Edwin se souvenait parfaitement bien de cette femme. Elle était sans doute celle qu'il avait le moins bien traité de toutes ses maîtresses, et pour cause, il avait eu bien du mal à l'avoir. Elle lui avait montré beaucoup plus de résistances qu'un bon nombre d'autres femmes, et en cela, il se souvenait d'elle même encore aujourd'hui, alors que cela faisait plusieurs mois qu'il avait abusé de la gentillesse et de la confiance de la demoiselle. Il n'avait pas été tendre avec elle ... Du moins si, mais c'était pour mieux la sauter (pardonnez ma vulgarité très chère). En fait, elle sortait d'une relation compliquée et douloureuse, autant dire que cette femme trop douce et trop agréable était en miettes, a ramasser à la petite cuiller. Aussi surprenant que ça soit, Edwin avait été la pour elle, a la consoler, la conseiller, lui parler dès lors qu'elle avait besoin d'attention et d'affection. Il était les bras sur lesquels pleurer, le regard qui disait vrai, les paroles omniscientes, et l'ami à qui se confier. Il avait tous les rôles, et durant un court laps de temps, il avait été pour Roxanne sans doute la personne la plus importante. Malheureusement, Edwin n'était pas motivé par une subite envie d'aider autrui, il avait juste été attiré par cette splendide demoiselle, et s'était juré de la mettre dans son lit. Il n'était pas homme à ne pas aller jusqu'au bout de ses propres défis, et malgré le temps qu'il y avait mis (cela ne l'empêchait toutefois pas d'aller voir ailleurs), il y était parvenu, et ne regrettait absolument pas tous ses efforts. Au pieu, Roxanne n'était pas une femme que l'on pouvait oublier aisément. Évidemment, il s'était enfui ensuite, sans lui laisser de mot ou quoi que ce soit, sans la moindre parole, sans la moindre attention. Son égo surdimensionné lui sifflait dans l'oreille que son corps était une consolation bien suffisante. Même bien supérieure. Il savait toutefois que Roxanne, malgré sa douceur et sa gentillesse presque naïve était une femme assez rancunière, et qu'il valait mieux pour lui ne plus jamais la revoir par hasard. Il n'avait pas peur de ses jolis petits poings, mais tout de même.

Toutefois, la revoir sur cette plage n'inspira en lui qu'amusement. Enfin, il aurait un peu de distraction dans cette ville qu'il commençait sérieusement à juger chiante. Roxanne pourrait lui apporter ce qu'il lui manquait, à savoir un bon lot de rires, et une occasion de se montrer aussi mordant qu'il le voulait sans rien avoir à payer en retours. Il pouvait jouer n'importe quel jeu avec cette demoiselle, elle ne l'effrayait pas le moins du monde, elle était bien trop cruellement torturée pour qu'elle n'ose lever la voix trop haute. Et tant bien même ça aurait été le cas, ça n'aurait rajouté qu'un peu de piment à ce jeu qui risquait de se montrer ... intéressant. Il vit qu'elle tourna la tête, et il lu dans son regard une multitude de sentiments parfois contradictoires mais finalement convergeant tous dans le même sens : la haine. Oui, elle avait effectivement l'air de le haïr, cette femme tellement prévisible. Ce qui amusait Edwin au plus haut point, finalement, c'est qu'il connaissait quasiment tout de cette demoiselle, après l'avoir si longuement écouté parler pendant des décennies sur sa vie, sur ses émotions et sur ses problèmes, alors qu'elle, en revanche, ne connaissait rien d'autre d'Edwin qui son prénom (et encore ...). Il avait donc une supériorité absolue sur cette jolie blonde qu'il avait fait sienne avec patience, certes, mais sans la moindre difficulté. Un joli rire éclata alors qu'elle venait de tourner la tête vers lui, et il l'écouta parler sans se départir de son sourire. « Tu as tort de t'inquiéter pour ma popularité, elle se porte merveilleusement bien. Les femmes à Lewis sont de véritables tigresses, elles savent bouger avec grâce et énergie. Mais j'ai rarement vu des demoiselles crier aussi fort que toi, ma belle. C'est pourquoi je te demande si je te manque tant que ça, car les hommes qui te feront réagir ainsi ne doivent pas être nombreux. » Petit sourire purement satisfait, comme pour lui montrer que tout allait bien pour lui, son égo se portait toujours à merveilles, elle n'avait absolument pas à s'en soucier. Il avait beau se moquer, Roxanne était toujours aussi belle, et son regard braqué sur lui ne le laissait pas indifférent.

La tirade énervée de Roxanne mais sans doute bien réfléchie pendant des mois aurait pu provoquer chez lui un réel déclic. Mais non. Edwin avait parfaitement conscience de ce qu'elle venait de dire, mais n'en avait rien a faire. A partir du moment où l'amusement était de la partie, il s'estimait heureux de son mode de vie. Jouer le séducteur n'avait à ses yeux que des avantages, puisqu'il n'avait jamais été déçu. Il parvenait à séduire toutes celles qu'il voulait, et même lorsqu'une demoiselle sortait de ses griffes avant qu'il n'ai obtenu ce qu'il voulait (ce qui avait bien du arriver une ou deux fois, soyons réaliste) il ne voyait pas ça comme un échec dans sa condition de Dom Juan. Bien au contraire. Il fallait tout de même quelques exceptions pour rendre le jeu vraiment intéressant, car ce qui lui plaisait le plus, c'était le bonheur de la séduction ... une fois cette partie passée, il ne voyait plus aucun intérêt à rester avec une femme, quoi que certaines aient pu quelque fois s'approcher un peu trop de son coeur et s'attirer de l'affection de la part d'un homme qui ne semblait pas en avoir le moins du monde à offrir. « Je profite au moins de ma jeunesse, je m'amuse tant que je le peux, alors que lorsque tu seras vieille et ridée, tu auras certes un compagnie a tes côtés mais tu regretteras sans doute tes plus jeunes années passées dans l'ennui le plus complet. Carpe Diem » lui lança-t-il sur le ton péremptoire d'un avertissement alors qu'il n'en pensait pas un mot. Malgré son sens de l'amour très peu développé et très étrange pour le commun des mortels, personne n'aurait pu enlever a Edwin le fait d'être intelligent et particulièrement cultivé. Sa connaissance générale, d'ailleurs, faisait de lui bien plus qu'un séducteur de premier ordre ... du moins encore aurait-il fallu le connaître un minimum pour s'en rendre compte.

Edwin s'apprêtait à lui parler de Jewell (en vérité, il en mourrait d'envie) mais la belle s'était levée, et avait rejoint la mer où elle baignait gracieusement. On eut presque dit une nymphe au milieu de cette merveilleuse immensité bleutée. Il sourit, pensant a la faiblesse de cette demoiselle toujours aussi présente, elle qui préférait fuir que d'affronter, ne serait-ce que dans le dialogue, celui qui avait été le temps d'une nuit (fantastique avouons le) son amant. Ah, qu'est-ce qu'il attendait avec impatience de lui parler de Jewell ... car oui, notre beau séducteur toujours aussi dragueur et incapable de la moindre tendresse avait une copine ! Bon, une copine relative, dirons nous, puisque ça ne l'empêchait pas de s'afficher aux bras d'autres jolies brunes, mais tout de même. Il éprouvait pour quelqu'un un peu plus que la lassitude qu'il témoignait à ces autres maîtresses, et même s'il ne s'agissait pas d'amour, cela relevait au moins de l'ordre de l'affection. Quelque chose que Roxanne ne croirait sans doute pas. Elle ferait erreur, d'ailleurs, puisqu'il avait beau avoir tous les défauts du monde, le mensonge n'en faisait pas partie. Il était un homme franc et honnête, et avouait non sans fierté le sort qu'il réservait aux femmes qu'il rencontrait. Ce n'était finalement pas de sa faute si elles étaient assez stupides, idiotes ou en manque pour accepter une telle proposition indécente, et qui les faisait passer pour des ... des moins que rien. Des corps sans âme, des poitrines dénudées sans cervelle, des sexes sans volonté.

Lorsqu'il retourna la tête vers la mer et la nymphe qui y baignait, spectacle qu'il avait délaissé quelques secondes pour jeter un regard alentours, il fut surpris de voir le bout de tissu qui pendait au bras de la demoiselle. Il ne pouvait plus la voir clairement, mais il était évident qu'elle avait retiré le haut de son maillot. Finalement, cette femme trop timide, trop naïve, trop insupportable avait peut-être un peu évolué ... Etait-elle passée un niveau au dessus ? Edwin avait du mal à y croire, mais le spectacle qui se déroulait sous ses yeux n'était pas un leurre et indiquait clairement qu'elle jouait à le provoquer. Et la prunelle amusée qui s'éclaira dans ses yeux démontrait qu'il ne comptait pas se laisser faire, pire encore qu'il rentrerait dans cet amusement qu'il n'espérait même plus avec une grande joie. Il se leva sans se presser, retira son tee-shirt avec le même non-empressement, puis exécuta un joli plongeon du rocher où il était adossé. Il avait gardé son pantalon, mais peu importait finalement, autant jouer le jeu jusqu'au bout. En quelques brasses il fut a son niveau, et après avoir admiré sa jolie poitrine quelques secondes, il se re-concentra sur son visage pour glisser son beau regard dans le sien. « Tu as toujours un corps aussi magnifique, tu sais. »

Roxanne ✿ Edwin

Roxanne était une fille surprenante, et elle avait visiblement changé. Elle était capable de répondre à Edwin sans se démonter, même d'affronter son regard. Ce qu'autrefois, elle n'avait pas su faire, malheureusement pour elle. Elle s'était laissé avoir par quelques paroles bienfaisantes. Edwin s'en souvenait encore. « Laisse cet homme, il ne te mérite pas. Moi, je suis là. » Cela avait suffit. Cela et bien d'autres phrases, toutes dans le même registre, ventant sa bienveillance face à celle de celui qui avait brisé le coeur de Roxanne. Technique imparable. Il avait réussi. C'était elle qui l'avait embrassé la première, elle qui avait entreprit de le déshabiller. Lui n'avait fait que répondre, réprimant un sourire de victoire. Ce souvenir refaisait face dans son esprit alors qu'il se trouvait face à elle, aussi belle qu'un songe. Il s'était vraiment comporté en salaud. Comme toujours. Et il ne regrettait pas.

Sa phrase le fit sourire. Alzheimer ? Elle voyait l'avenir maintenant, pouvait prédire quelle maladie le terrasserait ? Il sourit. Un sourire provocant et charmeur à la fois. Sa marque de fabrique.

« Mais c'est bien d'être un enfant Roxanne. D'être encore et toujours un enfant. De faire ce qu'on veut, quand on veut. Sans se soucier des autres. Pourquoi toujours les autres ?! »

Une flamme pure brillait dans ses prunelles. Il n'avait jamais été atteint par le syndrome de Peter pan et ne se considérait pas comme un enfant (après tous, les enfants n'enchainent pas les conquêtes) mais d'un côté elle n'avait pas tout à fait tort. Il venait de le prouver lui même, par ailleurs. Il la regardait sans cesse, aussi, elle dut être surprise lorsqu'il jeta un oeil à sa main. Comme pour vérifier qu'elle était toujours là. Puis son regard se vrilla dans celui de Roxanne. Presque tendre. Enfin, il passa un bras autour de ses épaules, protecteur, fraternel, avant d'approcher sa bouche de son oreille, et de murmurer, dans un souffle qui se mêla à la caresse du vent.

« Toi, tu n'as jamais essayé. Et je te promets que tu le regretteras un jour. Et ce jour là, Roxy, je n'aimerais pas être a ta place. »

L'utilisation du diminutif de son prénom n'avait pas été voulue. Elle était sortie, comme ça, toute seule, en souvenir de leurs mois passés côte à côte, sans doute. Après tout, Edwin avait mit longtemps avant de pouvoir la mettre dans son lit, et fidèle à lui même, n'avait jamais abandonné. Des mois. Peut être deux, ou trois. Il ne se souvenait plus de rien, sauf de la vitesse de sa fuite. Deux minutes.

Roxanne ne l'avait pas attendue et était allé se fourrer dans l'eau à moitié nue où Edwin l'avait suivi. La tirade de la jeune femme ne lui tira qu'un regard plus intense encore, presque noir. Il n'avait pas été blessé par ses mots, ne le serait jamais. Mais par fierté, il n'aimait pas se faire faire la leçon par une femme. Surtout pas cette femme là. Il laissa un sourire badin prendre sa place sur son visage lorsqu'elle retira le bas, il ne fit néanmoins pas un geste, ni pour se rapprocher d'elle, ni pour s'emparer du maillot qu'elle tenait. Trop indigne de lui.

« Tu ne verras sans doute pas comment je finirais Roxy. Tu l'as dis toi même : je serais seul. Seul à me voir, pathétique, dans ma maison de retraite. Aux yeux des gens, je n'aurais jamais été que celui que je suis a l'heure actuellement. Jeune, riche, beau, séduisant. C'est celui-ci que je veux rester. Tu ne comprends pas je suppose hein ?! »

Pas de jugement dans sa phrase. Simplement une pâle lassitude. Il savait qu'elle ne comprenait pas, qu'elle était incapable de comprendre. Il ne lui en voulait pas. Personne ne pouvait le comprendre. Lui même, parfois, avait du mal. Puis, semblable à son attitude de toute à l'heure, il s'approcha d'elle, posa tendrement ses deux mains sur ses hanches, avant de se pencher vers son oreille, en faisant bien attention à ne frôler aucun de ses attributs.

« Et qui sait, peut être que je regrette Roxanne. Peut-être que je te regrette. Tu n'aimerais pas savoir ? Je sais que malgré ta haine, toi non plus tu ne regrettes pas. Mes mains sur ta peau. Mes caresses. Mes murmures. Tu as aimé autant que moi, si ce n'est plus. »

Roxanne ✿ Edwin

Oui, elle avait changé. Il aurait été stupide de ne pas le remarquer. Elle était devenue plus affirmée, moins apte a se faire avoir et il se doutait que ce revirement lui était en partie du. Bien sur, il l'avait trompée, l'avait fait souffrir de bien belle manière, et il était normal qu'elle en ai acquis une certaine assurance. Il avait raison. Mais malgré ça (ou plutôt grâce à ça) elle semblait d'autant plus belle aux yeux d'Edwin. Lui, pourtant, qui avait comme principe de ne jamais coucher deux fois de suite avec la même femme, les voyait remise en question. Il avait vraiment envie de poser ses mains sur Roxanne, de la caresser, de la faire gémir comme la dernière fois qu'il l'avait possédée toute entière. Il doutait qu'il n'y parviendrait jamais, et essayait de la charmer dans le seul but de l'agacer au plus haut point. De la rendre aussi fragile face à lui. Aussi démunie. Elle l'était, son regard le démontrait clairement.

« Mais roxanne, c'est toi qui m'a comparé a un enfant, je n'ai fait qu'approuver tes dires. »

Façon de la déstabiliser ? Oui, sans doute. En vérité, Edwin avait tout oublié au sujet de cette femme. Il avait tout appris d'elle durant les moins précédant leur liaison, connaissait absolument tout de cette Roxanne McFire. Jusqu'à ce qu'il l'obtienne. Le lendemain, il ne se souvenait déjà de plus rien d'autre que de ses cris, que de ses gémissements, que de ses caresses. C'était les seuls souvenirs qu'il gardait de ses maitresses. Ainsi que leur prénom. Peut-être. Parfois. Ils étaient dans l'eau, effectivement comme deux enfants jouant au jeu du chat et de la souris. N'était-ce pas ce qu'ils faisaient après tout ? Ils se courraient après, s'évitaient, faisant des boucles serrés pour que l'autre ne la rattrape pas, et ainsi de suite. Après tout, au lieu de lui répondre, Roxanne n'avait qu'à fuir. Après tout, elle n'était bonne qu'à ça.

« Il fut un temps où tu me comprenais Roxanne. Un temps où tu connaissais la moindre de mes demandes, même silencieuse ! »

Un sourire pervers avait naquis sur ses traits, bref réminiscences de leurs souvenirs passés. Non, leur souvenir passé. Il était un. Il était seul. Cette fameuse nuit qu'Edwin avait gravé dans sa mémoire après tout les efforts qu'il avait déployé pour y parvenir, et il savait que Roxanne aussi s'en souvenait parfaitement. Pour lui, elle avait un goût de victoire, pour elle, surement, d'une défaite amère et insoutenable. Il aurait presque pu s'en vouloir. Presque. Il n'en était rien, au contraire, il en gardait une fierté encore aujourd'hui, alors qu'il l'avait face à lui. Aussi belle que dans son souvenir. Non, plus encore !

« Je n'ai jamais pu te faire craquer en un claquement de doigt Roxy, jamais. Il m'a fallu du temps et beaucoup d'efforts, tu ne te souviens plus ? Plusieurs mois ! Je ne pense pas pouvoir réitérer l’expérience maintenant, mais qui m'en voudrais d'essayer ? » lui confia-t-il avec un clin d'oeil presque amusé.

Et elle s'était enfuie. Comme une pauvre lâche qu'elle était, qu'elle avait toujours été. Il ne comptait pas la rattraper, finalement, il se fichait d'elle comme de tout ce qui l'entourait. Il était déjà parvenue à avoir Roxanne, et même si le désir de l'avoir à nouveau était présent -en infime quantité d'accord mais tout de même- il n'en voyait pas l’intérêt. Il nagea quelques temps, quelques minutes, peut-être cinq, puis entreprit de retrouver sa chemise et de partir. Partir il ne savait où. Loin. Faire de nouvelles connaissances, boire un café, regarder un film. Il déciderait sur le moment. Seulement tous ses désirs furent remis en question lorsqu'il ne trouva pas sa chemise. Un sourire naquit sur son visage lorsqu'il comprit qui en était la voleuse, et sans se formaliser de se déplacer torse nu (d'un autre côté avec un pareil torse, il n'avait pas de honte à avoir) il entreprit de se rendre au parking. Peut-être que Roxanne l'y attendrait, sa chemise à la main ? Il n'eut aucun mal à la retrouver. Sa voiture d'abord, toujours la même. Puis elle, installée à l'intérieur. Il ouvrit la portière, se plaça face à elle.

« Alors, tu aimes tellement mon corps que tu voulais le revoir une dernière fois nu ? »