Dix lignes pour résumer Juno ? Putain, c'est trop court. L'intérieur du crâne d'un con, ça se résume pas. Ses opinions, ses choix et ses gestes sont bien trop diversifiés, quoique, il y a quelques points qui sont toujours les même. Comme peut être le fait que c'est un vrai imbécile avec les femmes. Il n'a pas été élevé par une femme, son entourage n'était composé que de gros pervers misogyne et macho traitant les femmes comme des moins que rien. Bon, n'exagérons rien, Juno n'est pas comme ça. Il est juste extrêmement maladroit, parfois brute dans ses propos et dans ses gestes, bref c'est un vrai répulsif féminin. C'est pour ça qu'il boit. Pourquoi ? Parce que l'alcool change ce défaut insupportable pour un jeune homme accro aux longues jambes, aux lèvres roses et à la peau parfumée. Il boit effectivement énormément. Le cliché du garçon à la vie merdique que se fout en l'air pour oublier ses problèmes ? Ouais, c'est bien ce qu'il est. Un véritable cliché qui boit et qui fume. Sa existence est une beuverie. La déco de son appart ? Des bouteilles vides et des mégots de cigarette à l'aspect bizarre. Parce qu'il fume aussi. Il fume quoi, il ne le sait même pas lui même parfois ! Juno se fout de tout, il vit au jour le jour, sans être véritablement malheureux mais pas heureux non plus. Il rencontre une fille paumée dans la rue, il l'aime à en crever au premier regard et un jour plus tard, il l'a oublié. Juno n'as pas que des défauts, faut pas croire qu'il est pourri jusqu'à la moelle. Peut être est-il, parfois, amical...non, pas amical mais plutôt sympathique avec ses amis. Juno est un grand associable et un solitaire endurci, pourtant la présence d'amis autour de lui lui plait assez. D'accord, parfois il en a marre et fait dégager tout le monde mais il peut être marrant aux premiers abords. On parle bien d'amis, pas d'amies. De toute façon, il ne voit pas les filles comme des amies. C'est impossible de rester ami avec une fille, c'est pourtant pas compliqué et personne n'a jamais compris. Même si cette fille en question n'est pas top niveau physique, on finit toujours par la connaitre tellement bien qu'on finit par l'aimer ou ressentir une attirance répugnante. Il n'a jamais vécu ça et il ne veut pas le vivre, c'est pour ça qu'il n'a pas d'amies. Non, ce n'est pas une excuse. Juno est assez ambitieux. Malgré son côté "je m'en tape du monde" il voudrait réussir ses études et avoir un futur potable. Par contre, le fait de se marier et avoir douze enfants le dégoûte littéralement. Au dixième, la mère devient affreusement grosse et moche, le père boit de plus en plus et la vie est ruinée par des gosses qui chialent sans arrêt. Malgré ses frêles épaules, il tient tête à toutes sortes de personnes, effrayants ou pas. Oh non, il n'est pas courageux mais hargneux, comme un roquet dit-il. D'ailleurs, le fait qu'une femme lui tienne tête est tout à fait insupportable. Quelqu'un qui résiste à ses avances maladroites le met hors de lui, pourtant au fond de la forêt vierge qu'est sa tête, ce genre de comportement est un objet de fantasme immense. Bref, Juno est un jeune homme bizarre qu'on ne résume pas seulement en ces quelques lignes.

« Juno, ici. » La voix grave de son père se répercute sur tous les murs de la pièce étroites. Ce ton menaçant ne veut rien dire de bon. Du haut de ses 16 ans, Juno a encore peur de son père. Ce vieil homme affreux. Vieil homme affreux qui a mit sa propre femme à la porte, laissant Juno avec ce fou. Depuis son plus jeune âge, le garçon craint son père, l'ayant vu maltraiter sa mère. Étonnement, il n'a jamais rien fait à Juno a part la violence morale que le jeune homme peut très bien encaisser, il est devenu solide avec le temps. Il s'est efforcé de rester le plus loin possible de son père, de rentrer le plus tard qu'il le pouvait. Après les cours, il ne rentrait pas chez lui, il allait s'isoler dans un champ ou même dans une rue, peut importe, tant qu'il était loin de lui. « Fils, ici, j'ai dit. » Juno déglutit bruyamment et s'approche de son père à pas lents. Ce dernier lui sourit, un rictus affreux lui donnant un air de psychopathe. Il sort quelque chose de sa poche, une petite boîte métallique aux écritures italiennes. Juno le regarde enrouler une cigarette avec des yeux attentifs. Généralement, son père veut être seul quand il fume, Juno n'as pas intérêt à l'approcher. Hors, cette fois-ci, il fait sa cigarette, qui n'a pas la même forme que d'habitude, et la pointe devant Juno avec un sourire sournois. « Tu vois cette merveille, fils ? Cette cigarette est mille fois mieux que le peu de ce que tu as vécu avec une femme, elle provoque des rêves et résout tous tes problèmes. Tu vas fumer ça, fils. Si tu fumes, tu deviendras enfin un homme. Du moins, un jeune homme, tu tiens trop de la pute qui t'as mit au monde pour devenir un homme comme ton père. Fume maintenant. » L'entendre parler ainsi de sa mère ne l'ébranlait même plus, il l'a fait si souvent. Plus jeune, Juno se disait que c'était normal quand il voyait son père frapper sa mère, il restait dans l'ombre, caché quelque part. Il pensait que c'était normal, la mère devait être soumise au père, c'est ce qu'on lui avait appris. Puis, il a grandit et il s'est rendu compte que c'était anormal quand son père a jeté sa mère à la porte. Juno regarde la cigarette avec des yeux hésitants. Il doit le faire, sinon ça va mal se passer pour lui. Il prends la cigarette avec précaution comme si cette chose allait lui brûler les doigts et la porte à sa bouche. Juno a déjà fumé mais pas ce genre de cigarette, il tire donc dessus comme ce qu'il a l'habitude de fumer. La fumée est beaucoup plus veloutée que ce qu'il connait. Elle coule dans sa bouche, on dirait de l'eau. Juno se l'imagine, dévalant sa trachée pour arriver à ses poumons. Il se l'imagine faisant un autre chemin aussi, la fumée remonte dans son nez et n'en sort pas, elle continue plutôt jusqu'à son cerveau. Au moment il la voit entourer son crâne, il se sent tout d'un coup mal et léger un même temps. Ses pupilles se dilatent brusquement et il porte sa main à sa tête. Juno n'a plus de tripes, il n'a plus de langue ni de cerveau d'ailleurs. Ses jambes maigrichonnes lâchent prises et il se raccrochent à la table de bois. Son regard noir se porte sur son père qui semble satisfait. Juno ne parvint qu'à dire un bref "houlaaa", sa tête se mit à tourner et il perd connaissance devant son père.

« Putain, lâche moi. J'me barre de ce trou pourri et tu me suis pas. » D'un pas rapide et décidé, Juno se retourne et présente ses majeurs à la jeune femme qui le suit. La pauvre fille est en talons et cours désespérément après lui. Il ne la connait pas vraiment, elle lui court après parce qu'il vient de passer la nuit avec elle, il était complètement défoncé et peut être bourré, il ne se souvient plus. Juno ne connait même pas le nom de cette fille. Un traînée en talons qui lui court après sur le quai d'une gare. Elle n'a rien d'attirant et sa voix fluette énerve de plus en plus le jeune homme qui ne cherche qu'à s'échapper d'ici. Son père est mort la veille, plus personne ne retiens Juno ici, il part. De toute façon, il n'a jamais aimé Catania même si il y est né. Cette ville lui rappelle trop de souvenirs affreux et il a trop de compte à régler. Il part tout de suite. En train. Il ne sait pas où il va pas il va quand même. La première ville qui le tente à travers la vitre du train sera sa nouvelle destination. Il parle non seulement italien, français et anglais. La fille derrière lui réussit tout de même à lui attraper le bras. « Mais enfin, tu vas où Juno ? Tu ne sais même pas où aller en plus. Reste ici, tu as des amis et moi. » La main de Juno écrase brusquement la joue de la jeune femme qui tombe sur le sol bétonné de la gare. Première gifle de sa vie. Il ne ressent aucune satisfaction, plutôt un vive douleur dans le ventre. Il ressemble à son père. Juno ferme les yeux, respire et s'accroupit à côté de la jeune femme. « Bon, excuse-moi, j'voulais pas faire ça. Non, j'ai pas d'amis et je m'en fout de toi, je ne connais pas plus que ton corps. Je n'ai pas besoin de toi pour partir, je suis grand, j'ai 19 ans. Et tu n'es rien. » Juno sent le sol trembler sous ses pieds. Le train. Il prends la fille dans ses bras et la dépose sur un banc. Sans se retourner, il monte dans le train qui vient de s'arrêter. Il n'y a que lui qui y monte. Il n'a rien, pas de sac. Les seuls vêtements qu'il porte sont ceux qu'il porte et ses seules provisions sont les sachets poudre blanche dans sa poche et son paquet de cigarette. Ce train s'arrêtera bien quelque part et la nouvelle vie de Juno commencera enfin. Il allume une cigarettes et soupire de soulagement.

Juno est brusquement réveillé par une secousse forte. Ses yeux bleus s'ouvrent lentement tandis qu'un mal de crâne lui arrache un grognement. Il a sans doute dormi longtemps. Il ne regarde même ce qu'il y a par la fenêtre du train et court hors de la machine. A première vue, c'est une ville pas trop grande. Juno ne voit que quelques maisons d'où il est. Il repère un panneau. C'est écrit en anglais. Génial, il est loin, très loin de sa ville natale, de cette fille et du cadavre de son père. Il fouille dans sa poche, allume une cigarette et se dirige vers la ville avec un sourire sincère.