde une seconde encore sur la pile de livres étalés par terre. « C’est trop compliqué de regarder où vous mettez les pieds ? » Je n’ai pas haussé la voix, je n’ai même pas fait en sorte de donner à mes mots une intonation méchante ; mon ton, glaçant, cassant, cynique s’en ait parfaitement chargé pour moi. Je lève un regard furibond vers l’ovni responsable de la collision… Un éclat brillant qui laisse bien vite place à celui de l’étonnement. Je redécouvre les traits de Lily, à l’endroit même où je les avais découverts, il y a des années de cela. Mes lèvres s’entrouvrent, pas un mot ne s’en échappe, un ange passe et je détourne mon regard, comme désarmé dans ma méchanceté froide habituelle par la rencontre de ses prunelles.





Dernière édition par Maxwell Hutchinson le Lun 10 Oct - 5:06, édité 4 fois
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MessageSujet: Re: Un air de déjà vu   Un air de déjà vu Icon_minitimeLun 12 Sep - 0:13

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La bibliothèque, mon lieu sacré. Pour une dévoreuse de livres comme moi, c'était l'endroit par excellence. Petite déjà j'adorais lire tout ce que je trouvais sous la main. Les contes de fées, les bandes dessinées et magazines de ma sœur, tout y passait. Au fur et à mesure que j'avais pris de l'âge, je me focalisais sur les romans de Jane Austen, puis je me mis à lire les pièces de William Shakespeare. Shakespeare pour moi était le maître de l'art théâtral anglais par excellence. Mêlant romance et tragédie, je ne pouvais m'empêcher à chaque fois que je lisais une de ses œuvres de verser une petite larme à la fin. Son œuvre Roméo et Juliette était pour moi l'histoire la plus prenante de toute. Amour interdit, la fatalité leur donnant rendez-vous dans les dernières pages. Je trouvais cette histoire terriblement belle mais aussi terriblement triste. Durant mes études universitaires où j'avais étudié plus en détail la littérature, je m'étais penché sur la littérature étrangère. Le français Gustave Flaubert maniait la tragédie avec une véritable fluidité. Madame Bovary ne trouvant pas le bonheur dans sa vie pourtant mondaine, préférait mourir en buvant de l'arsenic plutôt que de voir sa petite fille Berth grandir et devenir une sublime jeune fille. Emile Zola torturait ses personnages, on pouvait voir ainsi plusieurs faces humaines qui reflétaient la réalité. Cupidité, égoïsme, soif de vengeance. Tout était réaliste. Les auteurs nous faisaient grandir, imaginer et vivre. A chaque fois que j'ouvrais un livre je me sentais emportée dans un tourbillon d'imagination enivrant. Je visualisais chaque personnage, chaque action et chaque émotion. Dans la chambre de mon appartement on pouvait voir beaucoup de livres, certains sur une étagère, d'autre sur ma table de nuit et d'autres qui jonchaient le sol de si et de là. Mes livres extériorisaient mes émotions. A chaque fois que j'en fermais un, je me sentais plus légère.

En cette journée ensoleillé j'avais décidé de me rendre à la bibliothèque de la ville. De un pour rendre mes livres empruntés et en reprendre d'autres, de deux pour trouver des livres afin de m'aider pour mon prochain article dans le journal local. J'avais eu l'idée donc d'écrire sur la mode des années cinquante qui revenait dans nos placards. J'aimais beaucoup cette mode, les jupes longues, les figures à poids, la couleur rouge ou bleu marine. Cela faisait voyager. J'avais décidé de marcher un peu, et me décidait de traverser la ville pour me rendre dans cette bibliothèque. Habillée d'une jupe qui me tombait au niveau des genoux, d'un haut simple et de ballerines je prenais le soleil. Il faisait encore chaud, même si on commençait à s'y habituer Ismaël et moi au climat de Lewis, depuis quatre ans, j'avais toujours du mal avec la chaleur. Heureusement pour moi la plupart des établissements ici étaient climatisés, et je savais déjà qu'à la bibliothèque il allait faire frais car c'était un ancien édifice. J'y arrivais après une vingtaine de minutes de marche, disant bonjour à l'employé du jour et lui rendant mes livres avant d'aller me faufiler à travers les rayons. Il y avait de tout, cuisine, bricolage, romans, essais, poésies, contes et bien d'autres encore... Je me rendis directement dans un des étalages afin de trouver mon bonheur en matière de modes. Glissant mes doigts sur les reliures de livres, je lisais attentivement chacun des titres et à chaque fois que je pensais que cela allait me convenir, je le prenais dans mes mains avant de le feuilleter délicatement. J'avais fait cette action au moins cinq fois avant de trouver un livre qui me satisfaisait. Il était doté de sublimes images en noir et blanc et avec beaucoup d'explications, impeccable pour mon article. Je le gardais dans mes bras avant de me rendre dans le rayon des romans. Là encore le choix allait s'avérer difficile, tout simplement car j'étais compliquée. Déjà je choisissais selon le titre. Le titre devait me parler, me mettre la puce à l'oreille, avoir une pointe de mystère sans qu'il soit trop vague; Oui je sais, j'étais compliquée. Après il fallait que le genre me convienne, je détestais tout ce qui était thriller et policier. Puis enfin le résumé, il fallait qu'il m'accroche afin que je daigne à en connaître un peu plus. En gros, c'était une véritable chasse au trésor pour moi. Ce ne fut qu'au bout d'une trentaine de minutes que j'avais trouvé deux romans à lire. Enfin, j'allais pouvoir plonger dans de douces illusions des soirs où je n'aurais rien à faire. Sortant ma carte d'emprunt, je sortis d'une rangée de livres.

Puis un choc. Je tombais à la renverse tandis que mes livres s'éclataient sur le sol de la bibliothèque. Y'en avait qui ne regardait jamais où ils allaient! Ah oui là c'était moi... J'avais pas regardé droit devant moi, préférant fouiller dans mon sac. Ça m'apprendra à l'avenir. J'allais me relever quand j'entendis une voix qui me déclarait fortement que je devais regarder où j'allais, et le ton n'était pas franchement sympathique. Ça arrivait à tout le monde ce genre d'aventure non?! Sérieusement, ce n'était pas le moment de me chauffer. Je m'étais déjà pris la tête avec June il y a quelques jours en la giflant et j'avais été traité de garce manipulatrice, super gentille en somme. Je me releva à l'aide de mes mains avant de regarder celui dans lequel j'étais rentré. Je fis de gros yeux, limite bouche bée. Car ce visage je le connaissais, oh oui... une vielle connaissance. Une connaissance partie sans me donner la moindre nouvelle. « Aimable. » Fis-je simplement en le regardant et arquant un sourcil. Je me baissa pour ramasser mes livres avant de les mettre en pile et de les prendre dans mes bras. « Maxwell, contente de te revoir. » Fis-je avec un léger sourire avant de dire sur un ton sarcastique: « Tu viens me donner de tes nouvelles après une longue absence sans un coup de téléphone ou même un email? C'est vraiment trop gentil. » Déclarais-je d'un ton cassant. Je soupirais par la suite avant de rouler des yeux. « Désolée. » Je n'étais pas dès plus sympathique ces jours-ci, peut-être que j'étais vraiment une sale garce manipulatrice. « C'est que... tu m'as beaucoup manqué. »
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Maxwell Hutchinson
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MessageSujet: Re: Un air de déjà vu   Un air de déjà vu Icon_minitimeLun 12 Sep - 8:35


« Excuse-moi… Est-ce que, est-ce que je peux te l’emprunter cinq minutes ? » J’ai parlé à voix la plus basse possible, penché vers la blondinette assise à l’une des quelques table de la petite bibliothèque municipale. Mes efforts pour être discret sont vains, la vieille Hermann relève vivement la tête et balaie la place d’un regard foudroyant. Je m’empresse de détourner mes yeux sur l’étagère qui se tient devant moi, dont je scrute les tranches des livres y reposant depuis quelques minutes déjà. La bibliothécaire marmonne quelque chose, elle est trop loin pour que je distingue quoi. Prudemment, je lui jette un coup d’œil, constate qu’elle est retournée à sa propre lecture avec un petit air mécontent. Je mordille ma lèvre pour retenir un rire, sent soudainement le poids d’un regard sur moi. Je repose mon attention sur la fille que je viens d’accoster, bafouant les règles de silence de ce lieu comme un criminel. Elle me regarde bizarrement, un sourcil haussé et une certaine retenue peinte sur ses traits. Un sourire fuse au coin de mes lèvres, j’attrape un livre au hasard pour pouvoir m’asseoir à côté d’elle sans attirer les soupçons de l’employée installé au bureau un peu plus loin. « Tu es bien en train de lire Roméo et Juliette ? » Je lâche ça dans un souffle, sans la regarder puisque je suis attentif à la moindre réaction de la bibliothécaire ; j’ai déjà subi son courroux par le passé, mieux valait prévenir que guérir. La jolie blonde ne doit pas comprendre, puisque l’air suspicieux ne la quitte plus. « Quoi ? » Je replonge ma tête dans mon bouquin, tourne la page alors que je n’ai même pas encore vu de quoi il s’agissait – la vieille harpie est debout, les mains sur les hanches, le regard d’un faucon qui cherche sa proie. Un rire s’échappe d’une rangée ; le malheureux innocent vient de prendre la responsabilité de l’insouciance de la blondinette qui me dévisage, pas assez discrète. La mamie s’élance menaçante, convaincue d’avoir trouvé son coupable. Nouveau sourire. « La vache, on n’est pas passés loin. » Je viens de gagner le titre de mec bizarre à éviter, si j’en juge par le regard qu’elle m’adresse et dans lequel je me plonge enfin, rassuré d’entendre la bibliothécaire s’en prendre à quelqu’un d’autre, un peu plus loin. Devant ses sourcils haussés, je reprends, plus sérieux. « J’ai un travail à rendre après les vacances sur Shakespeare, et je ne trouve plus mon bouquin. J’en ai pour cinq minutes, promis. » Je ne sais pas si c’est le nom de Shakespeare ou mon sourire qui la fait chavirer, mais ses traits tirés s’adoucissent immédiatement et ses lèvres me rendent ce dernier. « Il n’y a pas de soucis, de toute manière je… » J’essaye de la faire taire avec de gros yeux, trop tard, Hermann a déjà usé de son pouvoir d’oreille supersonique doublée de la vitesse éclair et tape sur la table où nous sommes assis du plat de la main. « Ça suffit, vous deux, allez roucouler ailleurs ! » Je baisse mon nez vers mes pieds, frotte vaguement ma nuque avant de me lever, retenant au mieux possible un petit sourire. La jolie inconnue ne semble pas comprendre, son regard fait la navette entre les traits pincés de la bibliothécaire aigrie et moi-même. Je ne me risque pas à sourire et d’attirer les foudres, je me contente de la regarder avec insistance et une pointe d’amusement bien cachée pour qu’elle m’imite. Elle cède, se lève et prend son sac, la grand-mère marmonne à nouveau quelque chose en s’emparant du livre que la blondinette s’apprêtait à prendre et elle s’éloigne. J’attrape le poignet de la jeune qui amorce un mouvement pour la suivre, la tire sans plus attendre en direction de la sortie. La porte refermée derrière nous, je ne retiens plus un rire léger, me laissant glisser contre la colonne de pierre qui soutient la bâtiment pour m’asseoir sur les escaliers. L’adolescente me dévisage à nouveau. « Tu n’es jamais venue auparavant, n’est-ce pas ? » « Je… Je viens d’emménager. » Elle semble moins surprise, elle ne doit pas comprendre grand-chose mais elle se laisse aller à un petit sourire, le mien l’ayant contaminé « Excuse-moi, c’est de ma faute. Je m’appelle Maxwell. » « Et… et moi, Lily. »


Si elle m’a fait perdre l’équilibre avec autant de force qu’une mouche l’aurait fait avec une voiture en s’écrasant sur un pare-brise, le choc ne la laisse pas indemne de son côté. Ses livres giclent aussi de ses mains, je n’arrive pas à savoir si c’est ceux-ci ou ses fesses qui ont touchés en premier le sol. Peu importe, je ne cherche même pas à le savoir, je ne suis pas en mesure de chercher quoi que ce soit. Je me perds dans son regard, dans les souvenirs dans lesquels il me plonge. Lily. La rencontre des vacances de Noël de ma première année de fac. Une nouvelle habitante de Lewis, un peu perdue et surtout bien naïve vis-à-vis de l’air peu commode de la bibliothécaire. Une bonne amie, une merveilleuse amie… Refoulée au rang de personne à oublier, à effacer, à ignorer, comme tout ceux que j’avais pu apprécier par le passé. Lily, la fille qui avait réussi à faire tomber la pièce montée à mon mariage, Lily, la fille qui m’avait relancé de nombreuses fois avant de se décourager face à mon silence de fantôme. « Aimable. » Elle se relève rapidement, le stade de l’étonnement passé –elle semble avoir partagé ce sentiment avec moi, même si de mon côté je l’ai caché derrière un air impassible. « Maxwell, contente de te revoir. » Elle se penche et ramasse ses livres, un vague sourire aux lèvres. Sérieusement ? Je viens de la faire tomber, l’ai pratiquement agressé sur un ton à vous glacer le sang, je l’ai regardé telle une statue de marbre essayer de se remettre debout du mieux qu’elle pouvait et maintenant je la fixe dans un mutisme des plus parfaits. Évidemment que non, elle n’est pas sérieuse, cette idée se fait chasser de mon esprit aussi vite qu’elle n’y était entrée. « Tu viens me donner de tes nouvelles après une longue absence sans un coup de téléphone ou même un email? C'est vraiment trop gentil. » Je fronce les sourcils. Mes yeux se baissent, je m’accroupis machinalement. Exactement le genre de réaction que je redoutais, les mots que j’imaginais et que je répudiais. Je fais à mon tour une pile avec les bouquins qui sont tombés, prend peut-être plus de temps qu’il en faut pour les aligner parfaitement les uns avec les autres. J’ai envie de donner un coup de talon et de percer un trou dans le vieux plancher, pour mieux m’y glisser et disparaître. Il fallait que ça arrive, il fallait que je la recroise, il fallait qu’elle soit restée à Lewis jusqu’à aujourd’hui. « Désolée. C'est que... tu m'as beaucoup manqué. » Je serre les mâchoires, me relève lentement en gardant mon regard obstinément fixé sur la couverture de mon bouquin. Pourquoi fallait-il que les gens se souviennent de moi, tant que temps après, pourquoi fallait-elle qu’elle me dise ça alors que j’avais tout mis en œuvre pour qu’elle m’efface de sa vie, ses préoccupations ? Je pose la pile de lettres, me rend soudainement compte qu’une nouvelle pique s’enfonce dans mon cœur, serré par la nervosité, l’appréhension d’avoir à affronter la réalité qu’elle me connaissait comme le Max souriant, jovial et surtout marié et père de famille. Cette nouvelle pique… Mon esprit est totalement déchainé, cherchant une issue à une situation que j’avais absolument voulu éviter, me terrant chez moi et évitant les lieux à risques. Et pourtant, j’étais dans une bibliothèque, un endroit que fréquentait sûrement mes vieux amis puisque je m’en étais rapproché pour la plupart à cause des livres, de cette passion commune pour la littérature. Je croyais être plutôt bon dans le domaine du connardisme associal, aurais-je… Des lacunes ? « T’as fait tomber ta carte d’emprunt. » Apparamment, non. Je n’ai pas relevé les yeux vers elle, mes sourcils sont froncés et mon ton est sec. J’enfonce mes mains dans mes poches, serrant les mâchoires à nouveau.
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MessageSujet: Re: Un air de déjà vu   Un air de déjà vu Icon_minitimeMar 13 Sep - 21:46

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La dernière personne que je pensais croiser était lui: Maxwell. Parti depuis quelques temps et me donnant plus de nouvelles je l'avais cru même instant mort quelque part dans le monde. Au fil du temps j'avais appris à combler son absence et à vivre ma vie. Ainsi le voir, devant moi aujourd'hui, me donnait une sensation de vertige et j'avais le sentiment de replonger dans un passé qui semblait lointain alors que ce n'était que quelques années. Je n'avais eu plus aucune nouvelle de lui du jour au lendemain, j'avais beau relancé le fil à chaque fois, rien. Je ne savais plus sur quel pied danser, j'aurais tant voulu me jeter dans ses bras telle une gamine, pour voir s'il était vraiment devant moi. Mon ami était revenu. J'avais du mal à contenir mes émotions, mais il y en avait tellement qui traversaient mon esprit que mon visage avait du mal à dégager n'en serait-ce qu'une. On pouvait constater que j'étais plutôt pris sur le fait. Ce qui était assez incroyable c'était que notre première rencontre remontait à quatre ans et que c'était dans cette même bibliothèque. A croire que le destin aimait s'amuser parfois. J'avais du mal à trouver mes mots... Je lui avais dit qu'il m'avait manqué tout ce temps, après lui avoir fait le reproche de ne m'avoir donner aucune nouvelle. Qu'est ce que cela lui aurait couté un petit coup de téléphone? Une petite lettre? Un petit email? Non, j'avais rien eu et au fur et à mesure j'avais tout mis de côté, bien que j'avais eu du mal à avaler la pilule. Je trouvais que c'était assez culotté de revenir comme si de rien n'était, je croyais qu'il me dirait que je lui aurais manqué aussi et qu'il s'en voulait... Au lieu de ça, il me tendait ma carte d'emprunt que j'avais laissé tomber et c'était tout. Il se moquait de moi? Je ne le regardais plus, j'étais tellement écœurée. Je m'attendais à un peu plus de joie et de gentillesse de sa part... Je n'avais le droit qu'à un ton sec et sans une once de tendresse.

Je lui arrache ma carte de ses mains avant de la tenir en mettant mes livres sous mon bras. Et? C'était tout? Fini? Il n'y aurait plus d'amitié entre nous? A croire que ses derniers temps tout le monde me refoulait. Je n'arrivais pas à le croire que Maxwell se comportait ainsi. Je ne souriais plus, mes lèvres tremblaient légèrement: effet de colère ou de tristesse? Je ne savais pas, tellement d'émotions circulaient. « Bonjour l'ignorance. » fis-je en relevant mon regard vert-amande vers lui. Aucune once de douceur dans mes pupilles, j'étais légèrement en colère et j'essayais de garder mon sang-froid. Nous étions à la bibliothèque et la vieille pie allait sans doute se ramener en nous mettant dehors car nous faisions trop de bruit. J'en avais strictement rien à faire cette fois-ci car je ne laisserais pas Max' s'échapper sans la moindre explication. Pourquoi ces longs mois de silence? Pourquoi avais-je eu aucune nouvelle? « Tu comptes faire comme si je n'existais pas? Tu compte faire comme s'il n'y avait jamais rien eu entre nous? Tu comptes jouer le rôle du fantôme qui passe à travers les murs sans parler à personne? Je ne suis pas une étrangère! Je crois que tu aurais pu dire autre chose que: t'as fait tomber ta carte d'emprunt. » Je fis une légère moue avant de voir que la vieille pie arrivait au loin. Elle allait encore nous faire la morale comme quoi nous parlions trop et que l'on devait être silencieux dans le sanctuaire des livres. En une fraction de secondes j'avais agrippé la chemise de Max pour l'attirer dans un rayon de livre. Ainsi nous gagnerons quelques précieuses minutes le temps que l'autre fasse son petit tour pour nous trouver. Je soupirais avant de poser mes livres sur une étagère et de passer mes mains dans mes cheveux avant de le regarder droit dans les yeux et de froncer mes sourcils. « Ecoute moi bien. » J'avais l'impression d'être une mère parlant à son enfant... La grossesse m'avait vraiment changé, et je suis sure que si j'avais eu ma petite fille j'aurais été une mère stricte, vu le ton que j'employais avec mon ami, ou ex-ami? « Je ne sais pas du tout ce que je t'ai fais pour que tu me parles sur ce ton, mais alors déjà de un tu vas arrêter de me parler avec cet air de désinvolture. Car oui comme tu peux le voir, partie, envolée la petite Lily bien naïve. De deux... » Je soupirais avant de reprendre une voix douce. « Tu reviens comme ça, sans rien dire pendant plusieurs mois et tu fais comme si je n'existais pas pour toi... Pourquoi? » A peine avais-je fini ma question que j'entendis une légère toux derrière moi et je me retourna. Merde. La vieille. Ses sourcils étaient froncés et elle nous regardait tout les deux, évidemment ce n'était pas la première fois qu'on se faisait virer par elle... « Ça faisait longtemps. Dehors! Je ne supporterais pas vos petites querelles d'amoureux. Foutez le camp! » Querelles d'amoureux? Nous n'étions pas dans un soap non plus. Mais moi je voulais juste savoir la vérité venant de Max. Justement, je reposa mon regard sur lui, attendant une quelconque réponse. Je me tuerai s'il faisait comme s'il m'avait pas entendu et préférant partir.
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MessageSujet: Re: Un air de déjà vu   Un air de déjà vu Icon_minitimeMer 14 Sep - 9:34


« T’as fait tomber ta carte d’emprunt. » J’écoute mes propres paroles résonner dans ma tête, encore, toujours, inlassablement. Elle disait que je lui avais manqué, elle amorçait une discussion, et moi, je lui répliquais simplement que ce bout de plastique s’était échappé de sa main, comme s’il s’agissait d’une inconnue, d’une connaissance quelconque que je croisais régulièrement sans plus m’y intéresser. Était-ce réellement la chose à lui dire ? Non, bien sûr que non. Je le sais, je le sais du plus profond de mon âme, je le sais au silence qui s’en suit, je le sais à ces quelques secondes aux reflets d’éternité où aucun de nous deux n’esquisse un geste. Mon regard parcoure obstinément les rainures du vieux parquet, s’arrête à chaque irrégularité, détaille les formes et les couleurs. J’ai presque l’air concentré, avec ces deux mandibules serrées comme un étau sert une pièce qu’on découpe, avec ses sourcils arqués avec subtilité, avec cet air froid, distant, désintéressé, derrière lequel je cache l’affolement de mes pensées, la douleur qui s’éprend de mon cœur lorsque je me rends compte que je suis incapable d’éprouver le moindre sentiment de joie, de bonheur, d’allégresse face à elle. J’aimerais pouvoir lui dire qu’elle m’a manqué, que je suis heureux de la revoir, que je suis désolé. Mais je ne peux pas. Je n’ai pas la force... La force de lui mentir, la force de me mentir à moi-même. Elle ne m’avait pas manqué, pas une seconde. Personne ne m’avait manqué.


Le manque est une notion bien relative, propre à chacun, quand on y pense. Certains vous diront que leur voisine décédée le mois passé leur manque parce qu’elle ne peut plus venir nourrir leur chat lors de leurs escapades à l’autre bout du monde, d’autres vous parleront de leurs vieux amis, ceux qui grandissent avec vous, ceux qui font de vous un adulte qui finira inévitablement par s’en éloigner. Peut-être que certains citeront des personnes à qui elles ne trouvent plus le temps de passer un coup de fil, d’autres parleront avec émotion d’êtres que la mort leur a arraché, et d’autres encore se plaindront de ne plus avoir vu l’amour de leur vie depuis la veille. Le manque que quelqu’un éprouve peut paraître dérisoire pour un autre. Je ne savais pas, je ne savais plus dans laquelle de ces catégories j’avais pu me trouver, à l’époque. Probablement faisais-je partie de ceux qui agissent au lieu de se plaindre, attrapent le téléphone et composent le numéro, rejoignent leur amoureuse à l’autre bout de l’Etat s’il le faut, s’efforcent de garder le contact pour ne pas ressentir ce fameux sentiment, cette absence qui déprime, désarme. Seulement… Je ne pouvais plus en dire autant aujourd’hui. Il n’y avait plus rien qui me plongeait dans cet état, plus personne ne me manquait. Plus personne… Sauf elles. Ma femme, ma fille. Mais là, toute la volonté du monde, tous les efforts que j’aurais pu accomplir ne serviraient à rien. Ce manque resterait là, cruel, embaumant, vif, pour le restant de mes jours.

Alphonse de Lamartine a écrit, un jour, une citation devenue célèbre : « Un seul être vous manque et tout est dépeuplé. » Près de deux siècles séparent le moment où sa plume a gravé ces mots sur un morceau de feuille et aujourd’hui, pourtant, ces paroles étaient fortes, vraies, éloquentes. Il avait traduit, par quelques rondes du poignet, par quelques rencontres de syllabes et de lettres, une vérité lancinante ; il suffit de perdre une personne pour que plus rien d’autre n’ait de sens, d’intérêt, d’importance. J’en étais la preuve vivante, le témoin, Lily en appui. J’étais là, debout face à elle, à chercher une solution pour m’échapper de cette confrontation dont je ne voulais pas plutôt qu’à la prendre dans mes bras et m’excuser de l’avoir oubliée dans un coin de ma tête. Comment pourrais-je le faire, comment pourrais-je avoir souffert de son absence alors que mon cœur n’était plus qu’une plaie béante depuis ce maudit incendie ? Je l’avais peut-être aimé, estimé à un haut point par le passé, elle avait finie comme tout le monde dans un carton, rangé au fond de mon esprit, scellé avec précaution. Un souvenir, comme si elle avait partie de la vie de quelqu’un d’autre que moi.

« Bonjour l'ignorance. »
Je décroche du fil enivrant de mes pensées, le rectangle plastifié s’échappe avec brusquerie de ma main, tendue machinalement. Mon regard s’arrache du nœud dans le bois sur lequel il s’est fixé, je ne saurais combien de temps s’est écoulé, perdu dans mes pensées je n’en ai plus la moindre notion. Ces quelques songes m’ont plongé dans un mal être encore plus grand, comme je l’avais tant redouté ; je m’efforce de reprendre toute ma froideur stoïque, chasse la détresse de mes pupilles lorsque je relève la tête vers une Lily visiblement énervée. « Tu comptes faire comme si je n'existais pas? Tu compte faire comme s'il n'y avait jamais rien eu entre nous? Tu comptes jouer le rôle du fantôme qui passe à travers les murs sans parler à personne? Je ne suis pas une étrangère! Je crois que tu aurais pu dire autre chose que: t'as fait tomber ta carte d'emprunt. » Je l’observe, sans un mot. Impassible. Tourmenté. Son regard décroche du mien, se glisse au-delà de mon épaule. Je ne cherche pas à savoir pourquoi, mes yeux sont posés sur elle mais observe dans le vide. Pourquoi fallait-elle qu’elle me fasse ces reproches ? Pourquoi me posait-elle ces questions auxquelles, de toute évidence, je ne répondrais pas ? Je replonge à nouveau dans les abysses de mes songes lorsqu’elle se retrouve toute proche de moi, ses doigts serrés sur ma chemise.

J’ai l’impression d’être une loque, un légume lorsqu’elle me tire dans un rayon, sans vraiment que je sache pourquoi. Je devrais tourner les talons et m’en aller ; je me contente de perdre de mon impassibilité parfaite en fronçant légèrement les sourcils lorsqu’elle reprend, sur un ton plus bas. « Ecoute moi bien. Je ne sais pas du tout ce que je t'ai fais pour que tu me parles sur ce ton, mais alors déjà de un tu vas arrêter de me parler avec cet air de désinvolture. Car oui comme tu peux le voir, partie, envolée la petite Lily bien naïve. De deux... Tu reviens comme ça, sans rien dire pendant plusieurs mois et tu fais comme si je n'existais pas pour toi... Pourquoi? » Ses premiers mots sont secs, d’une autorité que je ne supporte que très mal, et pourtant je les préfère mille fois à la voix plus douce, le ton plus intime avec lesquels elle termine son monologue. Elle me demande pourquoi, j’aurais tellement voulu lui retourner la question à cet instant précis. Pourquoi voulait-elle à tout prix le savoir ? Pourquoi ne comprenait-elle pas que je ne voulais plus d’elle ? Pourquoi s’obstinait-elle à me parler, alors que, de toute évidence, la meilleure chose à faire était de continuer sa route, comme si elle ne m’avait pas revu, comme si je n’étais toujours qu’un acteur de son passé, de ses souvenirs ?

Elle allait tout gâcher. Elle venait de le faire, en me demandant pourquoi j’agissais de la sorte. Je n’allais pas lui répondre, je n’allais pas me replonger dans des pensées dont je m’efforçais de m’échapper dans le seul but d’apaiser la peine que j’ai pu lui causer. À quoi bon, finalement ? Cet air vexé quitterait peut-être ses traits, au profit d’un soudain malaise, inévitable, étouffant. Pire ; de la pitié, j’en étais certain. Je n’en voulais pas, de personne. Je ne voulais pas l’entendre me réconforter, s’excuser. Je ne voulais pas de ces fameuses « condoléances », ce mot que tout le monde a à la bouche lorsqu’un être cher vous abandonne. Je ne voulais pas entendre ce mot alors que je parlais de ma fille, ma petite fille, aux grands yeux malicieux et aux mimiques adorables. Je fronce les sourcils pour de bon, mon regard reprend toute sa dureté à la mesure où je me rends compte que celui de Lily s’est planté au plus profond de mes pupilles, inquisiteur. Elle allait tout gâcher, elle allait me forcer à lui répliquer quelque chose de méchant, d’injuste pour qu’elle me fiche la paix. J’allais devoir la dégoûter, plutôt que simplement l’ignorer. « Tu sais quoi, occupe toi de... » Je n’ai pas le temps d’abattre ma dernière carte, mon atout, qu’un raclement de gorge sauve sa tête. Une voix niaisarde, sèche, m'interrompt. Mon regard se décroche du sien pour se poser sur celui de la vieille bibliothécaire.


Je ne peux m'empêcher de perdre de mon agacement lorsque je croise les traits méchants et autoritaires de cette femme que je n'imaginais pas toujours aux commandes de cet endroit. Sa dureté de regard me rappelle à bien des souvenirs, des rires, des bêtises. Combien de fois nous avait-elle mis à la porte, alors que nous nous amusions à trouver la limite de son ouïe de superhéros ? Nous... Mon regard perd soudainement de sa froideur lorsqu'il glisse sur le profil de Lily, ne s'y attarde pas plus que les quelques fractions de seconde nécessaires à me faire perdre toute envie de la blesser, pour qu'elle me déteste, qu'elle me laisse tranquille. À cet instant, je maudis la vieille pie, tout comme je la remercie. J'ai beau vouloir me convaincre du contraire depuis des mois et des mois, faire du tort aux autres avec cynisme ne défait en rien le sac de nœuds qui torturent mon coeur; ça ne fait qu'emmêler un peu plus les fils. Nouvelle constatation, nouvelle perte d'assurance. Manque de pot, c'est au moment où une vague de tristesse s'éprend de mon regard que Lily décide de reposer son attention sur moi, ignorant, du moins pour l'instant, la mamie qui vient de nous ordonner de nous en aller.

Que cette dernière jubile, un instant à peine plus tard, je repousse déjà la lourde porte et quitte la douceur de la vieille bâtisse pour la chaleur étouffante de cet après-midi d'été. Peu importe; mon âme s'est glacée. Je la sens plus fragile que jamais, elle menace de se briser, une fois de plus, si je croise encore le regard de la jolie blonde que je viens de laisser en plan, après avoir faibli tristement en laissant mon regard parler pour moi, blessé, torturé.
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MessageSujet: Re: Un air de déjà vu   Un air de déjà vu Icon_minitimeJeu 15 Sep - 7:23

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Je ne comptais pas le laisser filer entre mes doigts. Oh non, ce serait bien trop facile pour lui de partir en ne m'adressant pas la parole, et en ne répondant pas à mes questions. La vieille pie n'avait rien arranger à son silence, si elle n'était pas arrivée il aurait au moins parler... J'étais sur le point de me faire envoyer paitre quand elle apparut avant qu'un sourire narquois se dessine sur ses lèvres et qu'elle nous mettent à la porte. Tant pis pour mes livres, je reviendrais les chercher en soirée ou alors le lendemain. Je changerais seulement mon article et trouverais une autre idée. Pour l'instant j'avais juste l'envie de tirer les vers du nez à Max. L'ignorance chez lui je ne connaissais pas. Quand on était tout les deux à Lewis on adorait passer du temps ensemble à rire et à s'amuser et à se lancer des défis dans la bibliothèque afin de rendre fou la vieille chouette jusqu'à ce qu'on se fasse virer. On avait beaucoup rit et quand je le regardais à présent je ne voyais aucune marque de rire, ni de sourire sur son visage. C'était comme si il ne voulait plus connaître le bonheur. Ses traits étaient graves et je commençais à me poser la question s'il n'y avait pas eu un truc si horrible dans sa vie qu'il se refusait tout bon sens dans celle-ci. En sortant dehors, je regardais de chaque côté pour savoir où il était partit et couru sur ses talons pour le rattraper. Je ne voulais pas qu'il parte ainsi, sans rien dire, oubliant qui j'étais pour lui. Je savais que si je ne faisais pas quelque chose, on ne se reverrait plus et notre amitié serait alors tomber aux oubliettes. Je ne voulais pas que cela se passe ainsi, June m'avait déjà rayé de sa vie – bon, elle l'avait un peu cherché...- et je ne pouvais pas supporter perdre Max. J'avais besoin de lui, je voulais que tout redevienne comme avant. Je me rappelais encore quand j'avais fait tombé la pièce montée à son mariage et que sa femme avait commencé à paniquer lui avait tout simplement rit de ma maladresse. Oui c'était ça que je voulais retrouver: Maxwell riant de ma maladresse et passer de nouveau du bon temps en sa compagnie... comme par le passé qui semblait si loin à présent.

J'avais réussi à combler la distance entre nous et j'étais sur le point d'exploser et d'hausser la voix à son égard. Sauf que les mots restaient coincés dans ma gorge et je n'arrivais pas à dire ce que je souhaitais. En une fraction de seconde ma main avait attrapé son bras pour l'empêcher d'avancer plus loin. Une certaine inquiétude se lisait dans mes yeux, je cherchais une réponse dans les pupilles de mon ami, mais je n'y trouvais rien à part un regard vide de tout sens. « Tu ne peux pas me laisser comme ça. » Fis-je d'une petite voix. Les sanglots étaient en train de monter, je les sentais étreindre ma poitrine, Max était en train de m'infliger une douleur qu'il ne se doutait même pas vu qu'il n'osait même pas me parler. Afin d'éviter qu'il ne parte encore plus loin je me plaça devant lui. Je ne voulais pas qu'il parte, je ne voulais pas qu'il me fuit pour une raison que j'ignorais. « Tu n'es pas obligé de me dire pourquoi tu refuses de me dire quoique ce soit sur ce qui aurait pu se produire par le passé mais... je te supplie ne me snobe pas ainsi, tu ne sais pas combien tu es en train de me faire mal. » Ma voix était à présent éreintée par mes sanglots et j'étais obligée d'avaler ma salive plusieurs fois pour qu'elle redevienne à peu près normale. La chaleur était étouffante et je ne voulais pas rester en plein milieu de cette rue pendant des heures. Les rayons de soleil allaient finir par bientôt me bruler la peau. Je ne pourrais pas supporter le fait qu'il parte définitivement de ma vie. Ce serait la nouvelle étape que je ne pourrais pas franchir. Je m'approcha de lui avant d'accrocher mes mains dans sa chemise et de me blottir dans ses bras comme au bon vieux temps. Je priais au fond de moi pour ne pas qu'il me repousse, pour ne pas qu'il m'efface de sa vie tel de la craie sur une ardoise. « S'il te plait... Reste. » Murmurais-je entre mes lèvres tandis qu'une première larme coulait sur ma joue. Les médecins avaient été formels: la fausse-couche que j'avais vécu laisseraitu ne trace indélébile et le fait que June me supprime de sa vie avait mis mes nerfs à rude épreuve. Le silence de Maxwell me pesait, et je craquais. « Je ne veux plus souffrir. » Il ne savait en rien de ces derniers mois d'intense douleur et d'épreuves pour moi. Je ne savais rien de ce qui s'était produit dans sa vie pour qu'il soit réduit à un tel silence. J'avais envie de dire: et si on recommençait tout à zéro?
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Maxwell Hutchinson
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MessageSujet: Re: Un air de déjà vu   Un air de déjà vu Icon_minitimeSam 17 Sep - 12:44

Et si elle mentionnait Zoey ? Et si elle me demandait si la raison de mon soudain silence, une lame de poignard plantée dans le cœur de notre amitié, venait d’elle, de l’amertume qu’elle éprouvait peut-être encore envers la jolie Lily, qui avait donné au plus beau jour de sa vie – j’aimais le croire – quelque tournure catastrophique en envoyant des litres de crème et des kilos de sucre tapisser la moquette de la salle de réception ? Je descends les quelques marches de l’escalier menant au perron sans prendre garde à ne pas bousculer l’homme qui les gravit alors. Et Heather ? Est-ce que la jeune anglaise se souviendrait du dernier mail que je lui avais envoyé, y vantant sans retenue aucune les progrès de ma fille, qu’elle s’amusait à m’imiter lorsque je peignais ou exerçais ma plume alors qu’elle n’avait pas trois ans encore ? Ma respiration me blesse, brûle ma gorge et torture mes poumons alors que je me lance à grandes enjambées je ne sais où – la raison devrait me guider jusqu’à ma voiture, mais l’affolement de mes pensées me fait fuir tout à l’opposé. Lily était probablement la dernière personne vivant à Lewis que je souhaitais croiser aujourd’hui. Elle en savait trop, nous avions été trop proches par le passé pour qu’elle se contente à présent de voir disparaître une nouvelle fois de sa vue, de sa vie, sautant sur l’opportunité que la vieille aigrie m’avait tendue au moment adéquat pour m’échapper de la bibliothèque, je le sais, j’en suis sûr. Derrière moi, bientôt, le bruit des pas qui font écho aux miens ne fait que me donner raison ; mes dents se serrent sur ma lèvre au moment même où les doigts de Lily se referment autour de mon poignet, coordination parfaite, comme une scène d’un film répétée mille fois déjà. Je ne tente pas de me dégager, même si ce geste n’aurait été que trop facile, il n’effleure pas même mon esprit. Je me contente d’un pas encore, bien mois précipité, bien moins déterminé, qui laisse le temps à la jeune femme de venir se placer face à moi, stoppant, sans issue possible, mon échappée lâche et égoïste.

Mon regard se fait fuyant, aussitôt que je croise le sien à nouveau, comme une flamme d’une bougie qu’on s’amuse à traverser du bout des doigts sans prendre le risque de s’y attarder. Je m’efforce de rien laisser passer, mon impassibilité devient moins évidente qu’à l’accoutumée mais je puise les dernières forces au fond de mon âme pour afficher cet air froid, distant qui ne quitte plus mes traits, sauf peut-être pour Roxanne, mais c’est encore une autre histoire. Je ne pense pas à elle en ce moment, je ne pense à rien d’autre qu’à l’instant présent, à la douleur qui s’immisce dans les failles de ma carapace lorsque la voix de Lily reprend, bien moins forte, bien moins sûre d’elle. « Tu ne peux pas me laisser comme ça. » Et bien si, je le pouvais. Du moins… C’est ce dont j’essayais de me faire croire à moi-même, me convainquant que la déchirure que provoquait en moi son regard attristé était moindre face à celle de la vérité que je devrais lui déballer. J’aurais voulu simplement la contourner, partir ailleurs et l’oublier une fois pour toute, retomber dans la banalité de cette journée trop longue et trop ensoleillée. L’ignorer comme j’ignorais chaque personne qui croisait ma route, la laisser choir là sans le moindre état d’âme. En temps normal, cette tache, bien qu’elle puisse paraître horrible, n’aurait été que trop facile pour moi. Mais rien, rien n’était normal aujourd’hui, la blondinette n’était pas une personne parmi tant les autres, et la lueur chagrinée qui habite ses pupilles à cet instant n’a rien à voir avec ce dont je me souvenais, cette brillance malicieuse et insouciante qui animait le vert-amande de ses iris alors que nous étions plus jeunes n’est plus qu’un souvenir ; mon regard, bien que fuyant, ne manque pas de le remarquer. « Tu n'es pas obligé de me dire pourquoi tu refuses de me dire quoique ce soit sur ce qui aurait pu se produire par le passé mais... je te supplie ne me snobe pas ainsi, tu ne sais pas combien tu es en train de me faire mal. » Je ne l’écoute qu’à moitié, je n’ai pas besoin d’entendre ses mots pour comprendre que l’émotion la gagne. Je reste toujours silencieux, toujours l’air désintéressé, et pourtant mon esprit s’affole. Ce n’était pas la réaction que j’espérais, loin de là ; même si je voulais lui faire du mal, comme elle l’avait si bien dit, je n’imaginais pas qu’elle abandonnerait l’énervement, né quelques instants plus tôt au sein de la vieille bâtisse dont nous nous sommes à présent éloignés, au profit de la soudaine tristesse qui s’éprend sans retenue de ses traits. Mes sourcils se froncent doucement, alors que je me risque à abandonner les efforts que j’ai accompli jusque là pour ne pas croiser son regard en rebaissant la tête vers elle – les rôles s’inversent, puisque c’est à son tour de détourner les yeux ailleurs. J’ai envie de lui dire d’arrêter ça, qu’elle ne devrait pas souffrir de ce que je lui inflige, qu’il lui suffirait de retourner vaquer à ses occupations en se jurant de ne plus se laisser penser que notre amitié était toujours de mise. Tout serait plus facile si elle s’énervait une fois pour toute, si mon indifférence jouée à la perfection la dégoûtait et la poussait à penser que je n’en vaux pas la peine. Mais non, il fallait que ses yeux s’embrument, qu’un voile humide vienne troubler la beauté de son regard d’émeraude. J’abandonne lentement ma désinvolture au profit d’un air bien moins sûr de moi, je ne sais plus comment réagir, que faire, que dire. Elle ne semble pas moins décontenancée sous mon regard à présent rivé sur elle, puisqu’elle vient se caler tout contre mon torse, agrippant ses doigts sur ma chemise, qui vient alors éponger la première larme qui dévalait le rebondi de sa joue. « S'il te plait... Reste. Je ne veux plus souffrir. » Si le geste qu’elle vient d’avoir devrait suffire à me convaincre une bonne fois pour toute de la laisser là en plan – si je ne supportais déjà pas sa simple présence, une telle proximité aurait du me faire frissonner d’effroi -, ces quelques mots changent la donne, ne me laissent pas le temps de penser à quoi que soit d’autre que leur signification. Mes sourcils se froncent légèrement, seule exception à l’immobilité digne d’une statue de marbre que je n’ai pas quitté, même lorsqu’elle est venue se blottir contre moi. Que voulait-elle dire là ? Parlait-elle d’une souffrance que je lui avais infligée en la laissant tomber du jour ou lendemain, ou d’une autre ? Avait-elle connu elle aussi un événement tragique, ou disait-elle simplement ça par hypocrisie, comme toutes ces personnes qui se sentent obligés de faire de leurs petits tracas une catastrophe lorsque quelqu’un leur parle de ses problèmes ? Cette hypothèse n’a aucune valeur dans mon esprit, premièrement parce que je ne lui avais en aucun cas dit que j’allais mal, deuxièmement… Simplement parce qu’elle était elle, la Lily que j’avais appris à connaître au fil de ces moments passés ensemble à la bibliothèque et tous les autres n’était pas égoïste, ni hypocrite, et j’osais croire qu’elle n’avait pas pu changer du tout au tout en ces quelques mois qui séparaient notre dernière discussion et aujourd’hui. Machinalement, mes bras finissent par se glisser autour d’elle, comme si la nouvelle larme que je vois naître au coin de ses paupières avait raison de mon indifférence égocentrique. Mon geste est un peu hésitant, je ne suis pas sûr de le contrôler moi-même d’ailleurs, comme si j’étais un pantin que le marionnettiste découvre en tirant sans grande confiance les fils, néanmoins, il contraste totalement avec l’impassibilité insensible à laquelle elle a eu droit jusque là. Le silence s’installe à nouveau, bien moins pesant qu’auparavant, néanmoins je me sens comme obligé de venir le briser, d’une voix bien différente que celle que j’avais employée quelques minutes plutôt, sèche et glaciale, elle est à présent bien moins forte, bien moins dure. « Lily, je… Arrête ça, pleurer ne t’amènera nulle part. » J’aurais voulu lui dire que j’étais désolé, ces quelques mots restent résolument coincés au fond de ma gorge. Au lieu de ça, je laisse mon tact affolant parler à ma place, sur un ton presque robotique. Je n’en suis néanmoins pas dérangé ; m’excuser à cet instant était à l’opposé de mes principes, j’aurais rejoint le club de ceux qui se sentent obligés d’éprouver de la pitié, de la compassion pour les autres, ou du moins faire comme si c’était le cas. D’autant plus que, même si l’idée de base était de m’excuser de l’avoir laissée tomber si longtemps –optique qui me parait totalement dérisoire à cet instant-, mes paroles auraient indéniablement fait penser à ce qu’elle venait de me dire, comme quoi elle ne voulait plus souffrir. Comment pourrais-je me montrer désolé à propos de quelque chose que je ne savais pas ? Cette pensée me rappelle à ces hypothèses, déjà classées dans un coin de ma tête, ces interrogations concernant le sens de ses mots. Je devrais m’en ficher, d’ailleurs, comme à mon habitude, et pourtant, c’est avec un nouveau froncement de sourcils que je reprends la parole : « Est-ce que… Est-ce que ce n’est que de ma faute ? » Ce n’est qu’un chuchotement qui s’échappe de mes lèvres, comme si je me sentais honteux de la questionner alors que de mon côté, j’avais fui toutes ses interrogations.




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MessageSujet: Re: Un air de déjà vu   Un air de déjà vu Icon_minitimeDim 18 Sep - 22:31

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Je ne voulais pas le laisser partir. S'il quittait cette rue, je ne le reverrais jamais, mon subconscient le savait. J'avais agi rapidement pour pouvoir le rattraper sans savoir ce que j'allais lui dire dans un premier temps, mais quand j'avais posé mes yeux sur lui, tout était revenu, comme si c'était en fin de compte naturel. Je ne voulais en aucun cas le forcer à parler, à me dire pourquoi il avait coupé le contact du jour au lendemain car je me disais que c'était peut-être quelque chose de douloureux. Si on ne parlait plus à ses amis en un claquement de doigt c'était que quelque chose s'était produit, une chose qui pouvait prendre le goût de la fatalité. Je le savais moi même quand je m'étais murée dans le silence à la suite de ma fausse-couche et que je refusais de parler à quiconque de ce qui s'était passé. Je pouvais comprendre une forte douleur, et je la voyais bien dans le regard dur et froid de Max. J'aurais pu laisser tomber, à la suite de son indifférence, ou alors j'aurais pu m'énerver comme je l'avais si bien fait avec June, perdant définitivement son amitié. Or, c'était Max et Max restait Max quoiqu'il arrivait. Le premier jour de notre rencontre je m'étais fait virée de la bibliothèque car il voulait m'emprunter mon livre, Roméo et Juliette, mon livre préféré. La vieille en avait marre de le voir parler et m'avait mis dans le même lot que lui en me prenant le livre de mes mains, alors que je devais faire un dossier dessus, et me mettre à la porte. Etrangement, par la suite, nous avions lié une belle amitié. A présent, il était devant moi après un bon moment d'absence et je ne voulais pas qu'il parte encore une fois. Car je me disais que s'il était resté à Lewis avec tout ce qui s'était produit, j'aurais pu cicatrisé mes plaies plus facilement. J'étais sure de moi qu'il m'aurait pas lâché tant que je n'aurais pas souris et que j'aurais repris ma joie de vivre... Son absence m'avait pesé, plus que l'indifférence dont il faisait par à présent. J'avais toujours ma main autour de son poignet, je ne voulais pas le lâcher, de peur qu'il parte, de peur qu'il ne revienne jamais, me laissant avec ma tristesse. Qu'est ce qu'il aurait voulu que je fasse? Partir vis-à-vis de l'indifférence avec laquelle il jouait depuis qu'il avait posé son regard sur moi? Je n'étais pas comme ça.

En l'espace d'une minute mes traits avaient changé. Laissant place à la tristesse. Les médecins m'avaient prévenu que les premières semaines seraient particulièrement dures au niveau de l'émotion. Les hormones pouvaient encore joué avec moi, et à présent j'avais plus envie de pleurer qu'autre chose. Ressasser le passé n'était jamais bon, on ouvrait les placards et les fantômes en sortaient pour mieux nous hanter. Je ressentis ses bras autour de ma taille. Premier geste affectif qu'il me montrait depuis que les minutes de nos retrouvailles s'étaient écoulées. Max n'avait pas changé, il était juste très mal au point émotionnellement et je le sentais bien. Qu'est ce qu'il avait pu le mettre dans cet état pour qu'il soit froid envers moi, une de ses plus proches amies? Je savais qu'avec lui je pouvais lui parler de tout, qu'il aurait toujours un mot de réconfort. Pour lui ce serait pareil, alors... pourquoi ne daignait-il pas à me dire ce qu'il se passait? J'étais là, dans ses bras, dans cette rue alors que des habitants passaient sans nous prêter attention, comme dans un film. Je pleurais à chaudes larmes comme une pauvre fille. Sérieusement, je devais faire pitié à voir. En ce moment je passais des larmes aux rires et je n'en pouvais plus de ses changements d'humeur constants. On m'avait dit que cela s'estomperait au fil du temps, on m'avait même donné un numéro d'un psychologue pour parler, que j'avais déchiré et balancé à la poubelle. Je m'en sortirais même si ce serait long... « Pardon, mais j'arrive pas à m'arrêter, c'est incontrôlable. » En effet, j'avais beau essayé de relativiser, mes larmes n'arrêtaient pas de couler le long de mes joues à présent. J'avais l'impression d'être comme quand j'étais enceinte, faire une crise de larmes pour rien. Une fois Ismaël avait mangé le dernier cookie aux pépites de chocolat et j'avais fondu en larmes en le traitant de tous les noms avant de m'enfermer dans ma chambre. Pathétique. Il me demandait dans un chuchottement à peine audible si ce n'était que de sa faute. « Bien sur que non... Trop de choses se sont déroulés. J'ai perdu ma petite fille que je n'ai même pas pu serrer dans mes bras et je n'arrive vraiment pas à m'en remettre. » Je me retirais de ses bras avant de sécher mes larmes d'un revers de main. Mon maquillage avait coulé, tant pis, je mettrais mes lunettes de soleil pour que personne ne constate les dégats. Il n'était pas au courant que j'avais attendu un bébé, que j'avais essayé de devenir la meilleure mère possible pour la naissance de cette petite fille qui même si elle n'avait pas été désirée, je m'étais promise de l'élever avec tout l'amour possible, enfin, il n'avait rien su de cette fausse-couche. Il n'était pas là quand tout ça c'était produit. Mes lèvres en tremblaient encore, depuis plusieurs semaines, après la drame, je m'étais dite de ne pas pleurer chaque jour, de ne pas devenir une pauvre loche, et là je pleurais devant un ami que je n'avais pas vu depuis longtemps. Je n'avais pas relever mon regard embrumé vers lui. « Tu comptes faire encore comme si je n'existais pas? Parce que franchement, je ne le supporterais pas Max. » Je soupirais. « Je croyais que tu pouvais me faire confiance, je croyais que tu m'appellerais quand ça irait pas. J'aurais été là. »
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Maxwell Hutchinson
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MessageSujet: Re: Un air de déjà vu   Un air de déjà vu Icon_minitimeVen 30 Sep - 9:21



Pleurer. On dit que pleurer apaise la douleur, la peine. J’y croyais, j’y ai cru jusqu’au jour où j’ai compris que ce n’était qu’une connerie de plus qu’on raconte, un mensonge auquel on veut plus que tout croire. Les larmes n’amènent rien, sauf l’impression qu’on se vide, qu’on se perd. Un verre de vinaigre sur une plaie béante, de la soude sur une peau humide. J’ai pleuré quand j’étais petit, lorsque je suis tombé de mon vélo en rentrant de l’école, ou bien que j’ai appris que Travis le labrador était mort derrière la maison. J’ai grandi, on m’a dit qu’un garçon ne devait pas pleurer, alors j’ai retenu mes larmes lorsque Mary m’a laissé tomber pour le quaterback la veille du bal de fin d’année, quand mon père est venu me chercher au poste de police après une soirée trop arrosée, le regard déçu, sans me dire le moindre mot. Et puis, elles sont parties. Mon cœur et la chair de ma chair, elles sont parties, se sont envolées. Alors j’ai tout oublié, les discours d’une autre époque sur l’attitude qu’un homme doit avoir, les regards suspicieux, j’ai tout oublié pour ne plus retenir le flot de larmes qui a inondé mes yeux. J’ai pleuré, longuement, je n’ai pas honte à le dire, j’ai pleuré lors de l’éloge funèbre des deux êtres qui faisaient de moi un homme entier et heureux, j’ai pleuré seul au fond de mon lit à la clinique. Et là, j’ai compris que pleurer ne servait à rien. Parfois, l’émotion prend le dessus, on ne le contrôle pas. Mais face à une telle peine, une telle déchirure, ce n’est que perte de temps. Une sensation désagréable, les yeux qui brûlent, la respiration qui se complique, un point au cœur qui s’enfonce un peu plus à chaque sanglot. Et rien d’autre. Pas le moindre réconfort. Pas la moindre avancée. Juste des gens qui vous proposent un mouchoir parce qu’ils pensent que tout va se régler ainsi.


Je devrais peut-être me plier à l’hypocrisie du commun des mortels et en tendre un à Lily, lorsqu’elle déclare ne pas pouvoir contrôler ces larmes que l’étoffe de ma chemise vient éponger. Je me contente de la regarder, sans plus rien dire ni faire, ruiner le maquillage qui soulignait avec subtilité quelques instants plus tôt son regard. Le simple fait que je ne l’aie pas repoussée me semble déjà bien assez étrange, dangereux, incohérent pour que je me laisse aller à un tel geste. Le silence a repris ses droits sur moi, jusqu’à ce que je vienne le briser, poussé par le pressentiment de lui causer plus de peine que je ne le voudrais à lui demander si je suis la cause de sa tourmente. « Bien sur que non... Trop de choses se sont déroulés. J'ai perdu ma petite fille que je n'ai même pas pu serrer dans mes bras et je n'arrive vraiment pas à m'en remettre. » Elle aurait pu se contenter de me répondre par un mot, trois petites lettres qui selon leur nature auraient pris une tournure ou négative ou affirmative. Je n’aurais pas été bien plus avancé, c’est vrai ; c’était oui, je n’aurais rien trouvé à lui dire, c’était non, je n’aurais pas demandé à en savoir plus et nous serions donc toujours au même point. Ma question avait été stupide, contrastait avec les bases mêmes de mon caractère… de mon nouveau caractère, cette carapace hermétique et insensible. Je ne sais pas si elle l’a compris ou si elle a poursuivi sa phrase en toute insouciance, poussée seulement par l’envie, le besoin de me donner des explications. Probablement qu’il s’agissait de la chose à faire lorsque quelqu’un vous pose une telle question, je n’en ai pas la moindre idée, il y a bien longtemps que j’ai abandonné tout code de conduite, toute convention sociale. Je n’ai pas le temps d’y songer, d’ailleurs… Ses mots me percutent. J’ai perdu ma petite fille. Outre l’incompréhension qui s’éprend de moi, fronce mes sourcils et m’ôte toute retenue lorsque je la dévisage alors qu’elle quitte mon étreinte maladroite, c’est l’effroi, la douleur qui me traverse. L’horreur d’une chose que je ne connaissais que trop bien.

Je ne savais rien à ce sujet-là, elle ne m’avait jamais parlé d’une quelconque grossesse, pourtant, que je ne mets guère plus de quelques secondes à former les connexions dans mon esprit et comprendre ce qu’elle me dit. La surprise qui a animé mon regard un instant laisse place à une lueur douloureuse, bien trop émotive par rapport à son impassibilité froide habituelle. Je voulais la blesser, je voulais la fuir pour ne pas lui dire qu’Heather n’était plus là avec ses jolies boucles blondes et son sourire en banane, elle vient de me confier, sans même se douter de l’impact de ses mots, qu’elle a vécu la même chose. Enfin, à une autre mesure ; il ne pouvait s’agir que d’une fausse couche, ou bien d’un avortement, si j’en crois ses mots et le décompte des mois qui ont séparés notre dernière discussion d’aujourd’hui. Je me laisse rayer la deuxième option de mon esprit, je l’ai trop vu s’attendrir en prenant un bébé dans ses bras pour croire qu’elle ait pu prendre une telle décision. Je l’observe essuyer ses joues du revers de la main, étaler une trace charbonneuse sur quelques millimètres. Elle avait donc vécu une fausse couche. Les circonstances n’étaient pas les mêmes et pourtant je comprends en la voyant inspirer en tremblant légèrement qu’elle connait parfaitement la douleur terrible qui anime mon cœur lorsque je repense à ma petite blondinette. Elle connait la lame de ce poignard, son tranchant qui cisaille le cœur dans lequel il est planté à chacun de ses battements, à chaque respiration, seconde. Ce sentiment d’injustice, insoutenable, agressif, obsédant, de survivre à son propre sang, sa propre chair. Lily n’en sait rien, et pourtant, en me confiant sa peine, elle me renvoie directement à la mienne ; je n’ai pas le temps de m’y prendre cependant, elle reprend un instant plus tard, probablement peu désireuse de laisser un silence terrible s’installer comme je le prévoyais. « Tu comptes faire encore comme si je n'existais pas? Parce que franchement, je ne le supporterais pas Max. Je croyais que tu pouvais me faire confiance, je croyais que tu m'appellerais quand ça irait pas. J'aurais été là. » Je m’efforce de reprendre les commandes de mes pensées qui s’entremêlent et se cognent partout dans ma tête, le ton moins chevrotant, moins faible qu’elle emploie à nouveau m’aide sur ce point - pour une fois, j’ai presque envie de la remercier de me reprocher mon attitude.

Mon regard s’était égaré vaguement, je le reporte sur elle, tandis qu’elle s’obstine à garder les yeux baissés vers le sol. Ce discours m’est familier, à force de l’entendre prononcer sous différentes formes, par mes proches, mes amis. Ils auraient été là. Je sors finalement du silence qui s’ancrait sous ma peau. Ma voix est rocailleuse, hésitante, correspond parfaitement à l’air éteint qui a repris ses droits sur moi. « Ce n’est pas si simple que ça. » Si, ça l’était. J’aurais pu laisser les gens qui m’aimaient m’aider. J’aurais pu fermer les yeux cette fameuse hypocrisie qui me rebute tant. J’aurais pu accepter me laisser aller, pleurer ce malheur pour repartir sur un nouveau pied, épaulé, soutenu. Mais non, j’avais succombé à cette morsure. Une partie de moi s’était brisée, tandis que l’autre avait tout simplement disparue avec les deux morceaux de mon cœur qui s’étaient éteint lors ce cet incendie. J’étais trop meurtri, simplement. Mes mâchoires se serrent, je ferme les yeux, un instant. Trop meurtri. « Crois-moi, il vaut mieux que j’agisse de la sorte. Je… je ne pourrai plus rien t’amener de bon. » Je voulais me montrer sec, je n’en ai plus la moindre force ni l’envie, après l’avoir senti sangloter contre mon cœur. Je viens mordre ma lèvre. Ma voix a pris la consonance horrible d’un psychologue qui sort des conseils sans queue ni tête à tout va. C’est à mon tour de détourner mon regard ailleurs alors que je l’entr’aperçois redresser la tête vers moi. « Les choses ne sont plus ce qu'elles étaient, Lily. » Ma voix n’est qu’un murmure, comme une agonie. J’aimerais trouver la force de m’en aller, une fois de plus, mais j’en suis parfaitement incapable. La chaleur me semble de plus en plus étouffante, comme si, en plus du soleil qui brûle ma peau, je me consumais de l’intérieur. Mes paroles sont dérisoires, je sais qu'elles ne pourront qu'attiser un peu plus le ressentiment, pourtant je ne peux rien faire ni dire d'autre.




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MessageSujet: Re: Un air de déjà vu   Un air de déjà vu Icon_minitimeLun 3 Oct - 4:47

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Combien de jours s'étaient-ils écoulés? Combien d'heures? Combien de minutes? Je ne pouvais pas compter tellement tout cela me semblait loin. Je n'avais pas revu Max' depuis des lustres et le voir présent à mes côtés en ce moment même me laissait l'impression de rêver. Bien sur que j'avais toujours souhaité qu'il revienne à Lewis pour que cela redevienne comme avant, qu'on rigole comme deux gamins, mais je me demandais pourquoi son regard était devenu si dur, si froid envers moi alors que l'on était si soudés... En le regardant j'avais l'impression de ne jamais l'avoir connu. Ce caractère fuyant, cassant ne lui ressemblait pas. Certes ses propos me blessèrent, certes je lui en voulais de ne pas m'avoir donné des nouvelles mais à le voir souffrir ainsi rien qu'en observant ses yeux je me considérais comme la pire amie qui soit. Etait-ce simplement ma faute? Pourquoi n'avoir rien vu? Ce silence qu'il avait mit entre nous il devait y avoir une raison. Je commençais à comprendre au fil de m réflexion que le problème était sans doute de moi. Je n'avais pas été une amie présente ces derniers mois. Entre la grossesse surprise, le patron qui me plaque et qui part, mes disputes avec Ismaël, June qui m'a rayé de sa vie comme j'en ai fait de même et Zack qui revient dans ma vie. J'avais le sentiment d'avoir vécu un soap-américan à moi toute seule en l'espace de huit mois. Dans cette rue j'avais l'impression de sombrer dans l'inconnu, dans le rejet d'une personne qui vous est cher. Je voulais le supplier de ne pas me laisser dans ce chaos qui s'obstinait à rester dans ma vie. Ma mère qui ne comprenait pas mon comportement de ne pas revenir en Angleterre et de ne pas épouser un homme convenable comme ma sœur ainée, de rester ici, dans un trou perdu comme elle le disait si bien. Ici, j'avais grandi, muri, rit, pleurer. J'avais tout vécu sans que personne ne me juge comme elle le faisait si bien. Alors, en regardant Maxwell je me demandais si j'allais perdre quelqu'un de nouveau, si cette personne ferait comme si elle ne me connaissait pas et partirait dans une rue plus loin et on ne se reverrait plus.

J'avais essuyé mes larmes, laissant une trace de maquillage au passage mais je m'en moquais. Mon cœur et mon esprit me disaient de me battre afin de ne pas perdre Max. Je ne voulais pas souffrir, je ne voulais pas non plus le voir souffrir. Pourquoi mettre autant de distance alors qu'on s'adorait l'un et l'autre? « Tu ne pourras plus m'apporter rien de bon? » fis-je en répétant ce qu'il me disait. Mes sourcils se froncèrent, c'était n'importe quoi. Si je pouvais j'aurais hurler dans cette rue en lui disant ce que je pensais, qu'il avait peur de la réalité, qu'il se fermait dans un cocon de souffrance dont j'ignorais la cause. Tout le monde aurait alors sur notre vie, et des rumeurs seraient parties. Ainsi je m'étais tue un instant alors que mes lèvres étaient mordillées par mes dents. « Pourquoi faut-il que l'amour qui est si doux d'aspect, mis à l'épreuve, soit si tyrannique et si brutal? » Mon regard croisa le sien et je repris: « Tu te souviens sans doute de cette réplique de Roméo et Juliette. Pourquoi quand on te tend une main, tu pars? Pourquoi tu te montres si froid alors que l'on était si proche? Tu dis que tu ne pourras plus rien m'apporter de bon, mais qu'en sais-tu? Sais-tu déjà ce que l'avenir te réserve, Car moi non, à chaque fois que j'avance dans les heures et dans les minutes, je découvre d'autre chose. Par moment on pleure, par moment on rit, on ne sait pas ce qui peut se produire. Alors comment peux-tu me dire une phrase de la sorte? » Roméo et Juliette était le livre que je connaissais sur le bout des doigts, j'avais toujours adoré William Shakespeare, c'était ce livre qui nous avait fait connaître dans cette bibliothèque qui était à présent à quelques pas de nous. Les choses n'étaient plus ce qu'elles étaient, ca je voulais bien le croire. Ma voix était plus sereine, plus calme et posée et je le regardais toujours avec attention. Pourquoi ne se confiait-il pas? En tout cas par le manque de son alliance à son doigt je pouvais faire le lien qu'il avait du y avoir un problème avec sa femme et sa fille. D'un coup j'avais une énorme appréhension. « Tu sais que tu pouvais me faire confiance, qu'au moindre problème j'aurais été là près de toi. » Fis-je dans un murmure avant de baisser une nouvelle fois les yeux. « Tu comptes énormément pour moi pour que je te laisse fuir sans demander ton reste. »
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MessageSujet: Re: Un air de déjà vu   Un air de déjà vu Icon_minitimeMar 4 Oct - 6:13

Je l’écoute répéter mes mots, comme si elle voulait s'assurer de leur bon sens. Je reste silencieux, mon regard fuyant mais je ne peux retenir la petite moue crispée qui s'empare de mes traits. Mes propres mots me blessent, comme s'ils me confortent dans l'idée que je n'ai plus ma place ici, non seulement à Lewis, mais dans cette vie aussi. À quoi bon poursuivre cette existence si je n'en voulais plus, si elle ne servait plus à personne ? Une question qui m'a tourmenté, longtemps, si longtemps qu'elle est restée profondément ancrée dans mon esprit. Pourtant, aujourd'hui, je m'efforce de m'en séparer, j'en puise la force dans la "nouvelle" vie que je construis avec Roxanne. Ses traits parcourent mes pensées, me permettent de soupirer vaguement pour en chasser le tourment morbide dans lequel je m'enfonçais. Je reviens juste à temps sur Terre pour entendre Lily… Citer Roméo et Juliette. Une nouvelle pique s’enfonce dans mon cœur, tandis que je fuis son regard avec application. Si Shakespeare avait pu nous réunir à l’époque, à sa manière, j’ai l’impression qu’aujourd’hui il n’est là que pour mieux nous séparer. J’en veux presque à Lily de l’avoir cité, comme si elle aurait mieux fait de garder cette pensée pour elle, pour le passé. Qu’il reste un souvenir, agréable, lointain, de l’époque où tout allait pour le mieux, où je pouvais m’adresser à elle, rigoler avec elle, la prendre dans mes bras sans avoir l’impression de me consumer sur place, plongé dans un bain d’acide. Elle poursuit, longuement. Je n’écoute qu’à moitié, de toute manière, je connais le refrain. Sans réaction, sans un mot. Et puis, de toute manière…

Je ne sais plus quoi lui dire, comme si j’étais à bout de force, que j’avais déjà écoulé toutes les options qui s’offraient à moi. C’était ça, exactement ça, j’étais tout simplement démuni face à elle, face au regard encore mouillé de larmes qu’elle pose sur moi. J’ai l’impression que d’avoir couru trois marathons à la suite ; le paquet de cigarettes que je tire de ma poche me fait penser furtivement que le huitième d’une telle course suffirait à me tuer. Alors, même si je m’étais arrêté lorsque sa main m’avait retenu alors qu’il n’aurait suffi que d’un effort moindre pour m’en défaire, même si je l’avais laissé se blottir contre moi, même si cette optique me semble tout à fait douloureuse… J’oublie mon propre salut pour mieux détruire le sien. Je n’ai rien d’autre à faire que de retomber dans l’indifférence, et, puisqu’elle ne veut pas me laisser filer alors que je le lui ai conseillé, j’allais le faire avec toute la méchanceté laquelle je me suis habitué ces derniers mois.

« Tu veux vraiment citer Shakespeare ? » Un sourire se dessine au coin de ma bouche puis s’étend sur les lèvres alors que je relève les yeux vers Lily, ayant remis le paquet de cigarettes à sa place après en avoir sorti une. Il aurait pu apparaître comme tout à fait ravissant et inespéré s’il ne reflétait à ce point mon cynisme fraîchement retrouvé. Il s’efface rapidement lorsque je viens glisser la cigarette entre mes lèvres, que je l’allume à la volée. Une bouffée plus tard, que je laisse traîner en longueur, attendant que la fumée vienne brûler ma gorge pour la recracher, je casse le silence qu’elle a laissé s’installer, sentant probablement l’iceberd refaire surface. Mon regard est enjoué, brillant, absolument hypocrite et faux, lorsque j’entonne sur un ton presque théâtral quelques mots du dramaturge anglais. « Souffle, souffle, vent d'hiver ; tu n'es pas si cruel que l'ingratitude de l'homme. » Ingratitude. Les syllabes résonnent dans ma tête, sur ce petit ton désagréable, ironique que j’ai employé. Ingratitude. J’avais étudié les principales œuvres de Shakespeare comme tout le monde en étant au lycée, puis, en première année d’université, avant que je ne me tourne plutôt vers la littérature américaine, aussi maigre soit-elle. Néanmoins, j’avais retenu cette citation, pour l’avoir dénigré des années plutôt, ni trouvant alors aucun sens. Convaincu que l’Homme, même s’il agit mal de premier abord, finit toujours par flancher si on y travaille. Comment quelqu’un ne pourrait-il pas se montrer reconnaissant envers quelqu’un qui se donne un mal terrible pour lui, aussi borné, méchant, mal attentionné soit-il ? Je ne le concevais pas, à l’époque. Et puis, j’avais donné mon âme pour appuyer les dires de Shakespeare. Ingrat, j’étais un ingrat, ni plus ni moins. Tout le monde avait voulu m’aider. Mes parents, ma sœur. La famille de Zoey, malgré leur chagrin. Nos amis, les miens. Tout le monde avait voulu m’aider et j’avais repoussé tout le monde. En coupant les ponts, en mettant les choses au clair lorsqu’on se faisait intéressant. Je n’ai répondu à leurs mains tendues que par un mutisme sanglant, une indifférence parfaite, solitaire. Lily appuie cette théorie, elle est là face à moi, recevant ma réplique en retour de la confession qu’elle m’a faite en me parlant des problèmes qui l’ont ébranlée ces derniers mois, ces problèmes qui l’ont fait souhaiter ma présence à plusieurs reprises. Tout sourire s’efface de mon visage, je fronce les sourcils en tirant nerveusement sur la cigarette que j’ai dans la main droite, enfonçant l’autre dans ma poche lorsque je sens son regard s’arrêter à l’endroit où devrait se trouver mon alliance.

« Tu devrais peut-être en comprendre la philosophie et l’appliquer, avant d’essayer de placer des phrases littéraires n’importe où et n’importe quand ! » Et là, j’ai mal. J’ai mal de ne pas pouvoir me défaire de cet air assassin, j’ai mal de la regarder avec autant de mépris, j’ai mal d’entendre ces mots froids et brutaux, mes mots. J’ai mal de voir que je la blesse, je le vois à son regard qui s’assombrit, à sa poitrine qui s’immobilise, retenant son souffle au fond de sa gorge le temps d’un battement de cœur. J’ai mal, mais je ne peux pas m’en empêcher. Quoi que je fasse, la situation m’aurait fait souffrir, que je lui déballe tout ce que je m’efforçais de garder secret sur Zoey et Heather, que je lui plante un couteau dans le dos comme je venais de le faire. Il n’y aurait eu qu’une seule autre option, une autre chance, mais je l’avais gâchée au moment où je m’étais arrêté de marcher, de m’échapper sans plus un mot. C’était sa faute, finalement, elle aurait dû me laisser disparaître comme tout le monde l’avait fait, me prendre pour un con de première et ruminer son mécontentement quelques jours avant de m’oublier. Mais non, elle tenait trop à moi, elle était trop humaniste pour accepter ça. Ce qui hier me faisais l’adorer, aujourd’hui, paradoxalement, me fais la détester. Je l’avais pourtant prévenue. Je n’étais plus le même, je ne le serai plus. J’avais voulu qu’elle me laisse, qu’elle m’abandonne, mais elle s’était accrochée. « Et puis merde, tu ne comprends pas que je ne veux plus te voir ? »



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MessageSujet: Re: Un air de déjà vu   Un air de déjà vu Icon_minitimeVen 7 Oct - 5:06

Je n'en croyais tout simplement pas mes yeux. Devant moi, à cette heure précise, un homme, que j'avais considéré comme un de mes plus proches amis, venait de me planter un coup de couteau en plein cœur. J'avais la gorge serrée et mes larmes montaient à mes yeux quand je voyais sur quel ton il me parlait. Moi, moi qui l'avait toujours soutenu par les années passées, qui avait toujours eu un mot pour le faire rire. Moi, c'était à moi qu'il parlait ou plutôt criait dessus en ce moment même. Il voulait que je parte de sa vie, que je la quitte comme si tout ça, tout ce passé n'était que devenu poussière. Comment osait-il me demander une chose pareille? Ne comptais-je plus même un minimum à ses yeux? Est-ce que tout ce qu'il avait dit par le passé était foutaise comme notre amitié si je comprenais ses mots? J'avais cité Shakespeare, comme une bouée de sauvetage pour retrouver celui qui m'était cher. En échange je n'avais eu le droit qu'à une réplique cinglante, celle que je n'aurais jamais souhaité sortir à un proche. Mes poings se serrèrent et j'essayais tant bien que mal de ravaler mes larmes devant lui. Je ne voulais pas paraître faible, mes larmes, il ne les méritait pas. Il insinuait quoi avec ce vers? Que j'étais tout simplement ingrate? Ingrate envers quoi? Envers lui? Celui qui avait disparu du jour au lendemain? Non c'était trop demander à mon petit cœur et mon petit esprit de supporter son apparence hautaine et ses remarques cinglantes. Mes ongles rentraient dans ma chair à force de serrer les points et si ca ne tenait qu'à moi je lui aurais assigné une gifle en pleine rue, sur la joue, en lui laissant une belle trace de main. Je n'allais pas me rabaisser à ce niveau, non pas pour lui.

J'avais remis une mèche de mes cheveux derrière mon oreille avant de l'observer d'un regard noir et profond. Je m'étais mordue la langue pour m'empêcher d'en venir aux insultes mais mon action précéda rapidement mes pensées. «Le chagrin, à certaine dose, prouve beaucoup d'affection; mais à trop forte dose, il prouve toujours quelque faiblesse d'esprit. » J'aimais cité les auteurs, pour leurs œuvres, pour leurs talents. A notre époque on oubliait que certaines phrases de notre vocabulaire étaient inculqués par eux. Je le fusilla du regard en sentant couler une larme sur ma joue. [color=crimson]« T'es vraiment un connard Max'. » Fis-je entre mes dents serrées. Oui c'était un connard et si j'avais eu du bon sens je serais partie en ne me retournant pas vers lui. « Alors c'est comme ça pour toi? C'est la fin? » Mes larmes coulaient de nouveau et je n'en avais strictement rien à faire. Les passants autour de nous devaient se demander si l'on ne répétait pas un extrait pour une pièce de théâtre ou pour un film. Hors, c'était la stricte et triste vérité: Maxwell ne voulait plus de moi dans sa vie. « Tu rayes près de cinq ans d'amitié en un seul coup de chiffon? » Je le regardais au plus profond de ses yeux sombres sans trembler. « T'as fait ça aussi avec Zoey? T'es vraiment un connard sans cœur. » En mentionnant le prénom de celle qui avait fait parti de sa vie – plus d'alliance était synonyme de rupture non? Ou encore de décès? Dernière hypothèse que je refusais dans ma tête d'accepter. Vu son comportement, pas étonnant qu'elle soit partie j'aurais fait pareil. J'avais essuyé mes larmes d'un revers de main sans pour autant quitter ses yeux et son air. La souffrance pouvait se lire mais à présent, je n'avais plus l'envie ni la volonté d'aller vers lui et de demander ce qui n'allait pas et qu'il pouvait tout me dire. « Tu rejettes les gens, tu ne peux t'en prendre qu'à toi-même. Je n'ai plus envie de t'aider, tu m'as écœuré, ce qui était ton but je suppose? » Je ne l'avais pas frappé, je n'avais pas élevé la voix. Pourquoi? Peut-être car cela n'aurait servi à rien? Je remis mon sac correctement avant de remettre mes lunettes de soleil sur mon visage. « Crève Max'. » J'allais tourné les talons mais je m'arrêta un moment. Et si l'hypothèse était finalement vraie? « Oh et... » Je m'arrêta un instant avant de me pincer les lèvres puis de le regarder en gardant un air offensé. « ...si par hasard Zoey était décédée, vu que tu ne portes plus ton alliance, je suis sure qu'elle n'aimerait pas ce que tu fais en ce moment. Tu ne serais donc plus celui qu'elle a aimé, et tu serais à ses yeux un mec horrible, stupide, crétin, con et tout ce qui s'ensuit. Bravo franchement. Bel hommage. » Fis-je avant de tourner les talons et de commencer à marcher sous cette chaleur torride. C'était pas tout mais j'allais surement attraper des coups de soleil avec cette histoire, ma peau était brûlante.
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MessageSujet: Re: Un air de déjà vu   Un air de déjà vu Icon_minitimeSam 8 Oct - 6:43

Un rire s’échappe de mes lèvres lorsqu’elle cite à nouveau Roméo et Juliette, comme si elle avait décidé pour de bon d’associer l’œuvre de Shakespeare cet échange, bien inhabituel face à l’amitié, l’affection que nous avions jusque là partagées. Un rire qui n’a rien de vrai, de chaleureux, ce ne sont que des soubresauts glacials de ma voix, les balles d’une mitrailleuse tirées en réponse à son regard qui me fusille. Comprenait-elle seulement que le sens de ses paroles s’appliquait tout aussi bien à elle qu’à moi, si ce n’est plus ? Une nouvelle larme dévale la ligne brillante que ses devancières ont formées il y a bien des minutes déjà, comme pour confirmer cette pensée. Comment pouvait-elle insinuer que mon chagrin, trop grand, reflétait une faiblesse, alors qu’elle-même ne s’arrêtait plus de se lamenter sur son sort, incarnant la Cosette des temps modernes ? Cette réflexion brûle sur mes lèvres, l’énervement qui s’immisce en moi me crie de la lui glisser sur le même ton désagréable et désinvolte que j’ai adopté un peu plus tôt mais je me ravise, sauvé par le gong de la nouvelle insulte qu’elle m’adresse. Elle m’assassine du regard mais, pourtant, l’air furieux qu’elle arbore a l’effet immédiat de me calmer ; j’en ai fait assez. Elle me déteste, le sentiment qui l’anime à mon égard étouffe enfin toutes ces bribes d’amour, d’affection qui la poussaient à vouloir m’aider, me comprendre. J’ai fini par obtenir ce que je voulais, ce que je veux toujours obtenir, de quiconque s’attarde sur ma route. J’ai sa haine, ou du moins sa remontrance, si l’on garde un peu plus de raison. Je l’ai eu finalement, aussi douloureux soit-elle. Je sais néanmoins que cette impression de souffrance ne sera que de courte durée, puis je me sentirai un peu moins lourd, un peu moins inquiet de croiser la route de gens que j’ai pu connaître par le passé, comme un pansement qu’on arrache d’un coup sec sur une plaie qui cicatrisera ensuite plus vite.

Je ravale donc ma nervosité, mon énervement, au profit d’un air parfaitement impassible. Le sarcasme a pu un peu plus tôt animer mon regard d’une lueur étrange, il est à présent éteint, totalement vide. J’ai abandonné mon cynisme au profit de la patience, je n’ai plus qu’à attendre qu’elle vide son chargeur de reproches sur moi et qu’elle s’en aille, que les choses se fassent, simplement. Ce n’est donc que ce silence de plomb que je lui offre en guise de réponse à la question qu’elle me pose – peu importe, je ne suis même pas certain qu’elle attendait réellement que je lui réponde. Et là, elle allait s’en aller. Tourner les talons en bourgeonnant, en m’insultant, en me maudissant. Elle aurait dû le faire, quitte à décharger sa colère en me frappant si elle avait encore quelques reproches à me faire, qui la frustrerait si elle ne pouvait pas les exprimer, quelque soit la manière. Mais non, elle reprend, de plus belle, tranchant l’air d’une fois raisonnée mais terriblement froide.


« T'as fait ça aussi avec Zoey? T'es vraiment un connard sans cœur. » La lame s’enfonce, se tord, chauffée à blanc. J’aimerais pouvoir m’offusquer de ses propos, j’aimerais que ses dires soient vrais et que je me sois comporté de la sorte avec Zoey, pour une raison quelconque. J’aimerais avoir été un connard avec elle, l’avoir fait souffrir, me détester plus qu’elle n’ait jamais pu m’aimer. J’aurais voulu la voir me quitter la fois de trop, l’avoir entendu me crier mes quatre vérités ses valises dans une main et celle de notre fille serrée dans l’autre, avant qu’elle ne claque la porte de notre appartement. J’aurais souhaité me retrouver face à un juge qui prononcerait notre divorce, peu importe qu’il soit fracassant, injuste. La voir s’en aller loin de moi, avec Heather, que j’aurais pu voir un week-end par mois, peut-être moins. J’aurais tellement voulu ça. Mais non, je ne peux pas m’offusquer de ses propos. Je ne peux pas les trouver déplacés mais vrais. Je ne peux que souffrir, je ne peux que sentir mon cœur se déchirer lorsqu’elle prononce le prénom de celle que j’ai tant aimé et qui ne reviendra jamais, quoi que je fasse. L’assaut est trop fort, trop violent, mon air impassible s’efface au profit d’une tristesse bien trop violente pour qu’elle ne la remarque pas. Peu lui importe ; elle ne sourcille pas devant mon regard soudain blessé dans lequel elle a planté ses prunelles d’émeraude. Elle poursuit sur sa lancée, inconsciente qu’elle vient de mettre le doigt sur la raison de toute cette tourmente qui m’a fait aujourd’hui la traiter de la sorte. Je baisse les yeux, incapable de savoir si j’ai envie de transformer cette vague de chagrin en une colère que je déchargerais sur elle, brisant alors la patience que j’ai instauré en moi depuis quelques instants en espérant qu’elle s’en aille, ou, au contraire, intérioriser, jusqu’à ce qu’elle tourne les talons. Je ne l’écoute plus que d’une oreille distraite, pourtant, elle reprend mon attention lorsqu’elle marque un petit silence, avant de me glisse : « Crève Max'. » Si seulement. Je viens mordiller ma lèvre inférieure pour apaiser le tourment qui s’éprend de mon âme, nez à nouveau baissé vers le sol, essayant de chasser la moindre trace d’émotion de mes traits. Plan exécuté. Je peux désormais la rayer de la liste des personnes qui risquent de vouloir retrouver le Maxwell souriant et chaleureux qu’ils ont pu connaître par le passé, si nos routes venaient à se croiser. Elle va tourner les talons, me laisser tomber, me laisser oublier ces souvenirs bercés d’acide, de douleur. Elle va tourner les talons… Mais me poignarde une dernière fois, au moment même où je me libérais de la carapace que je m’étais forgé, trop fatigué par son poids, certain qu’elle n’insisterait plus. Coup de grâce, le couperet s’abat sur ma nuque, me glace, de la tête au pied. Elle se détourne, s’éloigne, laisse ses mots résonner en moi. Bel hommage. Comment osait-elle ? Elle n'a probablement pas conscience de la véracité de ces dires. Peu importe. Elle n'a pas le droit de me dire ça, elle n'a pas le droit d'insinuer que je bafoue la mémoire d'une femme qui, en perdant la vie, m'a arraché la mienne, peu importe la manière dont je me comportais, peu importe ce que je faisais subir aux autres. Une décharge parcourt mon échine alors qu'elle s'éloigne, j'emboîte son pas immédiatement.


« Si par hasard elle était décédée? Non mais, tu te prends pour qui pour parler d’elle comme ça ? » Ma main s’est posée sur son épaule et je la retourne dans la foulée, brusquement. Les mots se bousculent à mes lèvres, j’ai envie de lui hurler dessus tout ce que j’ai tu depuis trop longtemps. Je n’ai plus la moindre aptitude à peser mes paroles, peu m’importe que je trahisse la triste vérité qu’elle a évoquée sans même vraiment le savoir, j’abandonne toute retenue. « Tu penses que de te faire repousser te donne le droit de prendre le reste du monde pour de la merde, des gens sans importance ? » Ma voix a cette fois-ci considérablement gagné en puissance, je voudrais planter mon regard électrique dans le sien, la glacer avec autant d’effroi qu’elle l’a fait en venant piétiner les débris de mon cœur insinuant que je violais la mémoire de ma femme, mais les lunettes de soleil qu’elle a pris soin de reposer sur son nez m’en empêche. C’est la goutte de d’eau en trop, mon sang bouillonne de trop pour que je me passe de cet exutoire, alors, je me tourne vers un autre ; ma main, toujours sur son épaule, vient appuyer avec force sur sa clavicule, imitée par sa comparse une fraction de seconde plus tard. La pression de mes doigts font perdre inévitablement l’équilibre à la frêle demoiselle, elle recule d’un grand pas pour se rattraper et se retrouve ainsi adossée au haut muret, là derrière. Je m’approche sans raisonner si même regretter mon geste, mes poings se serrent pour ne pas aller plus loin. Seul un passant m’arrache un instant à la fureur qui s’empare de moi à mesure que mes yeux restent posés sur elle, il ralentit la cadence en passant à nos côtés. Je tourne un regard fébrile vers lui ; dans l’hypocrisie, la lâcheté de l’être humain, il se désintéresse totalement de nous lorsqu’il se rend compte qu’il n’est pas le bienvenu et reprend son chemin sans plus attendre. Je serre les mâchoires, reporte mon attention sur Lily, le type aussi lâche soit-il a au moins eu le mérite de calmer un peu l’ouragan de mes pensées. Je l’observe une seconde en silence, puis, devançant n’importe quelle réaction de sa part, je reprends, un ton plus bas, plus assassin. « Et toi, Lily, si par hasard ta propre gosse pouvait te voir, tu crois qu’elle serait fière de toi ? À la jouer mélodrame, comme si ta vie était la plus injuste qui soit parce que tout ne va pas dans le sens que tu le voudrais ? » Mes sourcils se froncent, un sourire se glisse au coin de mes lèvres, hargneux. « Enfin, la question ne se pose pas, puisque tu n’as même pas été foutue de la garder en vie… »




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MessageSujet: Re: Un air de déjà vu   Un air de déjà vu Icon_minitimeSam 8 Oct - 7:38

Je ressentais une vive douleur sur ma clavicule. A peine avais-je tourné les talons qu'il m'avait rattrapé, fou furieux. Je ne l'avais jamais vu dans un état pareil et une partie de mon être me disait de fuir en courant avant de mourir assassinée. Je me demandais s'il savait la douleur qu'il était en train de m'inculqué à une, puis à mes deux épaules. Sérieusement, on ne lui avait jamais appris à ne pas brutaliser les femmes? Enfin pour lui je me prenais pour je ne sais qui car j'avais mentionné Zoey. Je n'avais jamais rien eu contre elle, au contraire j'avais même été contente pour le mariage de Maxwell. Jamais, au grand jamais je ne l'avais insulté, l'avait frappé, rien. Or, aujourd'hui je me demandais si elle serait contente de voir comment était rendu son époux. Un brute qui n'avait plus de cœur, qui ne voulait plus de personne dans sa vie. Non surement pas. Elle avait toujours été douce avec lui et je me souvenais de leur mariage, quand elle l'avait couvert d'un regard plein d'amour et que je m'étais dit, que moi aussi je voudrais ça plus tard. Maxwell et Zoey c'était le couple de l'espoir, de l'amour pour moi. C'était ce qui me montrait que dans la vie on pouvait être heureux avec l'être aimé, et que n'importe ce qui pouvait vous arriver, il y aurait toujours quelqu'un à vos côtés pour vous soutenir. Oui c'était tout ça, et maintenant? Il n'y avait plus rien, que des souvenirs et un Maxwell qui pouvait me déboiter la clavicule à tout moment. Si je n'avais pas eu mes lunettes de soleil sur le visage, il aurait pu constater mon regard effrayé. A ce moment précis je pensais à Zackary. Tout ce qu'il avait fait n'était rien comparer à ce qui était en train de se produire, et j'en mettais ma main au feu que s'il voyait ça en ce moment même il serait venu me défendre, comme Ismaël. Au lieu de ça, il fallait que j'apprenne à me débrouiller toute seule, et même si j'avais de la réserve, face à Max j'étais un véritable poids plume.

De mes mains frêles je le repoussais, j'avais presque perdu l'équilibre avec la puissance qu'il avait mit dans son étreinte. Pour qui je me prenais? Pour personne à part quelqu'un qui venait d'être profondément blessé. « Je n'ai jamais dit du mal de Zoey, jamais. Elle et toi je vous respectais pour ce que vous étiez l'un et l'autre. Ne me dis pas ce que je n'ai pas dit. » Je passa une de mes mains sur ma clavicule en la massant légèrement, ce ne serait même pas étonnant que j'ai un hématome demain matin vu comment il avait appuyé dessus. Un homme était même passé au ralentit près de nous, comme s'il avait peur qu'il m'arrive quelque chose. Oh, au pire juste un séjour à l'hôpital. De toute manière je n'allais pas me laisser faire, et tant pis si cela aurait pour conséquence un combat en pleine rue. Je le vis serrer les poings et je me demandais s'il ne faudrait pas que je glisse rapidement contre le mur pour prendre la fuite avant de me retrouver pris entre ses mains. Non. « Vas-y! Frappe-moi! Tu dois en avoir envie après tout puisque tu ne veux plus de moi! Ça te soulageras! Frappe! » Finis-je en haussant la voix, alors que quelques passants se retournèrent vers nous. Oui vas-y Max, frappe, frappe qu'on voit le beau crétin et salopard que t'étais devenu. Mes dents se serrèrent, mes mâchoires se contractèrent, je n'avais plus été aussi énervé depuis un bon nombre d'années. Même contre Ismaël ou Zackary cela avait été différent. Je sentais mon cœur cogné dans mes temps, mon sang bouillonnait et je savais que je ne pourrais pas me canaliser longtemps. J'avais tellement accumulé ces derniers temps. En me parlant de ma fille, je pouvais ressentir mon estomac se contracter. C'était la pire chose que l'on pouvait me faire, et pourtant il le faisait avec un ton plus qu'assassin. Il me détestait tant que ça? Il fallait le croire. « Mélodrame? En tout cas moi je ne jette pas les gens de ma vie du jour au lendemain, il faut croire que cela devient une mode au fil des mois! » Et là... Ce fut la parole de trop. J'en avais même le souffle coupé, les larmes me brulaient les yeux et j'aurais voulu hurler de douleur tellement la sensation que je ressentais me brisait. Non, il n'avait pas le droit de dire ça. J'avais culpabilisé, et c'était les médecins, Zack, Ismaël qui m'avaient refait monté la pente en déclarant que c'était un accident que je n'y avait été pour rien, que cela arrivait. Qu'est ce qu'il en savait lui. Sans que je m'en rende compte, ma main s'était mise à trembler avant que je lui assigne une gifle, puis deux, puis trois, puis quatre. Des coups violents dû à la douleur que je ressentais. « Comment tu peux me dire une chose pareille?! » Mes larmes coulaient sur mes joues en cascade et je me sentais au bord d'un gouffre à ce moment précis. Il ne fallait pas qu'il me blesse, il ne fallait pas qu'il m'atteigne. Je le regardais avant de lui mettre une dernière gifle. Cinq gifles en une fraction de seconde, je me demandais si ce n'était pas un record pour lui. Je le poussais de mes mains violemment. « T'es vraiment le pire des connards sur Terre! Tu veux qu'on fasse celui qui est le plus méchant? Sérieusement tu remporterais la palme! Moi je n'ai jamais dis quoique ce soit de blessant, je me demandais vraiment si c'était vrai pour Zoey, qu'elle soit morte vu le non-port de ton alliance et j'aurais préféré un divorce à ça. Car moi par rapport à toi, je n'enfonce pas les gens dans leur malheur. » Je m'étais stoppée avant de le regarder, les dents serrés, l'air dégouté et furieux.
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MessageSujet: Re: Un air de déjà vu   Un air de déjà vu Icon_minitimeDim 9 Oct - 8:04






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Ma réaction pourrait paraître déraisonnée, excessive ; c’est tout à fait vrai. Les mots qu’elle avait prononcés n’avaient rien de déplacés, mais pourtant… Pourtant ils me blessaient comme le tranchant aiguisé d’une lame, une brûlure au troisième degré. Lily est honnête lorsqu’elle réplique ne rien avoir dit de mal, en me repoussant avec autant de brusquerie que je l’ai fait, après un instant de silence, de surprise. Elle le pense, et pourtant, c’est un mensonge, un mensonge auquel elle croit. Le simple fait de prononcer son prénom était déjà un mal et elle l’avait répété, inconsciente, se laissant même aller à la supposition que si Zoey me voyait, elle ne serait en rien fière de moi. Elle n’avait pas idée de la douleur que m’infligeaient ces paroles, elle n’avait pas idée de ce que j’endurais, en silence, d’à quel point il me coûtait d’être aussi désagréable avec elle, avec tout le monde. J’aimerais pouvoir tout recommencer, comme avant, je voudrais pouvoir recroiser une amie au détour d’un rayon de bibliothèque et la serrer dans mes bras, rattraper le temps perdu comme si de rien n’était, riant, discutant, s’amusant. Mais je ne peux pas, quoi qu’on fasse, quoi qu’on dise. Ma solitude me tue à petit feu mais je sais qu’elle est préférable à tout le reste, à tous les regards interloqués que je croiserais si les gens venaient à me demander des nouvelles de ma femme, les sourires gênés lorsqu’on me questionnerait sur les progrès de ma fille. Je ne supporterais pas leur réconfort mal à l’aise parce qu’ils ne sauraient quoi me dire, tout comme je souffrirais un peu plus lorsqu’ils évoqueraient de vieux souvenirs, convaincus qu’il s’agit d’une bonne idée. Je souffre de l’absence de tous ces gens qui ont fait de moi un jour un homme heureux, entouré, mais je préfère cette souffrance à celle que m’infligerait la vérité. Lily ne savait rien de tout ça, absolument rien. Alors comment osait-elle me dire que Zoey ne m’aimerait pas tel que je suis aujourd’hui ?

Je vous respectais pour ce que vous étiez l'un et l'autre. L’imparfait m’écartèle, me terrifie, gonfle mon cœur lacéré. Si mon visage reste dur, menaçant, mon âme se tord, une fois de plus. J’ai horreur de ce temps, je hais plus que tout le passé, et pourtant j’y suis constamment perdu, dans mes songes, dans mes souvenirs. Je ne connais plus le futur, mon présent n’a plus d’importance, même si Roxanne s’attèle à changer cette donne, mais c’est autre chose encore, une chose à laquelle je suis bien loin de penser à cet instant, mon regard furibond parcourant les traits de la jeune femme que je viens de bousculer, sans le moindre état d’âme. Elle hausse le ton à son tour, m’encourage à la frapper, j’enfonce avec force mes ongles dans mes paumes en serrant les dents. Mon sang bouillonne, j’ai l’impression que ma respiration n’est que vapeur. Je meurs d’envie de l’écouter, mais ma raison l’emporte, je suis incapable de bouger, comme pétrifié de peur de faire une erreur. Un retour de conscience ? Non, simplement mon inconscient qui agit. Je n’ai jamais été capable de me montrer violent envers un homme, de frapper le premier lorsqu’on me cherchait, alors, la frapper, elle… Pourtant j’en meurs d’envie. Qu’elle se taise, qu’elle arrête de crier alors que je la suppliais intérieurement de s’en aller, de comprendre que je n’en vaux pas la peine. Je ne sais même pas si elle le ferait, trop fière de pouvoir me démolir en me prouvant par mon propre geste que j’étais vraiment le type horrible qu’elle me décrit depuis le début de cette dispute. Je me surprends même à souhaiter la présence de ma petite sœur, entre deux pensées, électriques, insensées. Elle n’aurait eu aucun mal à lui régler son compte comme elle l’avait fait à chaque fois que j’avais été incapable de me défendre de moi-même, aussi amicale avait-elle pu être avec Lily les quelques fois où elle l’avait vu avec moi. Mais non, elle n’est pas là, elle ne sera plus jamais là, puisqu’elle, elle a abandonné, elle a laissé tomber lorsque je l’ai repoussée sans émotion, elle ne s’est pas évertuée à me pousser à bout, à me montrer quel connard j’étais devenu. Alors, je me tourne vers mon dernier recours, mon arme ultime, mon exutoire, mon cynisme.

La réaction ne se fait pas attendre, alors que nos voix s’entremêlaient, chacun cherchant à crier plus fort que l’autre, Lily se tait, écoute ce que je lui crache avec haine. Les paroles s’échappent toutes seules, je voudrais pouvoir le regretter mais je ne peux que lui sourire, mesquin, nerveux. Je me dégoute mais je n’y prête plus attention, elle l’a cherché, elle a cherché cette réplique qui glace instantanément l’atmosphère. Je devrais m’en vouloir, je ne peux qu’apprécier, à demi mesure, les traits de son visage qui s’immobilisent, sa bouche qui s’entrouvre pour prendre un souffle qui restera coincé dans sa gorge une fraction de seconde. Je sais que lui planter un poignard dans le cœur l’aurait moins fait souffrir ; je m’en délecte, hors de moi, hors de toute réflexion. Puis la gifle, la seconde, j’arrête de compter encaissant les frappes auxquelles je m’attendais. Les gestes sont violents, d’une force insoupçonnée mais je m’en fiche, la douleur qui survient n’est rien comparée au gouffre qu’elle a rouvert, la blessure qu’elle a ravivé en parlant de Zoey et de ses soupçons sur son décès, comme si ça n’avait rien de grave, rien d’exceptionnel. Ce n’était pas faux, en soi, ce sont des choses qui arrivent à tout le monde, tout le temps, partout. Mais elle n’avait pas le droit d’être aussi détachée. Elle n’avait pas le droit d’en parler comme d’un banal événement. Les gens pensent toujours pouvoir le faire, mais ne savent jamais ce à quoi ils s’attaquent, ils n’ont jamais été touchés par ce genre de chose. Et ce n’est pas parce que justement, eux, ont du recul, ils sont simplement inconscients, ils n’ont aucune idée de ce que voir son monde, sa vie s’écrouler en une fraction de seconde peut faire. Ce n’était pas que ma femme, ma fille que j’avais perdus, c’était mon tout, mes espoirs, mes habitudes, mes repères. Tous mes projets tombaient à l’eau, du plus banal au plus réfléchi, plus rien n’avait de sens. À quoi bon vivre une vie dont on ne veut plus rien ? Je m’étais retrouvé seul, plus seul que jamais je ne pourrais l’être, comme le dernier survivant d’une espèce éteinte, un amnésique qui sort du coma là où personne ne le connait ou ne veut de lui. Sa main s’abat une nouvelle fois sur ma joue, je ne bouge toujours pas, encaissant sans rechigner comme si j’étais bien loin d’ici, hors de mon enveloppe charnelle. Mes yeux rivés sur elle, je la vois reculer légèrement, sa main tremblante retombe le long de son corps. Je me demande un instant si c’est terminé, si elle est las de me voir la blesser et rester impassible à ses attaques physiques. Cette pensée à le mérite de me faire revenir sur Terre, reprendre mes esprits, aussi désordonnés soient-ils. Juste à temps pour profiter pleinement de la dernière gifle qu’elle m’assène, à sa juste valeur cette fois-ci, j’ai tout le plaisir à présent de sentir l’onde de douleur parcourir mon visage, contracter brutalement ma mâchoire. Je fronce les sourcils, garde un silence de plomb mais reprend le regard assassin que j’avais abandonné en me déconnectant de l’instant un peu plus tôt. Elle me pousse à nouveau, je ne peux que reculer d’un pas pour mieux me ravancer ensuite. Je l’écoute répéter le même discours, elle était l’innocente et moi le méchant, je l’écoute sans vraiment le faire puisque j’ai l’impression que ces mots se répètent, inlassablement, je tente de la couper mais rien n’y fait. Elle finit par se taire, ma voix reprend le dessus, forte, glacée. « Arrête Lily, arrête de la jouer pauvre innocente ! Tu crois que tu peux me dire que je rebuterais Zoey si elle me voyait, si par hasard elle n’était pas décédée , sans que ce soit blessant ? Je n'ai jamais demandé ton aide, j'ai juste voulu que tu me foutes la paix, c'est toi qui a tout rendu plus compliqué ! Tu penses que je suis comme ça par plaisir, je ne me dégoûte pas autant que je te dégoûte toi ? T’as pas la moindre idée de ce que je peux ressentir depuis qu’elle est morte ! » Ma voix s’étouffe. Mon sang, du statut de lave en fusion, passe à celui de glace dans mes veines. Je me sens soudainement vidé, vidé de tous les cris que j’ai retenus jusque là, vidé de tout énervement, de toute haine. De toute force. Je baisse la tête, mord avec force ma langue comme pour me punir moi-même d’avoir été trop faible pour ne pas parvenir à tout intérioriser, comme d’habitude, pour ne pas avoir simplement garder ce sourire ignoble, cynique. « Tu sais quoi Lily, c’est vrai. Je suis le pire des connards de cette Terre. Alors ne perds plus ton temps et casse-toi, pour la dernière fois. » Ma voix est à nouveau basse. Je la voudrais posée, cassante, mais ce n’est presque qu’un murmure. Qu’elle s’en aille, puisque je n’avais plus aucune valeur, elle perdait son temps, sa patience, même si c’était pour s’énerver sur moi, se décharger. Elle devrait s’en aller, m’oublier. Enfin.



Dernière édition par Maxwell Hutchinson le Mar 11 Oct - 6:24, édité 2 fois
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MessageSujet: Re: Un air de déjà vu   Un air de déjà vu Icon_minitimeLun 10 Oct - 4:18

    Si j'avais su, oui j'aurais fait demi-tour, je serais partie et j'aurais effacé Maxwell de ma vie, et il n'aurait été plus qu'un souvenir. Or, mon cœur ne voulait pas, mon esprit me criait de partir et de le laisser dans sa détresse, de ne pas me faire souffrir, mon cœur lui, me disait de rester et d'aider mon ami. J'avais un cœur en or, voir trop, comme le disait mon meilleur ami. Il fallait que je pense aussi à moi. Quand il m'avait dit de partir la première fois, quand il avait fait comme si je n'existais plus à ses yeux, oui j'avais souffert mais je voulais rester dans sa vie car je tenais énormément à lui. Pour lui cela ne devait plus être le cas vu ce qu'il venait de me dire, de parler de ma fille, de me faire sentir coupable de ce décès alors que ce n'était qu'un accident. Tout le monde m'avait rassuré et voilà que je ressentais un immense poignard me blesser en plein cœur. Qu'est ce qu'il croyait? Il croyait car moi je n'avais pas eu le temps de faire connaissance avec la chaire de ma chaire qu'il pouvait me parler ainsi? Oui je n'avais pas eu le temps de la prendre dans mes bras, de la consoler, de l'entendre dire ses premiers mots, mais ce n'était pas pour ça que je ne l'avais pas aimé. Mon corps avait pris le dessus sur la raison, je lui avais assigné plusieurs gifles à la suite, je ne m'en étais rendue compte qu'une fois que j'avais arrêté. Ma main tremblait et je ressentais une douleur brulante sur ma paume. Je n'avais pas l'habitude de frapper les gens, mais il avait dépassé les bornes. Qu'était devenu le Max que j'aimais tant? Celui qui riait avec moi jusqu'à ne plus s'arrêter? Celui que je pouvais appeler à n'importe quelle heure si j'avais un problème quelconque? Devant moi ce tenait une personne sombre, angoissante et qui me donnait des frissons. Une personne qui n'avait rien à voir avec mon ami. Je comprenais au fond de moi, que le Maxwell que j'avais connu était mort, enterré et que je ne le retrouverais plus jamais. C'était donc à mon tour de faire le deuil d'un ami que je ne retrouverais jamais.

    Je l'écoutais à peine, pourquoi écouter une personne que l'on ne connaissait pas? Pourtant il m'accusait de jouer l'innocente, et un rictus sortit de mes lèvres. Moi? L'innocente? Avec ce qu'il venait de me sortir? Chaque femme dans ce monde aurait fondu en larmes pour une phrase pareille, sauf que c'était un homme et il ne se rendait pas compte du mal qu'il faisait, des piques qui me faisaient souffrir. Connard. Pensais-je dans mon esprit. Je regardais ailleurs pendant qu'il me parlait. Je ne savais pas ce qu'il pouvait ressentir depuis qu'elle était morte? Non je ne pouvais pas savoir en effet, et faut dire que monsieur-je-me-mure-dans-mon-silence-et-je-t'emmerde-profondément n'aidait pas du tout. Je releva ma tête vers lui, les sourcils froncés, heureusement pour lui que mes lunettes de soleil cachait mon regard sombre, on aurait pu voir des éclairs en sortir pour le foudroyer sur place. « C'est sur que l'on ne peut rien savoir du tout, vu comment tu repousses les gens. Mais tu sais quoi? En effet ce n'est pas mes affaires, et t'as qu'à te démerder tout seul! Après tout, je ne suis plus rien pour toi, donc je vais m'effacer de ta vie, et comme ça tu pourras respirer tranquillement non? Après tout je ne courrais plus dans tes pattes! » Je n'avais plus rien dit sur Zoey. Zoey je l'avais longuement apprécié, c'était une femme extraordinaire et comme je l'avais plus tôt son amour avec Max m'avait carrément fait rêver! C'était à quoi je m'étais accrochée à chaque fois que je souffrais dans une relation. A présent, j'évoluerais seule, sans modèle et ce serait peut-être mieux pour ma vie. Je remis mon sac sur mon épaule normalement, j'allais peut-être retourner à la bibliothèque reprendre les livres que je n'avais pas pu emprunter et rentrer faire mon article à mon appartement. Nos chemins allaient définitivement se séparer, je m'en doutais, et même si cette pensée me tordait l'estomac, je me disais que ce serait mieux pour nous deux.

    Une partie de moi aurait voulu tendre la main, la poser sur sa joue et lui dire que tout irait bien à présent. Une autre disait que tout était fini, et que je n'avais plus à faire des efforts vains pour me faire repousser par la suite. J'écoutais la deuxième et tandis qu'il me disait de partir définitivement je ne fis qu'acquiescer d'un hochement de tête. « Je crois qu'en effet je vais partir, et cela pour toute ta vie de Max'. Tu ne veux pas d'aide, débrouilles toi. Après tout je ne joue que l'innocente dans ce théâtre de la vie, et je ne serais d'aucune utilité vu tes propos. » Je commençais à marcher dans la rue, pour reprendre la direction de la bibliothèque. « Je ne garderais que nos bons souvenirs, enfin, ceux que j'ai vécu avec l'autre Maxwell, pas avec la chose, froide et satyrique que tu es devenu. » Finis-je avant de marcher et de m'éloigner de lui. Bizarrement je ne pleurais pas, sans doute car ce n'était pas l'ami qui m'était cher...



THE END Un air de déjà vu 846716
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