Nothing is static. Even the Mona Lisa is falling apart

— THE AMERICAN DREAM

The Big Apple. Des hectares de bâtiments, de ruelles sombres, d'individus en proie à un rêve. L'underworld en venait à se réveiller. La nuit commençait à tomber, les putes à sortir — amazing. A Hell-A, Adam y avait traîné cinq, six mois. El Paso, les gringos ne le côtoyèrent qu'une petite année : l'époque où il songeait à se caler au Mexique, à se trouver une petite baraque, à siroter des tequilas et côtoyer des señoritas dans une douce retraite. Seattle était une petite banlieue terrible, une passe d'une poignée de semaines, d'autant plus après que les feds se soient intéressés à ses activités. A Kansas City, les clients manquaient à l'appel.— Cincinnati, Détroit, Phoenix, Boston, même constat. New-York s'avérait donc l'idéal. New-York était la terre promise pour un dealeur. Pour un gosse rejeté de Chicago. Pouvoir se payer une suite dans un hôtel assez prestigieux dans la plus grande ville de l'Amérique avait un goût de vendetta. Son père ne voulait pas de lui, et vice-versa ; sa mère enchaînait les cures de désintox', alcoolique jusqu'à en venir à cacher des bouteilles sur son lieu de travail. Adam avait fugué à quinze ans. Adam avait fait un doigt d'honneur à ce monde si imparfait dans lequel il vivait. Partant sur les routes, apprenant sur le terrain à dealer. Les débuts furent chaotiques. Il ne savait pas couper. On cherchait à le suriner dans certaines ruelles. Il s'était fait serré une fois, à Dallas, avec un sachet. Son âge lui avait permis d'être relâché. Sa conscience l'invitant à ne pas se faire avoir une seconde fois. Il se fabriqua une réputation, une liste de contacts. Il améliora la marchandise, minimisa les pertes. Il se fournissait souvent sur place, "s'endettant" artificiellement, et employant sa belle gueule pour que les gains montent, montent, montent. Il marchandait le bonheur. Le gigolo de l'extase, avec des pilules, des seringues. Adam observait les visages pâles, les bras tuméfiés, les mères prêtes à vendre leurs enfants pour une dose. Son âme s'imbiba de toute cette misère/horreur malgré lui, conférant à l'ensemble de son caractère des injections de sang-froid, finissant peu à peu par le rendre plus inhumain qu'il n'était auparavant. Il fumait clope sur clope devant des boites de nuit, vendant discrètement. Il faisait de l'autostop pour passer d'une ville à une autre, ayant acquis une arme à feu durant une transaction avec des russes à Miami tant et si bien que sa sécurité n'était jamais engagée. Il dormait d'un œil. Il côtoyait des nanas. Mignonnes, ou déjà détruites par la drogue. Il calculait les bénéfices déjà amassées, et décidait alors d'une passe gratuite comme payement si son esprit l'amnistiait. Adam rêvait d'amasser assez d'argent et de quitter le milieu. L'espérance de vie n'était pas très élevée/ l'odeur de la prison était parfois présente dans l'atmosphère. Il poursuivit son road-trip, sillonna la côte Est, sillonna la côte Ouest. S'il était talentueux, il dormait dans un lit, sinon dans la rue. Les années commençaient à lui conférer une carrure plus sérieuse, le gamin des rues devenant un homme. A New-York, il rencontra Johnson. Un type faisant deux mètres de haut, véritable masse de muscles ayant une haine envers toute l'humanité. Sauf à l'égard de "Mr Harper". Adam l'avait repéré dans une ruelle, affrontant un pseudo-gang décidé à le mettre minable : bang bang, son arme à feu avait fait fuir les connards. Leur tandem débuta presque immédiatement. Il faisait son commerce, l'autre le protégeait. Les profits étaient partagés, 70/30. L'entente était bonne. Tout comme la voisine qu'il se paya.

Happiness is a warm gun

— TENTATION AND PLEASURE

« L'Hampton Inn a brûlé cette nuit. Selon les premières informations, plusieurs victimes seraient à déplorer : l'origine du drame n'a toujours pas été élucidé même si des pistes criminelles sont actuellement suivis par les autorités new-yorkaises. Les habitants du quartier partagent la souffrance des familles, mais ne peuvent pas dissimuler un certain soulagement. L'hôtel n'était pas réputé pour la qualité de sa clientèle, composée en grande partie de camés et il y avait même selon les rumeurs en son sein un réseau de prostitution. La police n'a pas voulu faire de commentaires à ce sujet. Une source désireuse de rester anonyme nous a déclaré que cet incendie était nécessaire pour le bien de la communauté. »
THE NEW YORK TIMES

Mercedes avait un corps de rêve. Mercedes était venu "l’accueillir", sans petite culotte. Adam était tombé sous le charme. Adam avait passé son temps libre entre les cuisses de la blonde. Elle avait dressé un bref panorama de sa condition sociale. Junkie. Nympho'. Pute. C'était un joli CV. Son mac la frappait. Pas au visage. Et il veillait à ne pas laisser de marque. Elle avait grandi dans une famille trop grande, impossible de faire des études. Durant un temps, elle avait essayé de donner le change : se faisant passer pour une étudiante, enchaînant les clients la nuit. Pour tenir le rythme : la drogue. Cocaïne, ecstasy — récemment, héroïne. Adam fumait ses clopes, écoutant des morceaux de sa vie sans chercher à les assembler. Son esprit le fit quand même. Ses doigts, en caresses, passaient sur le corps de la jeune femme. Elle se réfugiait chez lui quand son boss la cherchait ; il planqua sa came chez elle, lui évitant lors d'une descente de police d'être alpagué. Johnson n'eut pas autant de chance : Johnson fut envoyé derrière les barreaux pour plusieurs chefs d'inculpations. État d'ébriété au volant. Insultes envers un agent de police. Coups et blessures envers un agent de police. Tentative de meurtre. Détention d'armes à feu. Possession de stupéfiants. Jackpot, au final. Adam devait lever les voiles. Il alla dire adieu à la blonde. Il la retrouva dans sa baignoire, nue, froide : à demi-consciente — overdose. Il la stimula. Il la frappa au visage. Le mac débarqua. Le mac l'insulta. Ils en vinrent à se battre dans la salle de bain délabré. Le lavabo céda. Les murs se firent enfoncer par le poids de leurs corps ; ils se projetaient l'un contre l'autre ; quelqu'un, quelque part, déclara qu'il allait appeler la police. La conscience d'Adam, encaissant des droites, des uppercuts, lui hurla de foutre le camp ; sur lui, il avait assez de came pour passer quinze vies en taule. Mercedes était morte. Mercedes avait cédé. Il aperçut les paupières de la blonde, se déplaçant légèrement. Il fit reculer le mac en un coup de pied. Adam lui écrasa la figure contre un miroir, le faisant hurler et partir, paniquer, avec des bris de verre jalonnant son visage. « Reste avec moi putain! » ; Mercedes était dans les vapes, Adam calculait la vitesse à laquelle elle passait d'une phase à l'autre. Elle en était à la trois ; il pratiqua la respiration artificielle. Observa ce qu'elle s'était injectée. La phase quatre commença à approcher. La cinq était la mort. Il crut qu'elle l'avait atteint, décelant cependant encore son pouls : coma. C'était mieux que rien. Il la fit quitter le bain, l'habillant, réfléchissant à foutre le camp — sans elle. Il sollicita l'aide des camés : doses gratuites pour les volontaires, doses gratuites pour les volontaires. Mercedes se retrouva dans un autre lit dans un autre hôtel. Adam incarna son médecin, après avoir incarné le pyromane. Le mac y laissa la vie. D'autres salopards, et une camée. Les remords seraient pour un autre jour. La blonde était HS, reprenant vie peu à peu. Adam n'avait pas le temps pour ces conneries. Il attendit qu'elle aille un peu mieux. Lui laissa la moitié de son argent. Lui souhaita une existence plus dorée à New-York ; et laissa entendre sa prochaine destination à un de ses amis, au chevet de Mercedes, croyant qu'elle pionçait. Lewis : bled paumé, les habitants devaient bien avoir besoin d'un fournisseur de drogues. Les adieux n'eurent pas vraiment lieu entre lui et elle. Adam ne s'attachait pas. Adam refusait l'idée qu'il lui avait sauvé la vie. Le monde était un sac de nœuds ; à chacun le sien à dénouer, celui du dealeur nécessitait qu'il change de décor.